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Filmer du Castellucci est une gageure, et pari tenu par le réalisateur Olivier Simonet
On sait la place occupée par la symbolique religieuse dans le travail du metteur en scène et plasticien Romeo Castellucci. Sa mise en espace de la Passion selon saint Matthieu de Bach constitue toutefois sa première confrontation avec une œuvre véritablement sacrée.Des séquences, 18 correspondant au déroulement de la passion du Christ, rythme le spectacle.
La durée en est totalement respectée, musique oblige.
Les regards que l'on porte sur chaque détail sont ceux d'un objectif, d'un cadrage et d'un montage très travaillé.
D'abord, on balaye chanteurs et espace scénique afin de faire "connaissance" de plus près avec les interprètes et cette curieuse et symbolique blancheur omniprésente du décor vide, sobre, simple réceptacle et écrin du choeur, de l'orchestre et des solistes;visages calmes, habités, expression ténue d'une oeuvre qui met en jeu passion, cruauté, désespoir.L'évangéliste, au plus près du destin du Christ sera le plus impliqué dans le jeu et les plans sur son visage, ses gestes sont signifiants.Rendre compte de l'importance des objets dans la mise en espace de la narration. Objets qui vont focaliser l'attention du spectateur du film, objets issus de la fantasmagorie de Castellucci qui nous livre ici sa vision très particulière de la passion selon St Mathieu du baroque Bach.Univers très clinique d'un hôpital aseptisé, laboratoire d'expérimentation sur les mutations du sang, les métamorphoses et expériences scientifiques liées à la mort, à la vie.Le sang, son analyse, les tubes et éprouvettes géantes, autant de plans focalisés qui suivent le déroulement des dix-huit parties des exploits du Christ. Un arbre, débité, des tubes de chimie, des tables d'opération ou paillasse pour opération d'alchimie....Ceci nous renvoie aisément à la vision de la transformation d'un être vivant, à l'approche de sa mort prochaine. Crucifixion très ingénieusement évoquée par les corps suspendus de figurants, en croix qui se confrontent à leur propre poids, celui qui détermine l'épuisement du crucifié et son asphyxie: très physique et "chimique", la mise en scène est fort bien cernée par les caméras et le montage diversifie point de vue, de fuite, plans larges et détails. Au plus près des corps, des matières, des instruments de cette passion hors norme: celle d'un homme, docker à Hambourg, ville où est née le spectacle-concert "vivant".
Musicalement servie par Kent Nagano, dirigeant le Philharmonisches Staatsorchester Hamburg, l’Audi Jugendchorakademie et six solistes de premier plan, cette production échappe autant au cliché qu’à la provocation pour proposer une vision bouleversante et méditative du chef-d’œuvre de Bach. Créé en avril 2016 à l’Opéra de Hambourg, le spectacle fut capté pour Arte par les équipes d’Olivier Simonnet – spécialiste du genre, Diapason d’or de l’année pour sa réalisation de Cendrillon de Massenet au Royal Opera House (2012).
Trois heures de projection à l'UGC Cité Ciné qui offrait toute sa technique et infra structure pour accueillir cet événement, "Music'Arte dans le cadre du festival Musica.
On souligne la collaboration de la maison strasbourgeoise de production,Ozango, dirigée par Jean Jacques Schaettel !
Un récital, duo de cordes , bien "accordé"!Ce n'est pas "les traits tirés", mais plutôt les traits du visage, enjoués que les deux complices s'adonnent à donner vie et chair aux œuvres promises!
Les trois séquences de Hurel ""D'un trait", "Trait" et "Trait d'union" seraient à elles seules le résumé du récital, d'une seule traite, mené de mains de maître par ces deux maestro des cordes.
La rapidité, tranchante, coupante, affûtée des ascensions et descentes par le violoncelle qui ouvre ce duo est sidérante.Il souligne et ponctue à grande vitesse les courses folles de la partition; frottements, glissades..Puis le violoncelliste s'efface, disparaît à petit pas, se sauve en catimini au profit du violon qui prend la relève, le relais sur le fil ténu du decrescendo qui se meurt,de son partenaire.
Elle se glisse dans les traces du violoncelle, prend sa place, lui succède subrepticement, en douce.Puis se déchaîne, après une série de pizzicato d'enfer! Elle joue, se courbe, debout, se plie et arc-boute sous la tension de l’exécution; elle affirme, autoritaire et convaincante, avec du caractère et de l'audace, la rudesse de la partition. Tient tête aux difficulté et en fait fi !Le violoncelliste refait surface après s'être éclipsé devant tant de fougue et de verve. Comment retrouver sa place face à cette furie: ils se rejoignent sur le plateau, en proximité, trouvant un "accord" à l'amiable Marche d'approche, l'un vers l'autre pour mieux s'apprivoiser. Duo, duel,Ils prolongent réciproquement leur jeu jubilatoire et leurs interventions à tour de rôle ou à "l'unisson".Féroce confrontation pour ce "trait d'union", ralliement ou dispute,séparation de biens ou communauté réduite aux acquêts: la vraie vie de couple, plutôt en "union libre" consentie.Accords, désaccord perdus, ils avancent, se frayent un chemin ardu dans la jungle de la partition, des sons entremêlés.Pour une improbable unisson! Qui gagne la course au trésor? Retour au calme, dans l'altérité de chacun, puis excitation extrême à nouveau, retombées essoufflées: elle se donne et se renverse à son pupitre, lui, tient bon la rampe!Une performance corporelle pour ces deux "bêtes" de scène qui s'affrontent et défendent si bien leur complexe territoire musical.
C'est Ravel qui prend la relève avec sa "Sonate pour violon et violoncelle" de 1922.
Un tour de force que les deux interprètes abordent avec un sourire complice et une véritable joie communicative, un enthousiasme évident.Premier mouvement très dansant, enlevé, joyeux, plein de verve contagieuse.
Course poursuite pour le second mouvement: piqués des violons, marche solennelle du violoncelle, voix induite.
Il fait le beau, elle parade: le charme opère, ils cheminent de concert, main dans la main.
Avec lenteur et dans l'intimité de ce duo de chambre, de boudoir caché, s'installe une ambiance calme et sereine.
Des aigus extrêmes bordés par le violoncelle viennent clore la pièce.
On s'est régalé de découvrir Ravel, vif, malin, mutin comme ces deux interprètes plein d'humour et de fraîcheur!
Un Ravel très contemporain
Encore une "matinale" enjouée et pertinente: un don de la programmation éclairée de Jean Dominique Marco qui signe cette année une ces plus belle édition!
Acteur incontournable de la création musicale française, Philippe Hurel est bien connu du public du festival : professeur de l’Académie de composition Philippe Manoury – Festival Musica 2017, il fut en 1991 un des fondateurs de l’ensemble Court-circuit – dont il assure aujourd’hui la direction artistique. Or les trois pièces composant Traits (2007-2014) furent précisément écrites pour deux des musiciens de l’ensemble: le violoncelliste Alexis Decharmes et la violoniste Alexandra Greffin-Klein, qui juxtaposent ici ce cycle à la Sonate pour violon et violoncelle de Maurice Ravel (1920-1922).