samedi 7 décembre 2024

"Casse-Noisette" selon Rubén Julliard. Ballet-féerie pour Clara au pays des merveilles

 


Les Drosselmayer sont un couple d’inventeurs excentriques et loufoques. Le soir de Noël, le bric-à-brac de leur atelier devient un terrain de jeu merveilleux pour leur filleule Clara, qui a bravé le froid de l’hiver pour se rendre en secret chez eux. Ils lui offrent en cadeau un petit Casse-Noisette sous la forme d’une figurine en bois, puis transforment par magie des poupées en véritables danseuses. Bientôt, ce sont tous les objets inanimés qui prennent vie sous les yeux ébahis de la jeune fille ! Après tous ces prodiges, celle-ci s’endort sur le bout du canapé. Lorsque minuit sonne, l’atelier est envahi par le Roi des rats et son armée de rongeurs. Commence alors pour Clara et son Casse-Noisette une longue bataille qui va les conduire jusqu’au pays enneigé de la princesse Pirlipat et au Royaume des cadeaux.

C'est un voyage parfaitement onirique, joyeux, lumineux, chatoyant au pays d'un Casse Noisette étonnant, détonant et plein d'humour et de fantaisie. En alternance dans les r^les principaux, les danseurs de Ballet du Rhin sont galvanisés par une chorégraphie fort originale où se déploie le talent de Ruben Julliard. Une écriture saccadée, automatique pour les séquences dansées du prologue et fête chez les protagonistes, parents de Clara. Les geste robotiques, désagrégés, déstructurés comme des automates des convives de la fête sont proches d'un Mats Ek, les pieds cambrés et à angle droit, les geste tronqués, rompus à une cadence et à un rythme endiablé. Une belle construction architectonique des corps automatisés en harmonie avec le sujet des poupées, objets-cadeaux qui vont du casse-noisette à la poupée alsacienne de circonstance! C'est drôle jusqu'à ce tutu, parure fluorescente de la fée dragée qui survole cette petite société fébrile et joyeuse. Les décors et costumes faisant le reste: un vivier d'inventivité digne de couturier de la danse. Parures, vêtements originaux, costumes à danser de toute beauté.Rien à envier à ceux de Philippe Guillotel pour Jean Christophe Maillot et "sa" version du Casse Noisette...

Julia Weiss longiligne mère de Clara toute en finesse aux côtés de Erwan Jeammot virtuose jubilatoire, père et formant un couple subtil. Un clin d'oeil à Hansi et ses personnages fétiches transposés au pays de ces merveilles festives. L'Orchestre au diapason de cette jouissance visuelle d'un grand intérêt plastique et esthétique.

Après un entracte où l'on digère cet opus où les rats sont masqués et drôlatiques rongeurs sautillants, on passe en revue présents, cadeaux et boite à musique avec ravissement: un robot fantastique et plein de ressource gestuelle inédite se fait vedette de ce show burlesque et endiablé après l'apparition d'une double créature hispanisante regorgeant de fantaisie. Au pays des miracles naturels, tout va de soi et de bon train sans jamais lasser. La musique pleine de cet inconscient collectif, prête à la rêverie, au songe et la valse des fleurs, colorée et aux portés classiques fait du bien. Les pointes nous rappelant que cette technique est pleine et source d'inventivité, de grâce et d'envolées salvatrices vers les contes de fées. Quatuor des quatre héros comme emblème d'une construction savante dans l'avancement de la narration. 
 
 
Tout est calculé dans des espaces à vivre et danser avec enthousiasme et virtuosité. Le manège en déboulé du Casse Noisette, le charme fou de Clara, Marta Dias, espiègle et juvénile font le reste. Tous sont "faits maison" et cousus sur mesure par le chorégraphe attentif aux capacités de chacun: dramatiques ou athlétique en diable. C'est un privilège de Grande Maison et chacun semble l'intégrer, le vivre et le magnifier. Un spectacle pour fêter l'intelligence d'une revisitation d'un bijou du patrimoine de la danse. Une ovation du public au final pour consacrer ce petit chef-d'oeuvre jovial et enchanteur, loin des versions sacralisées par un conservatisme inopérant. Une production digne des ambitions du ballet, réuni autour de Bruno Bouché et de son chorégraphe "maison" qui pour un coup d'essai nous offre un coup de maitre...à danser!

 

photos agathe poupenay
En deux actes. Musique de Piotr Ilitch Tchaïkovski. Création.

L’envoûtante partition de Casse-Noisette recèle quelques-unes des pages les plus emblématiques de Tchaïkovski, notamment l’ondoyante « Valse des fleurs », la mystérieuse « Danse de la fée Dragée » et le très slave « Trepak ». Issu des rangs du Ballet de l’Opéra national du Rhin, le jeune chorégraphe Rubén Julliard utilise le langage classique pour revisiter ce sommet du répertoire post-romantique, et revenir à l’esprit fantastique du conte original d’E. T. A. Hoffmann. La cheffe Sora Elisabeth Lee (promotion 2021 de l’Opéra Studio) dirige l’Orchestre philharmonique de Strasbourg pour des soirées pleines de féerie, idéales pour passer un moment en famille à l’occasion des fêtes de fin d’année.

Chorégraphie Rubén Julliard Musique Piotr Ilitch Tchaïkovski Direction musicale Sora Elisabeth Lee Dramaturgie Rubén Julliard, Éline Malègue Scénographie Marjolaine Mansot Costumes Thibaut Welchlin Lumières Marco Hollinger

A l'Opera du Rhin jusqu'au 8 Décembre

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire