lundi 4 août 2025

Midnight Souls: deux perles rares aux marches du Palais des Papes...

 


L’exposition « OTHONIEL COSMOS ou les Fantômes de l’Amour » dessine un gigantesque parcours monumental qui peuple les institutions gratuites et les sites historiques de la ville.
L’artiste a élaboré des œuvres qui se dévoileront d’un lieu à l’autre croisant la sculpture et la peinture, les briques et les perles, des Astrolabes et des fontaines, de l’or et du verre, des totems et des nœuds infinis. Articulée  autour  de  la  passion  amoureuse  cette  exposition  sans pareille est orchestrée comme une grande machinerie opératique avec, pour point d’orgue les 1er et 02 août, une installation et une performance dans la Cour d’Honneur  du  Palais  des  Papes,  spécialement  chorégraphiée  par  Carolyn Carlson pour le danseur étoile Hugo Marchand et la danseuse Caroline Osmont de l’Opéra de Paris, accompagnés de Juha Marsalo de la Carolyn Carlson Company.

 Cette chorégraphie a été construite autour des œuvres de Jean-Michel Othoniel spécialement installées sur la scène de la Cour d’Honneur du Palais des Papes d’Avignon. Une installation monumentale imaginée par le sculpteur pour ce lieu hors norme. Plus de 10 000 briques de verre métamorphosant l’architecture de la Cour d’Honneur dessinent un paysage qui accueille trois immenses sculptures de briques d’inox miroir aux formes fantomatiques.

Qu'est ce qui pourrait bien relier la sensualité de la danse de Carolyn Carlson aux figures abstraites de Jean Michel Othoniel? Sous la voûte céleste du Palais des Papes en Avignon le secret va être dévoilé. Rien ne les oppose au regard de tout le périple extraordinaire des œuvres exposées du sculpteur que l'on aura pu faire auparavant et après au cœur de la cité papale.

Un homme apparaît en fond de scène, démarche lente comme celle d'une ascension d'un pont de pierres qui s'esquisse en perspective, ogive du palais, voute romane ou pont vénitien.. Lenteur mobile chère à Othoniel.On se souvient du séjour de Carolyn à la Fenice.. Il gravit lentement, rêveur cet espace souligné par les arabesques dessinées de courbes murales faites de pierres lumineuses. Tout de brun vêtu, large tunique souple soulignant ses gestes amples, plexus solaire offert à la brise du crépuscule du soir naissant. C'est Hugo Marchand qui ouvre ce bal, noble et puissant, la danse dévoreuse d'espace, avide de lumière et d'aisance. Il voltige au cœur de cette immense scène où trônent trois sculptures de pierres de métal réfléchissant la lumière. Trois immenses roses des sables, roses des vents, strictes stalagmites venues d'une autre planète. Le cosmos s'impose comme aire de jeu, les étoiles naissantes dans la voute céleste du soir. L'errance d'un jeune homme en quête d'espoir, d'amour, de rencontres. Apparait à l'orée d'une voûte, une jeune femme, longue chevelure blonde, robe ample emplie de la brise légère qui court au sein du palais. Elle semble perdue dans cet espace immense ponctué de ces trois statues étranges, frontières ou murs lui dissimulant l'homme de ses rêves. Caroline Osmont véritable incarnation de grâce, de fluidité, de légitimité à figurer amour et passion dévorante. Pour agrémenter le suspens et l'intrigue, une sorte de mage, devin incongru, vient perturber la rencontre inévitable. Leur opposant sur leur chemin, des briques empruntées aux figures structurales du décor, mesurant ainsi ce qui les sépare où les rapproche. Ce qui fait obstacle à leur rencontre...Ce dernier danse son obstination à les séparer alors que tous deux esquissent pas de deux et portés aériens, enlacés. Les gestes tétaniques et segmentés si chers à Carolyn Carlson s'évaporant ainsi dans un grand lyrisme ondulant très classique épousant les corps de nos deux étoiles de l'Opéra de Paris. Car la gestuelle de Carlson est signature en apparence aisée à interpréter mais si imprégnée de directionnels fascinants et imprévus, de hachures morcelées vertigineuses que l'on songe à la difficulté à s'y glisser aisément...Ce que font à merveille les deux interprètes comme des somnambules lâchés dans cet espace grandiose. Seules les trois sculptures leur rappellent que métal et rigidité ne sont pas synonyme d'enfermement, d'emprisonnement. Leur amour devient alors possible malgré les poses réflexives du devin sur les wonder block de Jean Michel Othoniel, ni sur son banc de confidences au milieu de la scène. La scénographie relie ainsi écriture chorégraphique et sculpture monumentale avec bonheur et complicité. La danse se glisse parmi ses méandres minérales, ces matières strictes, anguleuses et tranchantes. Danse voluptueuse, délicieuse interprétation cosmique, lenteur divine de gestes en opposition apparente. Là se délivrent les secrets de mise en scène que Carlson sait révéler et incarner. Comme pour "Signes" où elle épousait les formes colorées de Olivier Debre   soutenue par la musique du même René Aubry...Musique résonnante au coeur du Palais des Papes comme un écho, une correspondance avec la danse de Carolyn... Alors l'alchimie opère et les deux artistes réussissent à créer une atmosphère autant féérique qu'onirique au rythme des changements de luminosité sur les pans de murs, sur les trois totems vibrants et scintillants d'Othoniel. Le pari est gagné, le Palais s'enflamme et se pare de majesté rêvée qui lui sied à merveille. La danse au Palais reprend ses marques, les étoiles y brillent par la splendeur de leur interprétation, leur lyrisme à fleur de peau, leur intelligence du graphisme évident de la chorégraphe si prompte à s'emparer d'un lieu préparé par un bâtisseur de rêves, perle rare actuelle du monde des arts plastiques résonnant de réflexion et d'adaptation à un topos légendaire.Quand les murs murmurent et magnifient l empilement savant de briques non réfractaires à leur plasticité, le miracle de la méditation peut s accomplir et la contemplation joyeuse de l édifice d 'Othoniel ravit et emporte l 'esprit au cœur d un fabuleux voyage.Les danses d'Avignon d'Othoniel résonnent comme les sculptures désertiques dans le vent silencieux des figures charnelles de Carlson

