vendredi 10 novembre 2017

"Crowd": Giséle Vienne et sa rêve partie ! Free party et son "sens de la fête ! Emportée par la foule!




De Gisèle Vienne // Présenté avec POLE-SUD, dans le cadre de la Biennale de la Danse Grand Est et du Parcours Danse // CRÉATION.
"Dans un grand huit émotionnel, quinze danseurs explorent à travers une fête, dont la structure évoque de nombreux rituels, l’aspect jubilatoire et exutoire de la violence. Les plaisirs, les désirs et les tensions générés par ce type de situations sont les éléments centraux de cette pièce, qui déterminent la façon dont s’articule le groupe. La musique impulse une excitation chorégraphique où l’exaltation tient une place centrale. Crowd, dernière création de Gisèle Vienne, est une chorégraphie sur un DJ-set de Peter Rehberg et une composition originale du duo novateur KTL. La chorégraphie fait écho à une sensibilité très contemporaine, où la réalité du spectacle vivant rencontre et intègre le champ des possibilités gestuelles qu’offrent les mouvements générés par le montage vidéo et les effets spéciaux. Le temps en vient à s’altérer et se distordre."

Emportée par "la foule", Giséle Vienne foule du pied les a priori sur les communautés qui s'adonnent aux "rave party" dans une communion solennelle, sociale qui booste et galvanise les rassemblements qui pulsent nos fébrilités mouvantes débridées.Rave de valse de Vienne oblige....
Ils apparaissent en fond de scène un par un comme pour se présenter: personnes foulant un sol de terre battue d'un no man's land improbable....Vêtus simplement mais plutôt négligemment, ils démarrent une errance, lente et tranquille, apaisée, énigmatique: un "ralenti" cinématographique? Point n'en est: une lenteur organique, issue de l'énergie douce de corps en micro-mouvement Ça bouge intensément à l'intérieur pour ne faire sourdre que l'essentiel de "petits bougés"
Musique en boucle, décibels au poing, elle ne cessera d'accompagner les déambulations de ce "groupe", cellule vivante qui se déploie au fur et à mesure, jusqu'à investir tout le plateau: quinze danseurs, quinze destins qui se croisent et dansent un rituel de communauté-on imagine ce que l'on veut-Croisements de regards, sourires aux lèvres, chacun fait son parcours initiatique, ôte ses vêtements lentement, esquisse gestes et attitudes, poses et arrêt sur "image"et esquive le contact.Le sol est jonché de détritus, abandonnées, délaissés comme ces êtres qui errent et se fondent dans le paysage musical. Un danseur s'isole dans la lumière et c'est un instant de grâce, une danseuse se donne, se délivre, cheveux défaits, comme une madone: on parcourt une véritable galerie de tableaux classiques, académiques tant la lumière et la gestuelle sont à vif et à porté de regard prolongé sur eux: un "radeau de la Méduse" que ce naufrage d'humanité, navire dans la  débâcle, à la dérive... C'est beau et touchant, esthétiquement virtuose et plein de concentration quasi mystique et religieuse .Un partage solennel avec le public, qui en forte empathie, ne pipe mot ni ne bouge! Ode à la lenteur suprême, au délié délicat, à la marche altière et retenue....
Sur ce tarmac, cette plate-forme d'où personne ne décolle, sauf par l'imaginaire, la tension monte, on s'y confronte mais toujours dans "le bien", jamais dans l'agressivité.Chacun semble s'immoler dans cet univers souillé immondices
On songe aux images- tableaux de David La Chapelle, aux photos de Cindy Sherman, aux sculptures de Lucy et Jorge  Orta ou de Daniel Firman. Mais bien "vivantes" délivrant devant nous leur énergie douce, très "zen" et contagieuse.
Le spectacle ne s'enlise jamais, glisse et s'écoule dans ce temps suspendu en apesanteur: si tout s'arrête parfois pour mieux reprendre, c'est aussi pulsations et respirations qui se tiennent suspendues en apnée. Les images sont fortes et s'impriment dans les mémoires, le sol leur fait signe en fin de"party": mort et résurrection des cendres pour mieux disparaître un par un, laissant seul celui qui ramasse vêtements et restes de ce "banquet", reliefs de vie et de corps, traces d'un passage éphémère dans nos vies; suppliant ou rédempteur, lavé des "péchés" de ce monde dans une joie étonnante jamais désespérée. Cérémonie liturgique avec sermon, élévation, offertoire et eucharistie: la messe pour les temps présent se partage et opère sous le charmes des déploiements de lenteur et recueillement.
Un "espoir" de vie malgré tout, un grand désir sensuel et organique délivré par ces présences magistrales d'interprètes virtuoses du "petit rien" qui émeut (e motion) au paroxysme de l'écriture chorégraphique, de la dramaturgie, lente ascension vers le divin, la prière et la réconciliation
Il y a du mystique chez Gisèle Vienne, de l'académisme en soulèvement à la Didi Huberman que l'on salue spirituellement
Merci pour ce rituel , "rêve party" de charme et de douleurs, où l’héroïne se donne, s’arque boute et se livre comme une messagère, témoin de son temps, rédemptrice sacrifiée, élue de tous, les bras ouverts, salvatrice et pardonnant   péchés et souillures de l'humanité
Un chef d'oeuvre que cette "foule" dans la houle qui nous emporte dans sa lente ascension vers le vertige hypnotique d'un rituel naturel.
 "Crowd" au Maillon Wacken jusqu'au 10 Novembre

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire