Ici, des hommes et des femmes ont fait tomber les murs pour faire de ce lieu clos un lieu de passage, pour faire d’un lieu de soin, un lieu de vie. Cet îlot est menacé par la montée des eaux : sa fermeture depuis longtemps redoutée est annoncée. Comment prendre soin jusqu’au bout de ce qui s’est vécu là ? Les utopies doivent-elles nécessairement mourir pour renaître ailleurs ?
"Les nouveaux trésors": bruts de coffrage.
Le spectacle débute par une déambulation dans une exposition : 3 entrées possibles avant le début de la représentation en salle. Exposition des trésors retrouvés à l'intérieur de l'hopital psychiatrique désaffecté: un véritable panel d'Art Brut à l'état brut! Collection improbable qui va sans doute inspirer notre bande d'écrivains en prise avec un récit qu'ils inventent de toute part avec brio. On déambule à loisirs dans ce cabinet de curiosités pour y puiser déjà quelques bribes des futurs propos de la pièce: sculptures énigmatiques en tête de gondole qui fait la une du flyer: tête d'oiseau, bateau ondulé, tôle froissée rouge sang...Tout est ici facteur et source d'interprétations diverses: on entre dans le monde de la différence, de la singularité et de l'identité avec une judicieuse clef de lecture.
On pénètre l'espace du jeu: le plateau sombre dévoile une sorte d'arche, porche qui dévoile un intérieur: celui d'une salle qui servira à bien des épisodes comme espace de jeu: cuisine, établi, salle à manger. Bref, multi services et fonctions fort judicieux. Et ici va se mouvoir une petite tribu, famille de résidents et soignants d’hôpital psychiatrique. Jamais clinique ni froid, plutôt très humanisé, peuplé de six personnages bien distincts. Et c'est cette diversité de jeu, d'attitudes, postures qui fait la richesse de l'interprétation des jeunes comédiens.
Deux heures durant ils s'adonnent à incarner une humanité complexe, faite de rituels, de tocs, de manies toujours très finement et judicieusement observées puis vécues. Histoires de résidents mises en texte, en bouche avec subtilité, sobriété et grand respect. Pas de caricature pour ces princes qui se meuvent dans une grande délicatesse de mouvance et de diction. Suzie qui fait "son manège"comme Petit Pierre, Eric qui a chuté et tenté de "rebondir" dans la vraie vie, Angèle qui de patiente devient soignante, Sylvain aussi entre autre, tous sont fort attachants, sensibles, authentiques. Talent de comédien à l'appui, cette famille se constitue devant nous, vit ses instants quotidiens dans la sérénité et le charme d'une institution à l'écoute.Quand vient l'idée d'une "fête des larmes" c'est toute une organisation qui se met en place avec les codes et rituels de circonstances. Pourtant il y aura des surprises, de la transgression, des écarts et de la fantaisie. Les pleurs seront recueillies dans des seaux! C'est palpitant, édifiant et la gente psychiatrique décortiquée de façon savante, renseignée, documentée avec véracité. Jusqu'aux postures et attitudes, poses et déambulations sur le plateau. Deux scènes croustillantes : celle du sandwich aux beurres et des miettes de pain égrenées sur la table du festin, celle des boulettes de pâte jetées comme des confettis sur le sol..Belle observations des us et coutumes, comportements "déséquilibrés".
Et cette valse entreprise par deux protagonistes qui libèrent leurs angoisses dans les bras l'un de l'autre, virevoltant en pleine liberté! Maison de fous, "Bonjour l'Asile" ou juste "Un p'tit truc en plus", le sujet est brûlant d'actualité et toujours tenu en total respect.On se souvient de la trilogie documentaire signée Nicolas Philibert qui nous embarquait en immersion “Sur L’Adamant”, au plus près des soignés et des soignants entre autre.
La scénographie judicieuse enveloppe le tout et permet à chacun de trouver son rôle, ses marques. Costumes ingénieux et appropriés aux fonctions, déguisements et autre variantes.
Une expérience de théâtre très aboutie, bien entourée et conseillée par de multiples partenaires: un cum-panis à partager absolument.
Spectacle de et avec les élèves artistes du Groupe 48
[Mise en scène] Elsa Revcolevschi
[Dramaturgie] Vincent Arot (intervenant extérieur)
[Scénographie] Mathilde Foch
[Costumes] Salomé Vandendriessche
[Lumière] Clément Balcon
[Son] Paul Bertrand
[Régie plateau et générale] Mathis Berezoutzky Brimeur
De et avec
Judy Mamadou Diallo - Sylvain
Thomas Lelo - François
Gwendal Normand - Mathias
Blanche Plagnol - Angèle
Maria Sandoval - Freudellina
Apolline Taillieu - Suzie
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