Au Palais des Papes à Avignon les 1 et 2 Aout  dans le cadre de Avignon capitale de culture et du parcours signé Jean Michel Othoniel

dimanche 20 juillet 2025

Hayet Ayad ouvre l'âme de la maison Klose...Sacré phénomène !

 


Dans le cadre champêtre de la chapelle de la Klose, nichée aux abords d’Ohlungen, les Sacrés Vendredis de la Klose reviennent en juillet 2025 pour une série de concerts à la lueur des chandelles. Ohlungen, forcément Made in Alsace se souvient de Summerlied ! Ce sont justement les Amis du festival Summerlied qui organisent et cette deuxième édition promet une immersion dans des univers musicaux variés, mêlant traditions sacrées, explorations contemporaines et racines culturelles profondes. Du 4 au 27 juillet, six soirées enchanteresses célébreront la musique dans l’intimité de ce lieu historique.

Le 20 juillet, Hayet Ayad, chanteuse kabyle d’Alsace, revient à Ohlungen pour un concert unique dédié aux musiques sacrées méditerranéennes. Ambassadrice de paix, sa voix solaire, inspirée par la poésie soufie et les mystiques juives, chrétiennes et musulmanes, tisse un lien harmonique universel. Son parcours, jalonné de collaborations avec Georges Moustaki ou Tony Gatlif, ajoute une aura légendaire à cette soirée.

L’expérience se prolonge par des conférences préparatoires aux concerts vers les 18 heures :20 juillet : la pluralité culturelle – les musiques de la Méditerranée avec Hayet Ayad et Lilia Bensedrine-Thabet directrice des Sacrées Journées de Strasbourg


Une femme qui chante et qui danse devient ici une et-vie-danse fameuse."Les chants d'une âme","Le fil harmonique des âmes"c'est tout dire de l'aspect spirituel et mystique d'un engagement poétique et politique de la chanteuse née en Alsace...Et c est le bassin méditerranéen qui vient à nous en la personne d' Hayd Ayad  nichée dans la petite chapelle de Ohlungen au milieu des champs

Le public est  nombreux pour venir partager un moment de douceur dans ce monde agité ; Un rituel quasi chamanique, une note de lueurs et de lumières comme ce chaleureux décor paré de bougies discrètes illuminant l'ambiance. Prêtresse du lieu la chanteuse paraît, sobre, modeste femme désireuse d' unir les cœurs à son énergie positive et contagieuse. C' est avec sa kalimba qu' elle ouvre ce récital si éloigné des grandes scènes.L'intimité du lieu, la proximité avec le public la pousse dans la direction de l' improvisation. Ce qu'elle avoue faire comme un exercice de funambule sur la corde tendue de ses rêves.


Et les cieux sont avec elle, le tonnerre grondant au loin pour annoncer un orage salvateur.Cette énergie cosmique convient à l' artiste dont la fibre spirituelle et mystique vibre au son de sa voix.Voix douce à la tenue remarquable dans les tonalités graves, subtiles contrastes à l'appui agrémentés de vibrations et de fréquences hypnotiques. Un véritable soin que l' écoute des sons venus de l' intérieur de ce corps vibrant accompagné d instruments à cordes comme le goni qu' elle porte à bout de bras. C'est le tambourin, bendir, soleil illuminé de lucioles, qui ravit et emmène dans des contrées lointaines.Douces percussions du bout des doigts qui pulsent au rythme de sa respiration et de son inspiration. Un curieux instrument à soufflet, un orgue portatif organetto,tel une petite valise portative, la berce de son souffle léger.Phénomène unique donné à voir et à entendre les yeux fermés comme une prière, une ode à la joie estivale et orageuse.Ce récital bordé de magie autant que d' authenticité est vibrations, psalmodies de sons,litanies enchanteresses et enjôleuses,dompté par une musicalité étrange venue d ailleurs.Des fondements du corps et de l 'âme de Hayet Ayad....Et le souffle des ventilateurs de disperser ces notes de musique dans la belle chevelure déployée de l'artiste.....Un vent de jouvence et de méditation salvateur.




