CINQ SOIRÉES DE LECTURES A ECOUTER, VOIR, SAVOURER
Cinq textes de théâtre actuel sont sélectionnés par les artistes associé·es au TAPS, Houaria Kaidari et Logan Person, et le comité de lecture du TAPS. Ces textes sont ensuite lus et mis en musique par des artistes de la région (comédien·nes, musicien·nes, directeur·trices de lecture) lors de cinq soirées uniques.Chaque soir, le public prend place au sein d’une scénographie qui privilégie la proximité avec les artistes, inventée par des étudiant·es de la Haute École des Arts du Rhin (HEAR).
La cuisinière Léonie Durr concocte des mises en bouche inspirées par les textes et dégustées à la fin du spectacle lors d’un échange entre le public, les auteurs et autrices et l’équipe artistique. Des étudiant·es en Arts de la scène composent les feuilles de salle distribuées aux spectateurs tandis que des étudiant·es en communication graphique de la HEAR réalisent des affiches exposées dans le hall du TAPS Laiterie.
Gosses du béton
Une nuit, le destin de Paolo bascule. Il rencontre Olga et Nathan dans la chaleur d’un club.Pendant plusieurs mois, iels l’initient à ce qu’il n’a jamais connu : la fête, la drogue, le travail du sexe. Et même l’amour.Derrière cette vie trépidante, la brûlure du béton subsiste pour chacun des trois.Que faire quand on appartient à cette génération désenchantée ?
On pénètre la salle de théâtre par un chemin , endroit dérobé ce qui se révèlera être l'intérieur d'un club , tamisé avec boule à facettes et un pilier-barre de pole-dance. Trois personnages sont juchés sur un podium qui nous attendent et nous convient à partager les destins croisés de travailleurs du sexe. Belle et généreuse idée et initiative que de révéler une heure durant à travers les dialogues et monologues, la vie de ceux qui triment avec leur corps à leur corps défendant pour payer leurs dépenses quotidiennes, pour s'en sortir mieux qu'en s’échinant à travailler à des taches subalternes déconsidérées.Car les mots très crus et nus, en cascade et inventaire qui démarrent la pièce en gestation de lecture et non de jeu sont sans concession à la morale et aux bonnes moeurs correctes. Indiscipline et langue de circonstance pour décrire une passe de sodomie où les adjectifs rivalisent de touches mouillées, suintantes, d'eau et de sueur, d'odeurs et de matières liées au sujet. Le corps au travail, comme un labeur éprouvant, organique, liquide, savoureux aussi car ici pas de jugement, mais des actes et des faits sont sur le carreau. Les lecteurs, tous trois très investis dans le rendu oral de la lecture rendent vivant, drôle ou dramatique, les postures de ces gens là qui servent un métier qui les tient, les prend et les absorbent.
Rien n'est bétonné.
Un langage très codé qui n'a pas froid aux yeux dans une syntaxe qui colle au vocabulaire du moment, celui des téléphones portables, des codes et icônes, images et autres emogis du siècle.Véritable petite révolution du genre littéraire que ces pages signées de Thibaud Galis, jeune auteur du milieu, "trou normand"bien imbibé de tout caractère propre au clubbing, au mouvement queer et autres identités émergentes légitimes. On se sent peu à peu à l'aise, au bon endroit guidé par un connaisseur qui ne cache pas son jeu: du vécu, de ressenti authentique et pas de fioritures ni d'ornement pour poser et exposer l'univers impitoyable du sexe au travail. Sous la direction de lecture de Gaelle Axel Brun, Mécistée Rhéa, Noé Laussesdat, Quentin Brucker incarnent ce texte brûlant et flamboyant. Ça râpe âprement en se heurtant aux obstacles de la vie, de l'expérience, de la lutte et du combat pour être reconnu. La mer comme une métaphore de la liberté, de l'évasion, de l"échappée belle de l'univers du béton qui entoure nos trois complices de ce milieu là. Le sel de la vie, le gout de l'ailleurs pour échapper à l'enfermement. En marcel, et tricot de peau baillant, les corps se démènent et crient leur misère et désarroi autant qu'une certaine jubilation de la chair. Faire couple autrement, changer les relations, élargir son horizon, toujours pour embrasser le monde, tout le monde. Faire corps avec la mixité, la pluralité des postures, attitudes et positions dans la société.Sur un radeau de fortune, les voiles dépliées froissées au sol, un slip-string rouge en dentelles comme fagnon-drapeau, le navire vogue et file droit sur l'adelphité.dans une famille choisie, une communauté à l'écoute, ouverte et accueillante. Un "être ensemble" comme savent l'inventer les danseurs au delà de toute catégorie et critères. Ce n'est pas par hasard si Paolo nous accueille en dansant, seul et vient à la rencontre de comparses identiques.
Quant à la musique de Nils Boyny, c'est un partage de sonorités de DJ averti et aguéri à créer des ambiances clubbing qui collent au sujet, bordent et ponctuent la dramaturgie avec justesse et pertinence. Une touche supplémentaire de gastronomie marine avec les bouchées doubles signées Léonie Durr, un shot culinaire aux embruns de sel de mer, d'ail et de textures potagères onctueuses.
Un monde différent semble s'entrouvrir: faites passer le message..
Beau moment de lecture animé pilotée par Houaria Kaidari et Logan Person, illustré et mis en page par Annaelle Marie et Mathieu Lefèvre (master arts de la scène et du spectacle vivant) Et sans oublier pour la scénographie Emma Vincens- de- Tapol, Mercédes Bocabeille, Alix Candel de la HEAR scénographie. La belle équipe de choc, joyeuse et inventive, créative et pleine déjà de talents multiples.
Distribution Directrice de lecture : Gaëlle Axelbrun Musicien : Nils Boyny Comédien·nes : Mécistée Rhea, Noé Laussedat, Quentin Brucker Scénographes (HEAR) : Emma Vincens-de-Tapol, Mercedes Bocabeille, Alix Candel
Au TAPS Laiterie le 14 Mars
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