samedi 28 septembre 2019

Hugues Dufourt Portrait N° 3 : le temps, très "alambiqué".Distillat de sonorités savantes.



« Il s’agit de l’accalmie avant la bourrasque, d’un climat de torpeur oppressante, d’une fausse sérénité, d’un apaisement factice avant les ténèbres », écrit Hugues Dufourt à propos de Meeresstille. Composées entre 1994 et 2006, les quatre œuvres de ce programme interprété par Jean-Pierre Collot forment un cycle en dialogue avec les lieder éponymes de Franz Schubert. De ces derniers, propulsés dans le contemporain, restent l’errance et le délaissement, l’exaltation et la révolte – un caractère torrentiel, signe avant-coureur du cataclysme.
programme Piano  Jean-Pierre Collot  

 Hugues Dufourt An Schwager Kronos (1994) / 11’
  
Une marche tonique, lente évolution dans l'espace, pas à pas, démarre l'opus Le ton monte rapidement, l'énergie agite les sonorités, frappées avec intensité. Une ascension martiale, déterminée, affirmée solidifie la musique, en alternance de sensations d'errance, d'hésitations, à taton dans le noir, suggérée par des balancements; comme lorsque l'on chemine dans l'obscurité, attentif, confiant inquiet au moindre détour, en prévention.Le ton s'affirme, on s'y habitue, on s'y repère et se dirige lentement, en compagnie du pianiste, sans but précis. Puis des ondes, des vaguelettes qui se propagent en cercle concentrique, se répandent, apaisantes.La musique de Dufourt, telle une lente introduction à des "univers" sonores à fleur de peau.

 Hugues Dufourt Rastlose Liebe (2000) / 5’ 
De beaux tumultes, un flux bouillonnant, effervescent de sonorités, de timbres en tourbillon, en mouvements très vifs, enlevés. Intranquilles, soucieux, perturbés comme un déversement de tonus, d'énergie. Course éperdue, virulente expression du piano, en notes qui s'écoulent, touchées, effleurées ou appuyées, énergiques.
"Sturm und Drang" musical, romantisme contemporain à la clef!
  
Hugues Dufourt Meeresstille (1997) / 13’  
Un vaste  paysage s'ouvre lentement comme un rideau qui dévoile la musique, les notes du piano, égrenées.Lenteur et inquiétude, presque rien ne bouge, les eaux dormantes à peine, murmurent.
Une interprétation très subtile, progressive, légère et discrète soutient le propos. Goutte à goutte, le son filtre les timbres, s'infiltre dans le tissus musical, comme un alambic qui distille en rythme, les instants du temps musical. Clepsydre des instants qui passent et se comptent, imperceptiblement. Parfois quelques accents pour appuyer, varier les intentions, des impacts aussi, impulsions sur les touches vers une ascension étrange dans une atmosphère douce....

Hugues Dufourt Erlkönig (2006) / 30’
Des résonances intenses puis du son très doux, tendre, attentionné sur le qui vive, fragile, autant qu'affirmatif et sonore.En contraste d'une interprétation aussi ténue et apaisée.. Des ombres et lumières semblent jaillir, comme des répétitions ou imitations de sonorités. Sur le bord d'une rivière, l'eau miroite, reflète les sons, en écho, les renvoyant au loin.
Le ton monte, enfle, s’épaissit, prend de l'ampleur dans une agitation fébrile, un déferlement de notes tempétueuses, ponctuées de notes pointées qui se dressent hors du magma sonore.
On s'y débat, on s'y colle en proie au séisme, au chaos!
 Des chocs, des impacts virulents, interruptions, élévation, à-coups tectoniques au poing ou plutôt sur le bout des doigts du pianiste !
Comme des fractures d'un paysage en tremblements, secousses sismiques: ou un corps qui trésaille, vacille mais ne rompt pas. Des cassures aussi, brisures tranchantes et abruptes dans le champ musical.Des sursauts, bondissements d'animal à l'affut qui traque et saute sur sa proie, divagant d'étape en étape.
La musique est dense, multi-directionnelle, des motifs y sont repris, insistants, obsédants, magnétiques...

A la Salle de la Bourse samedi 28 Septembre dans le cadre du festival Musica.


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