jeudi 19 septembre 2019

"4.48 psychosis": compte à rebours...Course contre la mort...


NOUVELLE PRODUCTION A L'ONR CREATION FRANCAISE 

"La dramaturge anglaise Sarah Kane a marqué le théâtre par ses œuvres poétiques, puissantes et incisives. Créée en 2000 quelques mois après sa disparition brutale, 4.48 Psychosis évoque de manière poignante et profonde l'expérience de la dépression.
Poésie, colère, humour noir se mêlent dans cette évocation d’une femme en lutte avec la maladie qui intègre en son titre l’heure du petit matin où, selon l’écrivaine, se mêlent la naissance du jour et le désespoir. Par sa force et sa beauté, l’opéra du compositeur anglais Philip Venables a enthousiasmé la critique et bouleversé le public lors de sa création puis lors de sa reprise au Royal Opera House de Londres. Œuvre destinée aux jeunes comme aux moins jeunes qui prouve avec éclat que la musique contemporaine peut s’adresser à tous en évoquant le monde actuel, la difficulté de donner sens à sa vie et les désirs les plus intimes. Cette production est conçue avec subtilité et délicatesse par le metteur en scène américain Ted Huffman. Richard Baker dirige l’Orchestre philharmonique de Strasbourg."





"Vienne la nuit.Sonne l'heure les jours s'en vont je demeure" (Le Pont Mirabeau Guillaume Apollinaire)
Mais elle ne demeurera pas, notre anti héroine, rivée au couperet de l'heure fatidique qu'elle s'est imposée pour se donner la mort.
Clin d’œil à "4'33" (4′33″ est un morceau composé par John Cage, souvent décrit comme « quatre minutes trente-trois secondes de silence ») pour ce chiffre énigmatique, ce titre qui emprunte à la métrique, au comptage du temps, image de clepsydre qui distille les minutes de vie pour s'arrêter enfin , goutte à goutte dans l'alambic.
Dans un décor de blancheur clinique, très opérationnelle, évoquant le climat d'un hôpital psychiatrique, six chanteuses, six femmes animées de cette folie obsessionnelle du suicide vont évoquer, vivre et incarner les derniers instants volontaires d'une femme en proie au désespoir, à la dépression: dépression qui sur le tableau de la météo de l'âme sera forte et persistante, déprime pourtant véhiculée paradoxalement par les voix, souffle de vie, de mouvement!
Au centre de cette narration musicale trouble -pas vraiment de "personnage" mais une femme éprise de déséquilibre mental-, un texte incertain, parlé ou chanté, écrit en anglais et projeté en majuscules d'imprimerie sur le mur. Celui qui sépare chanteuses et musiciens, perchés sur le fronton du décor, estrade surélevée qui les isole du monde.
Au pied de ce mur, une table, quelques chaises, une salle d'attente ou de soins, d'un "asile" qui ne semble pas bivouac ni oasis de plaisir. Huis clos, enfermement des corps où seule la voix sera échappatoire, souffle virulent, violence ou délicatesse, exprimant révolte ou amour, insurrection ou délice de l'abandon dans les bras de la camarde.
Le texte de Sarah Kane est "éloquent", imprégné de puissance, de profondeur et les "récitatifs" chantés d'une grande beauté vocale. Sobre, claire, sur les chemins d'une interprétation riche de modulations, de tact, de précision . Le temps s'accélère, la fin approche, les corps entourent , bercent, protègent celui d'une femme, personnage central sans identité particulière. Enrobée, enveloppée par les contacts quasi chorégraphiés des déplacements des chanteuses, vêtues sobrement , anonymement de gris, de noir.La cantatrice Gweneth-ann Rand, puissante au centre du jeu, irradie, séduit, convainc
Son chœur qui la protège et l'accompagne durant cette longue marche vers la fin, vers la conclusion , le terme d'une vie, accompagne ce désespoir, cette "déprime" omniprésente: la musique, les sonorités des instruments ponctuant l'intrigue, montée en puissance du drame annoncé. Caisses  claires et grosses caisses en dialogue, cloche au son cristallin, pour sonner l'heure fatidique, orchestre de"chambre" suspendu aux cintres...La chute des corps au sol pour se relever malgré tout, choeur liturgique pour évoquer un requiem macabre, merveilleux instant de grâce musicale où les voix porteuses de félicité seraient celle de la part des anges en cortège céleste.
La mise en espace de Ted Huffman sert le propos, place les chanteuses au pied du mur qui s'érige et ne rompt pas, la direction musicale de Richard Baker opère au quart de tour, à la seconde près, en "dernier ressort" d'un décompte à rebours, course conte la montre ...
On songe à Raymond Devos et sa course folle contre le temps, à Mathilde Monnier dont le décompte de la "Mort du cygne" dans"3'23" La Mort du cygne? est une danse de la fin, qui nourrit sa propre fin et qui ne finit jamais de finir......

A l'Opéra du Rhin du 18 au 22 Septembre





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