« Par son chant vibratoire, Les Chants d’une âme, nous amène à plonger profondément en soi. Les chants viennent me chercher au niveau de l’âme (saut quantique) me permet de me réconcilier avec moi même, et faire le lien dans le sacré, là ou je ne peux pas mettre de mots,il tisse en moi une réconciliation avec mon être et mon âme, les noces ultimes ou sacrées a l’intérieur de soi, Cela se fait sans que l’on veuille, cela nous est donné si l’on se laisse faire ». RM

Les Sacrés Vendredis de la Klose : une ode musicale à Ohlungen en juillet 2025

jeudi 17 juillet 2025

"Sortir de l'ombre": au "gré" du karst! Dominique Haettel et Corine Kleck fusionnent l'espace et la matière.

 


Sortir de l'ombre réunit deux artistes, Corine Keck et Dominique Haettel. L'installation évoque une apparition, au sens d'une manifestation presque imperceptible, surgissant dans un espace silencieux. Elle rend visible ce qui habituellement se dérobe : formes en suspens, présences fragiles, tensions entre disparition et surgissement. L'apparition ne dit pas tout, elle effleure. Elle habite la frontière entre l'absence et la présence. 

 Qui aurait pu soupçonner le grenier du Musée de la Poterie de Betschdorf de pouvoir receler les trésors d'une grotte d'un relief karstique de l'ère tertiaire? Et bien la découverte vient d'être faite au sein de la charpente revisitée par deux artistes explorateurs, géologues et spéléologues de Schweighouse...

photos dominique haettel

Entrez dans cet univers unique et vous voilà parachuté dans une grotte où des stalactites tout de blanc cousus voisinent avec leurs formes miroirs , des stalagmites, colonnes sèches, statues verticales légèrement décapitées.  Une atmosphère de mystère se dégage de cette installation, sobre, pertinente au regard de l'environnement intime de boudoir de cette grange traditionnelle. Le vieux bois des poutres supporte les tensions de ces sortes de sacs, enveloppes suspendues au cintre d'une salle des pendus d'un carreau de mineurs.Comme des chemises de nuit au tissus rêche, emplies de souvenirs, de parfums nostalgiques. Comme des chauve-souris suspendues dans la pénombre.Comme des vessies, matières organiques voisines du travail de l'artiste Ernesto Neto.Tel des tétines lactées aspirées par des gueuloirs féroces.Des pis de bestioles fantastiques en proie à des dévoreurs avides d'un liquide salvateur.Sous les doigts de fée d'une artiste couturière Corine Kleck qui relie et noue souvenirs et réalité. Réalité d'un songe éveillé où les matières tissus et plâtre-chanvre-chaux se rejoignent dans une belle sérénité ambiante. Comme des os tronçonnés à différents niveaux, les vases de Dominique Haettel sont érigés comme des totems votifs, des trophées d'une nuit étoilée.Asticots ou vers se tortillant de plaisir au gré de la lumière changeante. De ces profondeurs jaillissent des récits fantasmagoriques à l'envi. La sérénité du lieu apaise ces visions et la blancheur envahit l'espace en douceur.


Les formes se transforment au gré des déambulations autour de cet étrange profusion de sculptures rigides et souples à la fois. Se heurtent les matières blanchies, virginales comme des spectres, funambules des poutres du grenier. Fantomatiques esquisses plastiques d'un univers onirique digne d'une grotte d'un relief calcaire étrange. La blancheur, pâleur extrême ou incandescence visuelle est du plus bel effet optique.Immobiles, les structures pourtant s'animent dans un silence enveloppant magnétique.

La découverte de ce trésor archéologique et géologique au sein d'un Musée où la terre et sa transformation sont reines est quasi une évidence: les fouilles y sont archéologie du futur et en somnambules avertis on chemine les yeux grands ouverts dans cette carrière chaleureuse bercée de clarté autant que d'obscurité planante. Une tranche d'histoire à visiter en grimpant l'escalier du musée,curieux et intrigué par cette intervention plastique rêvée.Une immersion tendre et feutrée à vivre dans la quiétude d'un lieu fantasmé: le grenier de nos mémoires minérales et textiles ressuscité par l'imaginaire de deux sculpteurs du temps.Le sable blanc qui jonche le sol, comme érosion des sculptures et du relief ancestral.

Au Musée de la Poterie de Betschdorf jusqu'au 30 Septembre