lundi 6 mai 2019

"Maria de Buenos Aires" : Santa Maria des enfers !

"Première collaboration entre deux extraordinaires artistes qui ont marqué en profondeur la culture argentine, le poète Horacio Ferrer et le compositeur Astor Piazzolla, Maria de Buenos Aires est une forme unique d'opéra-tango qui nous plonge dans les méandres de l'âme de la « Reine de la Plata » avec en son cœur la belle Maria.Indépendante et libre, Maria se donne avec ivresse à la ville, à la poésie, à la danse et aux hommes, elle qui, comme l'a décrit Ferrer, serait née « un jour où Dieu était ivre mort ». Mélancolie, violence et désirs se mêlent dans les nuits où les bas-fonds de Buenos-Aires sont à la fois un enfer et un paradis mais où toujours le tango brûle les corps habités par la musique.
Cette nouvelle production est chorégraphiée et mise en scène par Matias Tripodi, danseur, pédagogue et expert passionné du tango. Maria de Buenos Aires est l'autre grand moment, avec Beatrix Cenci, du festival arsmondo Argentine."

Dans la fosse, l'orchestre vibre déjà pour inaugurer en préambule, prologue ce ballet argentin qui promet d'être poésie, passion et tendresse.Un solo pour inaugurer le bal, toujours pétri de grâce interprété de corps de maitre par Renjie Ma. La signature dansée de Matias Tripodi est fluide, tourbillonnante, relâchée, offerte et lisse, à la Kylian, même parfois! Chemises et vestes ouvertes, dévoilant les torses nus des hommes qui chavirent, chaloupent, se renversent à l'envi; de beaux portés, flottants pour des duos à variation mobile, alternant avec le trio infernal de l'homme et ses deux facettes d'une Maria protéiforme; doublée d'une cantatrice;magistrale interprète à la voix sereine, portée elle aussi par un souffle lyrique tangoté à merveille.La présence des quatre chanteurs, mêlée à celle des danseurs sur le plateau est à peine repérable et très opérationnelle: se fondant aux corps mouvants, à un ensemble à la Laban, qui avance groupé, soudé, oscillant de concert.
Un instant très fort dans cette pièce chorégraphique aux accents argentins qui jamais n'impose les figures traditionnelles du tango
Une belle glissade, un bon décalage avec les figures imposées qui ne se reconnaissent, ni se repèrent
La danse est fine, discrète, omniprésente sur le plateau, de noir et de blanc, sombre de par l'évocation tragique du destin de Maria: femme, spectre dans la mort, errant en Gisèle ou signe-cygne blanc, noir dans l'espace lumineux, scénographie virtuelle très opérante. Des images projetées évoquent la ville, l'ogresse Buenos Aires aux multiples visages.dévoreuse et bientôt enfer pour ces créatures qui l'animent, l'habitent
Des transports en duos et portés par  les danseurs galvanisés par la musique en live, si riche, balançant ses rythmes et glissements progressifs de désirs, de sensualité toute argentine!
Etreintes, passades, répulsions, esquives,feintes et dérobades, pour les femmes, force et rapidité, vélocité intense pour les hommes.
Des caractères bien trempés mais toujours très subtils et empreints de délicatesse.Le parallélisme danse-voix opère et les uns rencontrent les autres, sur la bonne voie !
Voix de Moineau, fragilité de tous dans ce monde où des centaines de feuilles noires s'abattent et jonchent le sol, en débâcle, défaite et pour une évocation de l'enfer, de ces cendres, celles aussi de Maria, sorcière à brûler vive dans ce petit peuple qui s'affaire Entre "Nana" ou "L’Assommoir" de Zola, entre Brecht et Kurt Weil, proche aussi d'un "Bandonéon" de Pina Bausch, le spectacle est total, touche et fait mouche. Entrelacs mélancoliques de la danse, du chant et de la musique, l'opéra-tango devient une écriture singulière, unique en son genre: banquise qui flotte et glisse vers le chaos, vagabondage extravagant de la danse, on y traine la solitude, la débauche esquissée légèrement, sans trait appuyé; le texte, poétique à souhait vient comme un souffle surréaliste, irriguer de sa verve, la narration, les faits et gestes des protagonistes, chanteurs, conteur-lecteur et danseurs. Un tango sans faste, sobre, souligné par la grâce et la volupté, endiablé certes par quelques airs de fête, fifres et tambourins comme résurrection du péché! Errance, solitude dans un halo de lumière blanche, la scénographie magnifie ces instants magnétiques de mouvements fulgurants, de mobilité fugace insaisissable: ils s’attrapent, se libèrent, s'aiment, s’enlacent à l'envi, ces habitants de faubourgs infréquentables et mal famés.Esquive par excellence, le tango fait du destin de Maria, la plus belle Notre Dame des faubourgs où vibre l'accordéon comme un poumon au souffle large qui se donne et résonne dans les corps dansants

