vendredi 24 novembre 2017

"Live@ Home" 10: les percussions de Strasbourg, la "crème" fouettée par des baguettes magiques !


Une création "mondiale" signée Stéphane Magnin, "Whiplash", pour ouvrir le bal de cette dixième édition de "Live@Home"...

"Tout pourrait tenir en une seconde.
Un face à face radical, lumière/silence, son/obscurité, cacher/montrer …
Un temps contracté à lʼextrême dans un claquement suspendu.
Temps vertical de notre société où les ruptures, les éclatements, les clivages sont monnaie courante. De lʼapparente rigueur dʼune table de tribunal, à lʼapparente anarchie des sets de percussions, provocation des extrêmes, tensions, saturations, labyrinthe sonore qui sʼouvre sur des espaces musicaux inattendus, vivants et bruissants."

De quoi "fouetter" un chat !
Stéphane Magnin / Whiplash / 20' (2017)
Création mondiale 2017, commande des Percussions de Strasbourg/
Après un prologue scénographique fait d'arrêts sur image dans de très belles créations lumières, les musiciens s'animent: six interprètes, de noir vêtus vont s'adonner à donner corps, forme et vie à l'oeuvre du jeune compositeur.
Armés de tiges de saules ou de "bâtons" ou "fouets" de verges souples telles des rameaux d'osier, face à nous, immobiles, ils vont faire résonner, siffler, ces éoliennes sonores accompagnées d'une gestuelle chorégraphique, mise en scène subtiles des corps: une mécanique coupée au cordeau s'installe, les tiges cinglantes déchirent l'espace, on sabre les sons, on affole l'air et l'éther: pour seul partenaire!
De "l'arte povera" musical qui flagelle à cappella, l'univers, l'espace environnant. Des respirations de chacun ponctuent le rythme, les poses des visages, têtes et épaules animent les saynètes qui deviennent des sortes de tableaux religieux: la cène à six, pourquoi pas!
Sorte de kung fu musical, les sons des corps, résonnent comme lors d'une séance d'escrime, fendus en tierce...Les visages deviennent masques grimaçants, la rémanence des baguettes dans la vitesse transforme le visuel en esquisses fébriles de ventilation: le maniement de ces baguettes magiques de saule, "fouette", fait vibrer l'espace! Et fouette, coché !
Autant auditive que visuelle, la pièce s'égrènera par trois fois, trois couplets qui tissent trame et chaîne du concert
Les pièces s'imbriquent, dans une intrication savante, un puzzle bien réfléchi
Fait suite, l'oeuvre magistrale de Xénakis  « Peaux » et « Métaux », extraits de Pléiades / 24' (1979)
Un déferlement de bruit et de fureur pour un dispositif scénique impressionnant pour créer une atmosphère envoûtante, puissante à laquelle on échappe pas: l'empathie singulière de l'auditeur avec le miracle qui se déroule devant vous: l'animalité, la force, la rage en autant de salves musicales qui se dispersent et fusent!
Retour à "Whiplash" avec cette immobilité constante, les musiciens ancrés, dans leur assiette, les pieds comme socle fondateur d'équilibre. Des hoquets, des onomatopées sourdent des lèvres, des plaques de bois craquettent, résonnent comme des becs de cigognes, ancêtres des castagnettes. Frappements comme des zapateados, rythmés savamment, brèves incursions dans des univers sonores vifs, percutants, claquants! Comme une petite industrie mécanique bien lustrée, bien huilée, ça fouette le sang, la peau et toutes les surfaces susceptibles de résonance. Comme dans l'oeuvre suivante de 
Francesco Filidei / I funerali dell'anarchico Serantini / 11' (2006)
Une "musique de table" qui rappelle celle de Thierry de Mey pour le chorégraphe Wim Vandekeybus
Les interprètes alignés, à table, assis s'adonnent aux joies des percussions corporelles dans une joyeuse anarchie de scansions millimétrées.
Retour à Xénakis avec ses "Pléiades",avec cloches, dispositif en corolle pour des instruments fameux, les "sixxens" sons métalliques, cinglants, glaçants qui percutent, rebondissent, ricochent à l'envie.Un train d'enfer, une virtuosité magnétique à l'oeuvre!
Comme autant d'établis de métal grinçant où l'ouvrier artisan à l'oeuvre, sculpte l'espace musical. Une tempête, déflagration finale pour clorer en majesté de concert unique, "percutant" pour mieux aborder les mille et une facettes des "percussions" ici abordées dans leur plus simple appareil: le corps à vif, à nu, le médium de peaux, de tensions et détentes, dignes de la plus belle architecture de l'urgence: la peau tendue des abris post tsunami!

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