mardi 16 décembre 2014

Li Wei, Philippe Ramette: vertige du corps!

Présentons ensuite, pour alimenter notre discussion sur le vertige, cette photographie sublime de Philippe Ramette excellent auteur  :


Philippe Ramette

Le vertige ici n'est pas seulement un vertige de situation très bien monté, avec un personnage citadin auquel on peut s'identifier facilement (il n'est pas dehors en chemise de nuit), avec ce gouffre qui s'ouvre dans les 50% de la photographie placés en-dessous de lui et en format vertical.
Au-delà du vertige des sens, dans un deuxième temps, l'examen par la raison fait prendre conscience d'une escroquerie aux sens, que le cerveau peine à analyser. D'où un vertige double, qui touche aussi la raison.
L'accentuation de l'effet de vertige peut enfin être réalisée d'une façon moins élégante mais extrêmement efficace. En témoigne cette photographie du chinois Li-Wei dont l'effet est un peu parasité par le grand toit bleu de l'arrière-plan mais qui marche quand même pas mal :



Li Wei (4)
Il n'est pas indifférent de savoir que l'auteur de la vue est le personnage de droite. Cette image joue sur l'identification du spectateur à ce personnage envoyé par-dessus bord. Le vertige se mêle évidemment ici à tout autre chose, qui est l'horreur du crime. La mise en photographie de l'immonde engendre chez le spectateur un réel vertige moral, qui se superpose affreusement au vertige physique décrit dans l'image.

Quelle image marche le mieux concernant l'impression de vertige ? Celle de Li Wei ou celle de Philippe Ramette ?

Les deux ne s'adressent pas au même type de lecteur : Celle de Philippe Ramette ne cache pas le procédé auquel elle a recours : elle met le feu par l'impression de vertige, puis l'instant d'après exhibe fièrement la tromperie pour convier le spectateur trompé à s'amuser de l'effet auquel il a été pris.
Imaginons les deux photographies placées à la une d'un quotidien d'information. La photographie de Philippe Ramette restera drôle. Celle de Li Wei, dans un contexte sérieux, est parfaitement monstrueuse : nous voyons l'assassinat d'un homme. Elle n'est supportable que rapportée à l'univers supposé connu de ce jeune photographe chinois, univers dans lequel les personnages flottent volontiers dans les airs, comme les surhommes des jeux vidéos ou les héros agiles des films de karaté. Les codes sont ceux du divertissement dans lequel le réel a perdu tout son sens, et où il y a une esthétique du geste inscrit dans l'espace. Sans ce code générationnel, nous nous méprenons sur les intentions du photographe.

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