mardi 19 juillet 2011

"Des cailloux sous la peau" aux Hivernales 100°/° danse quand les régions s'en mêlent"

La programmation d'Emmanuel Sérafini, directeur du CDC Avignon atteste d'un gout pour les productions territoriales et extra-muros (Corse, Italie) et nous retiendrons pour cette édition le remarquable travail de la compagnie Vilcanota.

« Des cailloux sous la peau » : danse de la matière, matières de danse, quand l’image s’emmêle.
Appel d’air
Bruno Pradet est programmé dans le cadre de la manifestation « 100°/° danse, quand les régions s’en mêlent », aux Hivernales, CDC dirigé par Emmanuel Sérafini.
Il s’inspire des photogrammes de Etienne-Jules Marey sur les mouvements de l’air.
Belle réalisation que cette évocation historique du photographe des fluides, de cette « geste mareysienne » qui commence au début des années 1850 jusqu’en 1904. Pionnier de recherches sur le mouvement à partir du support photographique Marey invente cinq  machines à fumée pour fixer le mouvement de l’air. Offrant ainsi des images d’une extraordinaire beauté, attestant du travail de cet artiste autour du mouvement (celui des êtres humains, des animaux, des objets, des fluides, des êtres microscopiques….). La biomécanique, l’hydrodynamique, l’aérodynamique, l’éducation physique, les débuts du cinéma passionnent ce chercheur polymorphe, féru de photographie expérimentale. Traduisant ainsi pulsations,vibrations,ondulations, secousses, tressaillements, frémissements, produit par les différents mouvements de tous les corps vivants ou inanimés.
Bruno Pradet prend le sujet à bras le corps, reconstitue une machine à fumée et nous donne à voir un spectacle de toute beauté : auréoles de fumée planant dans l’espace, graphisme comme une forme de mémoire spatiale qui contient des informations sur la variation d’un mouvement dans le temps.Tout ceci avec respect et soucis de ressusciter une expérience inédite, mal connue de Marey. Spectacle « multimédia », sobre comme le travail du génial inventeur de la chronophotographie !Les volutes de fumée permettent enfin à son époque de réconcilier son univers à celui de Bergson, comme l’affirme aujourd’hui Georges Didi-Hubermann dans son ouvrage « La danse de toute chose ».Les traits blancs sinueux sur fond noir ondulent et font danser la fumée : danse sans danseur….La « non-danse » n’était pas encore formulée !!!! Instantanés flous, veloutés, doux, comme sa danse en simultané. Des « vues posées » à la Noguès. Secret, lyrique, explosif aussi se révèle l’univers du chorégraphe et du photographe, unis dans une expérience singulière à plus d’un siècle de différence. Le silence de ses noirs et la légèreté de ses blancs en font une atmosphère unique, irréelle bien plus que physique ou scientifique. Le spectaculaire et l’énigmatique de cette création dansée et très plastique sont fort réussis et transportent volontiers dans un monde onirique fabuleux. Les mouvements de l’air traversent la scène, ne se fixent jamais comme tout corps en mouvement. Marey le scientifique nous est restitué comme ce dormeur éveillé capable selon Gaston Bachelard « d’unir comme deux contraires bien faits science et poésie ».Merci à Bruno Pradet d’avoir si judicieusement « révéler » cet épisode vde l’histoire de l’art et de la vie avec autant d’authenticité et de modestie.
GENEVIEVE CHARRAS

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