Les trois séquences de Hurel ""D'un trait", "Trait" et "Trait d'union" seraient à elles seules le résumé du récital, d'une seule traite, mené de mains de maître par ces deux maestro des cordes.
La rapidité, tranchante, coupante, affûtée des ascensions et descentes par le violoncelle qui ouvre ce duo est sidérante.Il souligne et ponctue à grande vitesse les courses folles de la partition; frottements, glissades..Puis le violoncelliste s'efface, disparaît à petit pas, se sauve en catimini au profit du violon qui prend la relève, le relais sur le fil ténu du decrescendo qui se meurt,de son partenaire.
Elle se glisse dans les traces du violoncelle, prend sa place, lui succède subrepticement, en douce.Puis se déchaîne, après une série de pizzicato d'enfer! Elle joue, se courbe, debout, se plie et arc-boute sous la tension de l’exécution; elle affirme, autoritaire et convaincante, avec du caractère et de l'audace, la rudesse de la partition. Tient tête aux difficulté et en fait fi !Le violoncelliste refait surface après s'être éclipsé devant tant de fougue et de verve. Comment retrouver sa place face à cette furie: ils se rejoignent sur le plateau, en proximité, trouvant un "accord" à l'amiable Marche d'approche, l'un vers l'autre pour mieux s'apprivoiser. Duo, duel,Ils prolongent réciproquement leur jeu jubilatoire et leurs interventions à tour de rôle ou à "l'unisson".Féroce confrontation pour ce "trait d'union", ralliement ou dispute,séparation de biens ou communauté réduite aux acquêts: la vraie vie de couple, plutôt en "union libre" consentie.Accords, désaccord perdus, ils avancent, se frayent un chemin ardu dans la jungle de la partition, des sons entremêlés.Pour une improbable unisson! Qui gagne la course au trésor? Retour au calme, dans l'altérité de chacun, puis excitation extrême à nouveau, retombées essoufflées: elle se donne et se renverse à son pupitre, lui, tient bon la rampe!Une performance corporelle pour ces deux "bêtes" de scène qui s'affrontent et défendent si bien leur complexe territoire musical.
C'est Ravel qui prend la relève avec sa "Sonate pour violon et violoncelle" de 1922.
Un tour de force que les deux interprètes abordent avec un sourire complice et une véritable joie communicative, un enthousiasme évident.Premier mouvement très dansant, enlevé, joyeux, plein de verve contagieuse.
Course poursuite pour le second mouvement: piqués des violons, marche solennelle du violoncelle, voix induite.
Il fait le beau, elle parade: le charme opère, ils cheminent de concert, main dans la main.
Avec lenteur et dans l'intimité de ce duo de chambre, de boudoir caché, s'installe une ambiance calme et sereine.
Des aigus extrêmes bordés par le violoncelle viennent clore la pièce.
On s'est régalé de découvrir Ravel, vif, malin, mutin comme ces deux interprètes plein d'humour et de fraîcheur!
Un Ravel très contemporain
Encore une "matinale" enjouée et pertinente: un don de la programmation éclairée de Jean Dominique Marco qui signe cette année une ces plus belle édition!
Acteur incontournable de la création musicale française, Philippe Hurel est bien connu du public du festival : professeur de l’Académie de composition Philippe Manoury – Festival Musica 2017, il fut en 1991 un des fondateurs de l’ensemble Court-circuit – dont il assure aujourd’hui la direction artistique. Or les trois pièces composant Traits (2007-2014) furent précisément écrites pour deux des musiciens de l’ensemble: le violoncelliste Alexis Decharmes et la violoniste Alexandra Greffin-Klein, qui juxtaposent ici ce cycle à la Sonate pour violon et violoncelle de Maurice Ravel (1920-1922).
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