vendredi 28 février 2025

"umuko" , Dorothée Munyaneza / cie Kadidi : des racines et des ailes

 


Il y 30 ans, Dorothée Munyaneza a quitté le Rwanda pour un exil à Londres, Paris, et aujourd’hui Marseille. Depuis cet ailleurs où elle inscrit son existence et son activité artistique, elle revient régulièrement sur la terre de ses origines auprès d’umuko, arbre ancestral et rayonnant aux feuilles rouges, source de vie et de créativité, lieu symbolique d’ancrage dans les racines et de projection vers ce qui doit sans cesse advenir. Après Mailles, présenté en 2021, cette relation entre le passé et le futur – l’ejo en kinyarwanda – est au cœur de son nouveau projet, dans lequel elle collabore avec une jeune génération d’artistes qui réinvente la création au Rwanda. Sur une toile de fond vibrante et colorée, elle déploie le langage des corps et fait entendre les notes de l’inanga, instrument à cordes traditionnel. À la fois transmission d’une culture toujours vive et exploration de nouveaux territoires artistiques, umuko tisse les liens entre passé et présent et célèbre la joie de l’invention commune.


Appréciée récemment comme chorégraphe dans "Les Inconditionnelles" au TNS Dorothée Munyaneza n'est pas une inconnue:"samedi détente", "unwanted""mailles", autant de pièces chorégraphiques sondant le territoire africain de l'artiste avec passion, patience et détermination. Sur le plateau, c'est la musique qui entame cette cérémonie rituelle dédiée aux sonorités caractéristiques de l'inanga. Un soliste pour inonder l'atmosphère de sons magnétiques qui invite bientôt la danse. Tout de rouge vêtus les interprètes, tous des hommes s'adonnent à une gestuelle précise, rythmée par des percussions corporelles, des battements de mains en cadence, des sauts et autres cabrioles voisines de la capoiera. En ligne souvent, latérales, les cinq danseurs arpentent le sol courbés, cambrés, évoquant tout un paysage volubile, volatile, changeant. Pas de dépaysement ni d'exotisme, mais une inspiration forte et proche d'un continent où la danse est pulsion naturelle, expression d'une culture bouillonnante d'énergie, de partage et de rassemblement festif dédié à la vie, au mouvement. Explorer la connexion corps-âme à travers les mémoires corporelles et les fréquences sonores, tout un panel de clefs pour nous ouvrir les portes d'un monde où le costume est source de beauté, de transformation, de mutation.De noir, de rouge enluminés, les tissus bougent et opèrent dans cette mutation entre humain et animal, entre danse et dévotion au souffle et l'enchantement hypnotique des sanctions tectoniques. Dorothée Munyaneza une fois de plus habitée par ses "racines", son ancrage fort dans la terre autant que son désir d'échapper à l'attraction terrestres. Un arbre comme emblème d'un désir d'ouvrir à l'autre des perspectives esthétiques et  sonores d'une grande beauté et intensité.

Au Maillon jusqu'au 28 Février 



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