Automne 1972 : au tribunal de Bobigny comparaissent devant les juges
Marie-Claire Chevalier, jeune fille de 16 ans, ayant choisi d’avorter
après avoir été violée, et sa mère. Elles sont défendues par la célèbre
avocate Gisèle Halimi, dans un procès devenu historique. Quelque 50 ans
plus tard, Émilie Rousset et Maya Boquet se saisissent de cet
évènement : pas de procès théâtralisé ici, mais un dispositif inédit
fondé sur l’expérience intime de l’écoute. Sur douze postes répartis
dans l’espace, entre lesquels les spectateur·rices se déplacent sur le
grand plateau, les comédien·nes prêtent leur voix aux témoins d’hier et
d’aujourd’hui. Une démarche originale, fondée sur la liberté de chacun·e
à mener son propre chemin de compréhension et découvrir ce moment qui
mit la question des droits des femmes au cœur du débat public. Une
restitution actualisée, qui fait écho aux enjeux du présent sur
l’avortement, entre reconnaissance constitutionnelle et remise en cause.
Surtout ne vous attendez pas à une reconstitution classique moulée à la louche d'un procès phare, ni à des épisodes d'audience commune des plaidoiries, jugements, coups de théâtre et autres gadgets de mise en scène spectaculaire.. Alors ouvrez grand les oreilles et choisissez d'emblée votre première étape, au choix ou au hasard :un poste d'écoute parmi les douze propositions de jeu-lecture-conférence: comme les douze stations de la bible où efforts et concentration sont de mise pour épouser ce projet ambitieux: rendre justice à ce fameux procès en conviant témoignages, discours, pamphlets et réflexions politiques, philosophiques et sociologiques.En cercle, casques sur les oreilles, assis, les spectateurs bénéficient d'un subtil jeu de proximité de 15 acteurs-comédiens qui vont alterner les rôles, même sur un même sujet. Aussi pourrez vous suivre un interprète pour plusieurs tableaux ou tenter d'en fréquenter au moins de 8 à 12 selon le temps imparti de cette "représentation" et ouverture requise pour une écoute partagée d'une grande efficacité participative inédite. Les brouhahas et murmures entre les changements de poste et de séquence font de ce plateau de plain-pied une ruche bruissante où les échanges sont possibles. En avant pour un rendez-vous marathon avec Marielle Issartel, chef-monteuse et réalisatrice, auteure d'un film sur l'avortement: témoignages brûlants autant que comiques sur la facture d'un documentaire coup de poing qui fera date pour un tour de France clandestin Une réalité inédite qui vous entraine dans l'actualité du moment comme une porte ouverte sur le style et les intentions des autrices-metteuses en scène:Emilie Rousset et Maya Boquet s'y collent avec justesse, franchise et authenticité irréprochable. Ce sont les sources et la genèse de ce procès, de cette question phare du XXème siècle qui sont ici soulevées plutôt qu'une mise en scène cinématographique, documentaire ou interviews. Et c'est cela qui fait mouche et touche.
Chaque comédien incarnant personnage, discours ou note d'intention liés au procès. On apprend plein de détails inédits, d'anecdotes et l'on rencontre et côtoie Camille Froidevaux-Metterie qui expose l'histoire de l'avortement et ses politiques changeantes.Claude Servant Schreiber et bien d'autres selon la disponibilité des groupes et le timing imparti. C'est l'histoire du planning familial, du MLAC, de tous les combats de proximité pour tenter de maintenir des conditions décentes d'avortement malgré les différences sociales des concernées. Femmes "concernées" qui choisissent leur vie et disposent de leur corps! Manifestes, aveux, déclaration, théories ou témoignages, le voyage d'un poste à l'autre est haletant et l'on quitte Delphine Seyrig ou Françoise Fabian, les privilégiées qui partent avorter à l'étranger pour retrouver quelques hommes : René Frydman, Jean Yves Le Naour...
Alors encore un bon cours de Sciences Politiques ou d'ENA et vous pourrez intégrer l'Assemblée Nationale, le Parlement pour peaufiner votre connaissances sur le sujet. Simone de Beauvoir bien remise à sa place entre autre dans ce combat fraternel où les hommes d'aujourd'hui pourront aussi se faire une place. Une expérience immersive au coeur d'un fait de société qui concerne soignants et patientes pour réfléchir et infléchir des situations décryptées avec tac, humanité, humour aussi, à l'envi.Un chemin de croix salvateur et constructif pour une résurrection des corps féminins en toute objectivité. Femmes et toutes autres identités en figure de proue civiques et égalitaires..Laïcisme en leitmotiv et sans slogan ni prosélytisme. Du grand art sans écueil ni faille où la réflexion s'immisce toujours dans la diversité des choix et postures.Le tout encadré par les photographies mouvantes, images vidéo, effigies de corps sculptés dénudés dignes du statuaire du Jardin du Luxembourg: feuilles de vignes et autres attributs phalliques en tête de gondole.Un théâtre politique non embryonnaire.
Au Maillon jusqu'au 14 Mars
Dans le cadre de Temps fort Corps politiques
12 mars – 4 avril
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