L’Académie de composition Philippe Manoury – Festival Musica connaît cette année sa troisième édition. Deux semaines durant, dix jeunes compositeurs auront ainsi étudié auprès de Daniel D’Adamo, coordinateur artistique et pédagogique de l’académie et Philippe Hurel. Pygmalions pratiquant une maïeutique exigeante: après quelques retouches et corrections de fin de résidence, les interprètes se prêtent aussi au jeu de la déstabilisante réadaptation de dernière touche de ces œuvres en gestation!Deux concerts permettront d’apprécier, à leur issue, le fruit de leur travail. Voici le premier d’entre eux : l’ensemble Court-circuit de Jean Deroyer s’y fait l’interprète, en création mondiale, de quatre concertos pour instrument soliste et ensemble.
En avant pour "Suspended feeling" de Sergio Rodrigo, concerto pour percussion avec Rémy Durupt pour "exécutant" !
Une riche osmose entre piano, cordes, vents et percussions qui se répondent en ondes qui se répercutent et se heurtent, le son circulant comme à l'horizontale. Densité oblige avec cette propagation étrange des sonorités en glissades, effleurements: pattes de velours des percussions, évoquant des sonorités lointaines d'Afrique, suspensions et échos, ricochets des sons: les percussions ici magnifiées par l'artiste interprète, agile, souple et aux aguets: elles dialoguent avec la piano: entre les deux acoustiques, ça frotte, ça ventile comme dans une ruche.Des frappés sur du bois, le xylophone joyeux et plein de verve...Et de plus le bonheur d'observer le chef, longue silhouette, gestes précis, vifs, mains et doigts impliqués comme dans une chorégraphie pour soliste!:sorte d'avocat à la plaidoirie dans l'oratoire des sons.
Des bousculades, chocs et catapultes de sons pour se frayer un chemin dans cette "débâcle" mouvement des eaux glacées à la dérive et tout avance irrémédiablement, irrévocablement. L'écriture affirmée de cet opus, les tensions et les crescendos des volumes , précipitent le final au zénith d'une atmosphère intense et prenante.
"Konohana" de Jean -Patrick Besingrand succède, "concerto pour clarinette" avec Pierre Dutrieu.
La clarinette prend ses aises, s'installe avec flute et violon pour compagnons. Cela s'emballe rapidement quand piano et percussions font irruption, bordés par saxophone et trombone.La contrebasse s'inmisse insidieusement et tout s'anime de concert.La clarinette tient le haut du pavé, dominante, persuasive, personnage triomphant à part entière, fière et altière.Un solo lumineux s'y déploie, enrobé par les autres instrument de l'ensemble: des impacts en piqués, détachés des cordes...Claire et limpide , la clarinette se joue des difficultés et franchit les "handicaps" de cette course folle.C'est elle, la princesse des arbres en fleurs", temps des cerisiers en effervescente floraison, mythe et légende d'un Japon ici évoqué dans toute sa précipitation poétique!
"Collision simultanée" de Jeremias Iturra, concerto pour saxophone-Vincent David-démarre en attaque virulente, dans le vif, fracassante.Le saxophone s'affole, déborde, alors que le piano ponctue ses péripéties en résonance préparées.Alerte, il frémit, résonne, dégringole, se heurte aux sonorités qu'il produit: tumulte, chaos général avant une accalmie salutaire en contraste, grâce au violon, sous les doigts de Alexandra Greffin-Klein, rieuse et souriante interprète complice.Turbulences et tectonique des plaques garantie pour ce séisme chaotique qui respire aussi pour mieux dynamiser la donne musicale.Saxophone comme une sirène, grondante de navire rentrant au port: l'artiste physiquement impliqué dans le jeu, avec des postures de danseur de cordes, en phase avec ce funambulisme sonore!Exploration fertile du piano dans des chatouillis, griffures singulières, ne touchant pas les notes convenues pour aller en glaner d'autres sur les cordes des marteaux, dans les entrailles de l'instrument.De très riches sonorités, explosions de sons, tonitruants, toniques, effervescents pour cette "collision" des électrons libres de la composition!
Enfin "Temps libre" de Antonio Tules avec la soliste espiègle au violon, Alexandra Greffin-Klein notre "Valéria Bruni Tedeshi", virtuose des cordes!Entrée cinglante, imposante, furieuse dans des déferlements sonores plein de contrastes et suspensions: elle se cambre et vit la musique avec passion, servant l'oeuvre avec maestro.Cordes pincées, effets de claques en éclats et impacts sonores... Des vagues déferlent qui submergent, envahissent le plateau, s'enroulent, se heurtent Quelques perles de musique au piano pour s'évader et le retour de la virulence du violon qui va gagner du terrain sur les autres, en un combat singulier! Descentes dans les abysses du son, abîmes ouvertes qui absorbent en spirale les tonalités graves, plongeons multiples, et voilà que l'on refait surface, la tête hors de l'eau, sonné et perturbé mais secoué, enchanté. Dans des sur-aigus ascendants inouïs, furieux, ce "temps libre" est bien rempli!
Au final c'est toute la sacrada familia de la composition qui vient saluer: enseignants, interprètes, compositeurs....Quelle belle et nombreuse famille réunie pour l'amour de la musique de notre temps: à partager absolument dans ce laboratoire ouvert et généreux de la création et du savoir faire, du savoir être ensemble! Pas "courant" pour ce "court circuit" électrisant!
ueée 3
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