jeudi 5 octobre 2017

Combattimenti, Moultaka, Monteverdi : l'osmose!


Un concert tant attendu à Sainte Aurélie, écrin rêvé pour cette nosturne de pleine lune, pour un voyage en baroque et contemporain, passerelle magnétique entre Monteverdi et Moultaka!- 
Comme les deux premières, cette troisième soirée que Musica consacre au compositeur franco-libanais Zad Moultaka jette des ponts entre répertoire ancien et création contemporaine. Reprenant le livret et l’effectif du Combattimento di Tancredi e Clorinda de Monteverdi, Moultaka a conçu sa propre version du Combattimento, en même temps qu’une transition électronique (Il Sorgere) vers l’interprétation de l’œuvre du maître de Crémone: le spectacle, à penser comme un tout, se présente ainsi comme un «double drame pour soprano, ténor, baryton et ensemble instrumental». Ce projet profondément original, conçu pour célébrer le 450e anniversaire de Monteverdi, est repris dans le cadre de la résidence de Zad Moultaka à l’Arsenal / Cité musicale-Metz; il est défendu par Le Parlement de Musique, l’ensemble strasbourgeois de Martin Gester toujours prêt à faire dialoguer esthétiques et cultures.
Un solo du récitant pour ouvrir l'écoute sur des tonalités très orientales de l'orchestre de chambre: le voyage dans le temps peut commencer: les cordes, la harpe, délicieusement explorée dans des dissonances, et timbres très "chauds", veloutés et profond pour la voix semi chantée, semi parlée.Les cordes frappées, pincées, le clavecin léger, tout concourt à une fragilité émouvante, fine, raffinée et précieuse.Les deux personnages, interprété par Francesca Sorteni et Jean Gabriel Saint Martin, vivent intensément les destins des personnages, Clorinde et Tancrède. Le narrateur, Fernando Guimaraes, borde l'intrigue de sa voix prenante, suave et colorée.Les voix prennent appui sur les cordes, s'y glissent dans les entrelacs des sonorités hispanisantes, orientales, en  un singulier "combat", esquives et tierces fendues.Combat d'épées, escrime de la musique, subtile mélange et insertion voix-instruments, cette oeuvre inspirée des "anciens" est emplie de précipités, de vibratos virtuoses: diction hachée, théâtralité et jeu des acteurs-chanteurs s'y imbriquent savamment.La voix céleste et charnelle de Tancrède, beau solo enrobé d'un instrumental, ornement recherché et précis.
Au loin, dans l'obscurité, sourdent les voix enregistrées, amplifiées d'un chœur spectre, charnellement absent, mais brillant par sa présence virtuelle, sonore sous la voûte céleste de Saint Aurélie: moment de grand recueillement que cet opus électronique....Immergé dans le son, le public, captif, attentif, renvoie une empathie singulière.Sons tournoyants, du tréfonds des abysses, en grondements menaçants....Abîmes intrigants, échos déroutants....
Au tour de Monteverdi, dans un doux glissement de lumières, pour continuer ce voyage à rebours, dans le temps: on y trouve toute la flamboyance, la verve du baroque, lumineux, loquace, futile et miraculeuse.
Perle baroque, ambiance sacrée garantie pour ces deux opus si proches, si loin mais si galvanisants!
En un "combattimenti" singulier!


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