A l'Opéra du Rhin jusqu'au 10 Mai

mardi 30 avril 2019

"Trait d'union" -"Pas seulement" : Arabesques et cour de récréation.


Coproduction POLE-SUD 
Ce spectacle bénéficie du soutien de l'ONDA
Tournée territoriale présentée avec la Maison des Arts de Lingolsheim et la MAC, relais culturel de Bischwiller :
- Mercredi 24 + Jeudi 25 avril à la Maison des Arts de Lingolsheim
- Vendredi 03 Mai à la MAC, relais culturel de Bischwiller
Trait d’union
"Un fascinant travail de courbes et d’éclairs se déploie sur scène. Il réfléchit, au fil de ses mystérieux tracés, toute une poétique du mouvement et de l’écriture saisie entre apparition et disparition. Tel se dévoile Trait d’union, surprenant duo entre la danse de Sarah Cerneaux, tonique, intense et ciselée, et la spontanéité des gestes précis et incisifs de Julien Breton, le designer lumière composant sur scène ses calligraphies lumineuses. Une rencontre explosive selon Amala Dianor. "
Des arabesques tracées sur une toile transparente, une silhouette dissimulée derrière ce rideau transparent tendu en bord de scène, pour préambule . Comme un coup de pinceau magique, en direct ou faux semblant, la danse se transmet à une femme, de noir et blanc vêtue, lui tout en noir: il retranscrit ses gestes, la seconde, la copie ou la guide. Elle "traduit" son écriture graphique, retranscrit en d'autres formes, l'énergie de cette "plume" virtuelle, surdimensionnée pour la rendre de chair et de sensibilité.

En miroir parfois ils se répondent , elle dans de belles cambrures arrières, travaillant son corps dans le bas,elle, sa muse, lui son Pygmalion qui l'observe, la traque, la conduit Intrusif dans l'espace de cette femme indépendante, modèle d'un peintre abstrait, calligraphe de l'énergie. Elle s’émancipe au sol, le fuit, se dérobe à son profit pour échapper à cette dictature graphique et spatiale. Le pinceau électronique et lumineux fait leurre: on se prend à l'illusion du live, alors que les images tracées préexistantes surgissent sur l'écran et impactent le temps de la danse. Poursuite et traque entre les deux protagonistes qui s'évitent ou se rejoignent . Telle une luciole en rémanence, le geste du peintre ou photographe, traduit l'énergie du mouvement, lle magnifie, l'immortalise, lui fait une trace, des signes. Signature, de la griffe du manipulateur de cette matraque lumineuse en empreinte. Elle, dans un beau solo, laisse sa trace, charpentée, sensuelle, fugitive et très structurée. Page blanche, la toile translucide laisse s'échapper arabesques et alphabet , le temps de la danse: magie ou illusion, leurre d'une vision synchrone entre le vrai et le faux.
Pas seulement 
"Le temps du corps et le mouvement en partage sont les éléments fondateurs de Pas seulement. Une pièce spécialement imaginée pour un quatuor de danseurs que le chorégraphe a rencontré dans la région Grand Est. S’écarter des techniques reconnues du hip-hop, amener chacun sur un terrain inconnu tel était l’objectif d’Amala Dianor. Abstraite et enlevée, cette partition fait la part belle au mouvement dansé, à la singularité comme aux savoirs de chacun, éléments que le chorégraphe a d’emblée intégré à l’écriture de cette autre façon de danser. "
Quatre danseurs sillonnent le plateau dans le silence, cherche sa place, dans la mêlée, la meute. De beaux déhanchements les unissent, chaloupes et mouvements d'ensemble au diapason. Parfois un corps entravé, empêché, contrarié fait contraste et diversion. A chacun son solo virtuose, des mouvements électriques et saccadés tenus au corps, torsions tétaniques pour l'un, solo étrange, joyeux et séducteur pour l'autre. Chacun joue de son corps et l'expose aux autres , quatuor, trèfle où chaque feuille est indissociable, unique mais fait chorus; on se laisse gentillement séduire dans cette cour de récréation où vibre aisance et réjouissance de cette "compagnie" où le hip-hop refait sa place allègrement
Amala Dianor signe ici deux pièces aux accents très différents, objets d'une soirée agréable passée en bonne "compagnie"!
A Pole Sud les 29 et 30 Avril

