Co-fondatrice du Living dance Studio – première compagnie artistique indépendante chinoise, avec le réalisateur de documentaires Wu Wenguang –, à Pékin en 1995, Wen Hui danse, filme et archive le réel. Après I am 60, qui faisait revivre la créativité saisissante du cinéma féminin des années 1930 en mêlant ses combats à ceux d’aujourd’hui, elle reprend le flambeau du droit des femmes à disposer de leur propre corps. En 1999, la chorégraphe s’intéressait aux expériences d’accouchement de ses compatriotes (Report on Giving Birth). Un quart de siècle plus tard, elle poursuit sa critique de l’interventionnisme de l’empire du milieu qui, après avoir imposé la doctrine de l’enfant unique durant deux décennies, enjoint par la discrimination une natalité forte face au vieillissement de sa population. Interviews, documents sonores et vidéos servent de socle à une pièce montrant comment l’intime est politique. Quatre danseuses d’origines et de générations variées composent en direct une mosaïque de résistance au féminin.
Baluchons, fardeaux,ballots sur la tête, sur le ventre, comme autant de charges pour ces quatre femmes qui peu à peu investissent le plateau. Quatre interprètes d'âges différents dont Wen Huit qui crève l'écran tant son habilité gestuelle, sa souplesse et son allant sont de mise. Souffrance ou plaisir de porter un enfant, des souvenirs lourds de conséquence ou quoi d'autre qui saurait alourdir un destin, une vie de femme en Chine ou ailleurs. Vêtues sobrement, tuniques et short elles déclinent une gestuelle, fluide et puissante. L'une d'elle est tranchante comme sous l'effet de la colère.
Un jeu de méli-mélo ou pêle-mêle transpose les différentes postures et attitudes sociales de la femme en général. Jeu subtil d'images qui changent alors que jambes et pieds surgissent derrière ce petit écran tendu comme sur un fil à linge. Plus tard c'est une immense toile qui se déploie. Tissées de carreaux où fleurs et tiges sont dessinées à l'orientale.
Elles évoluent sur cette nouvelle piste alors que l'une d'entre elles tire le tissus pour en faire une rampe, une cascade enrobante et sécurisante. Bercements, balancements évoquent la maternité avec sensiblité, douceur. Des intermèdes fulgurants étayent le rythme de la pièce: joie et jubilation non dissimulées pour ces quatre femmes qui se racontent aussi par le verbe. Wen Hui vient à nous au devant de la scène et nous conte le vécu des femmes, les temps obscurs de l'enfant unique en Chine. Alors qu'à contrario aujourd'hui des trafics d'humains les enferment pour les faire accoucher de huit enfants au moins..Redoutable sort..Les baluchons deviennent objets de bataille de polochons radieux et nos femmes solaires se débattent avec hargne et fougue dans ce magma historique désastreux pour les corps agressés, violentés. Quatre têtes tombent des cintres, images surdimentionnées des visages de nos heroines. Un beau travail vidéographique accompagne le spectacle: les baluchons deviennent sujet de reflets d'images à la Tony Oursler....
![]() |
tony oursler |
Et la danse de reprendre le dessus, enflammée, vive, habitée, du sol à l'espace aérien, de courses à petits pas comptés.Wen Hui accouche ici une pièce loin d'être embryonnaire et expulse une énergie au forceps qui touche et interroge notre rapport au corps féminin, politique et sociétal au plus profond d'une hystérie utérine joyeuse cependant qui propulse le propos bien plus loin qu'un simple manifeste de circonstance prosélytique.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire