vendredi 25 septembre 2020

Sonic Temple vol. 2" : pas "fréquent" mais tout à fait "fréquentable" !

 

Sonic Temple vol.2

« L’étrange est la forme que prend le beau quand le beau est sans espérance. » Antoine Volodine, Des Anges mineurs

"Ce qui réunit les artistes de cette soirée organisée avec l'INA GRM est l’attention critique qu’ils portent aux ruines spirituelles et sonores que la modernité, les logiques de production/consommation et le système capitaliste ont laissé derrière eux et laissent encore devant nous. Comment faire advenir des communautés sensibles dans les décombres du présent ? Quelle attention pour quel lendemain ? Que peut bien encore vouloir dire le mot « génération » lorsque l’histoire se retourne contre elle-même ?"

Ce sont les grandes orgues de St Paul qui inaugure ce concert hors-norme, énorme machinerie électro-acoustique: le public, en rond autour de l'estrade qui accueille artistes et consoles. De longues tenues répétitives s'enchainent, solennelles dans une belle ambiance "stimmung", recueillie, le public encore dirigé frontal, assis sur ces adorables tabourets en carton recyclable d'une année sur l'autre,  face à cette machine soufflante et respirante, vents en poupe. Brise, pulsations régulières de cette bête, fourmilière ou pulsante. termitière

Kali Malone à l'honneur avec "Glory Canon 3":des reprises, répétitions scandent le rythme soutenu des notes, en boucle: éternel retour, le son tourne, emplit l'espace, les volumes de la nef éclairée pour l'occasion en ciel d'ogives convergentes. Décor et espace de choix pour une pièce où le son se réverbère, en vibrations et fréquences, pas fréquentes, mais bien fréquentables pour l’Ouïe. 

Suit "Numen" de Annabelle Playe , sorte de cataclysme sonore de guerre, tonnerre, ravages, destructions au poing. L'électro-acoustique à son zénith, volume surdimensionné, amplification du son à l'envi.Pièce angoissante, envahissante, submergeante à l'ambiance de catastrophe aérienne: l'horizon s'ouvre en contraste soudain, silence étiré, déroutante fausse piste de calme: passages de salves, de bruits de percussions étranges, de choc underground, de vibrations de coulées d'avalanches...Qui ruissellent, roulent, se déversent, chaotiques Des impacts sonores fulgurants, légers, furtifs à l'appui, éphémères lignes horizontales de sonorités brèves: qui se soulèvent, épaississent, envahissantes venant densifier la matière sonore conséquente. 

"How to Avoid Arts" de Lasse Marhaug prend la relève: les éclairages de la voute céleste gothique varient pour accueillir cette musique, composition répétitive semée de bruits de pluie, comme une plongée dans les abysses, les abimes aquatiques, subway tétanisant, chutes d'eau, atmosphère "glauque" verte sournoise, ou ventilation ténue de sons indistincts. Des souffles divers sont projetés, postillons, écume et contrastent avec les masses sonores qui montent, submergent, se gonflent, déferlent et étouffent savamment l'auditeur, transporté en commun avec l'assemblée de spectateurs transits.Eruption volcanique, torrents de masse liquide, lave incandescente... Infiltrations karstiques du son dans lesfailles béantes des avens tectoniques...Minérale planète, cosmos sidéra, sidérant!

"Living Torch" de Kali Malone poursuit la recherche sonore, acoustique inédite, ce soir là en création nationale ou mondiale, toutes les pièces datant fraichement de 2020.En lentes vagues de son soutenu qui déferle, magistrales, grandiloquentes en puissantes vibrantions envoutantes, le voyage continue sans embuche: on est dans le ton de la soirée: tectonique, inquiétante, survol planétaire de la création acoustique, voie de tous les possibles, de toutes les écoutes. Voute et couverture acoustiques idéales pour une production inédite si bien maniée par l'ensemble GRM.

Enfin, morceau de choix et pièce maitresse de la soirée: "Four Rays" quatre faiszeaux d'anti division de François J.Bonnet et Sptephen O'Malley: une immersion totale lente, dans l'atmosphère vibratoire caverneuse et grondante, tunnel résonnant, couches et stratosphère vivante, organique, sourdant des deux guitares live, manipulées par les musiciens connectés. Apocalypse sidérale à l'entenne, quand le jeu s'emballe, ivre de sons déferlants, jeu de consoles égarées, affolées, réverbération intense des fréquences timbrées, disharmoniques: soutenable ou insoutenable décibels, puissants qui dérangent de confort d'une audition, écoute saturée. Longue et lente alarme en épilogue, au final de cette soirée sans quiétude aux confins de nos cauchemards ou rêves éveillés!

Relire aussi "le chant des muses" de Lacoue-Labarthe où il est question de l'amplification, de la "caisse de résonance" : les cavernes préhistoriques qui avaient des propriétés acoustiques particulières de résonance....Comme st Paul et l'électroacoustique sophistiquée !

"L’Américaine Kali Malone se produit pour la première fois à Strasbourg et fait résonner ses monolithes acoustiques dans l’espace de l’église Saint-Paul. Son écriture minimaliste, volontairement dépouillée pour mieux surinvestir le « sujet », est une recherche croisant l’harmonie, les simples relations entre intervalles et la psychoacoustique, en faisant notamment résonner l’orgue, son instrument de prédilection. Cette volonté d’inclure l’écoute elle-même à la composition, tout en jouant sur l’altération de la perception, est également au cœur des préoccupations du duo que forment François J. Bonnet et Stephen O’Malley. Après Cylene (2019), ils dévoilent leur dernier projet en date : entre rituel sacré et expérience du chaos, phénomènes sensibles et divination séculaire — un romantisme pour le XXIIe siècle ? Enfin, les variations infinitésimales comme les éruptions tonitruantes délimitent l’aire de contraste d’Annabelle Playe, qui place l’écoute en état d’urgence, dans une attention quasi-animale."


Kali Malone création française
Annabelle Playe
NUMEN (2020)
création mondiale
Lasse Marhaug création mondiale
Kali Malone création française



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