samedi 27 avril 2019

"Révolut!on" François Corneloup Quintet à Jazzdor : avec un point d'exclamation !

FRANCE - François Corneloup, saxophone baryton & compositions | Simon Girard, trombone | Sophia Domancich, piano & Fender Rhodes | Joachim Florent, basse électrique | Vincent Tortiller, batterie
"Axée autour des musiques improvisées, la formation Révolut!on entend confronter les styles et les genres en rassemblant une équipe de talents instrumentaux entre jazz, rock et pop music.
Dirigé par le saxophoniste et compositeur François Corneloup, le quintet surprend par sa fusion des genres oscillant entre sons électrifiés et la douce chaleur des cuivres. Par sa modernité et son ouverture, Revolut!on s’inscrit définitivement dans la lignée d’un jazz outre-atlantique populaire et foncièrement contemporain.
“Mon souhait fondateur est que l’approche des artistes de la nouvelle génération que sont Simon Girard et Vincent Tortiller, par les ressources de leur déjà grand talent, puisse interpeller avec vivacité une histoire, un parcours musical, les miens, tel qu’ils se tracent depuis plusieurs décennies au travers de mon travail de compositeur et de chef d’orchestre“.
F.C"

"Révolut!on" de palais!
Ca démarre avec un beau solo de saxophone en introduction, prologue, suivi par l'irruption à ses côtés du trombone: un duo de charme qui opère au quart de tour.Une ouverture très tonique pour ce premier morceau de taille où le quintet donne le ton d'une pièce tectonique et turbulente; le temps d'une fusion entre les musiciens galvanisés par la tension et la solidité du rythme, de la composition, compacte et affirmée.
Suit une seconde pièce démarrant sur une entrée de la guitare, bordée bientôt par de beaux effets de batterie qui perdure tout le long comme un état de grâce entre les cinq musiciens complices, compères et beaux joueurs, joyeux et bondissants.
Suit en ouverture un solo de clavier, bientôt rejoint par le velouté des sonorités des vents: sensualité, lenteur et douceur, calme et volupté après les deux premiers temps de tempête.
 En contraste, moment de respiration pendant le déroulement du concert devant une salle bien remplie, à l'écoute.Langoureux instants qui se meurent lentement au final
"Avant la danse" composition "maison" succède, tonique et mouvante, balançant quelques bribes sonores garantissant des envies de bouger, d'accompagner de gestes mimétiques, les rythmes et fulgurantes itinérances de  cette musique tectonique
Au final, inspiré de Flaubert, un morceau où tout commence en sourdine, saxophone et guitare basse, balayage de la batterie légère, pour un univers serein, calme, rêve amoureux, balade, aubade, sérénade qui pourtant deviendra vite le terrain de turbulences et mouvements ascendants abruptes et solides.
Un petit "faux " bis, inspiré des Beatles, en avant première, en épilogue prospectif, augurant d'un bel et proche avenir discographique ! Cadeau maison de ce concert généreux, et résonnant des notes caractéristiques de cet ensemble soudé , fratrie musicale confirmée!

Au Fossé des Treize ce samedi 27 Avril