Autour de la rencontre amoureuse et de la jouissance, Simon Feltz compose GRAINS. Ce sextet y explore les rapports entre langage et corporalité. Équipés de micros, les gestes (frottements, froissements de vêtements…) comme les bruits (râles, cris, mots doux…) teintent d’une touche d’érotisme une partition poétique. Enregistrés en direct, ils sont amplifiés et diffusés à partir d’un dispositif spatialisé permettant au spectateur une immersion au creux des étreintes qui se forment. Cette création chorégraphique s’intéresse au moment précis de la rencontre charnelle, où le contact physique entre partenaires remplace toute communication par la parole. Dans Écho, le chorégraphe transposait les phénomènes de synchronisation entre gestes et mots en outils de composition du mouvement. Il poursuit cette exploration des rapports entre langue et corps à l’endroit même où cette dernière abdique : face à la force des sensations.
Le baiser de Rodin, les étreintes de Camille Claudel...Comment ne pas échapper à ces quelques belles références au vu de la pièce de Simon Feltz. La langue du chorégraphe est directe et sobre, belle et suggestive. Au départ, un cercle composé de six corps à peine éclairés de lueurs bleues. Le tout déjà orchestré par des murmures qui se précisent et chuchotent des mots chargés de significations érotiques. Les couples se forment, se défont à l'envi. Alors que seuls deux hommes tentent un rapprochement très désiré où le baiser se fait étreinte, les autres les regardent. Observateurs, voyeurs ou simplement faisant sujets de la partie. Des échanges sensuels, langoureux tous dans la lenteur, auréolés de lumières bleutées ou vertes. Comme des psalmodies ou prières communes au départ, les voix se font gémissements, soupirs, halètements de jouissance. Simulations ou moment de vérité: la scène, le spectacle ose en direct des poses suggestives d'accouplement, de rapprochements à la surface des corps qui se dénudent peu à peu.Des sculptures éphémères naissent, arrêt sur image ou lente transformation des unissons de corps réunis. S'exposer, se montrer, se mouvoir dans l'extase et l'orgasme des rythmes, des voix, des chuchotements, des enlacements et caresses. La beauté nait du désir assumé de danser le désir, sa mutation en plaisir.Comme dans une bulle, les sons résonnent calfeutrés dans ce boudoir qui passe du bleu au rouge, auréolant les corps sculptés par la lumière. Dans ce missel pour Terpsichore, la muse de mauvaise réputation se love, fond, se répand jusqu'à disparaitre dans un choeur couché au sol après un éclat de rire compulsif de plaisir partagé. Des soubresauts et vibrations délirantes en phase avec la notion d’excitation collective.Pas d'onanisme ici, mais un rituel participatif émancipé de sensualité évidente. A fleur de peau, de touches impressionnistes de phrasés au ralenti, cherchant les chemins du plaisir. Le choeur assoupi, satisfait se relâche et les plaintes animales se taisent au profit d'un silence assouvi. Une empathie se meurt et cette touche apollinienne de fruit défendu se déguste sur le bout de la langue. Simon Feltz réussit ici un exercice périlleux à voix haute: celle des corps dansant d'où émane un chant plaintif de toute beauté.
A Pole Sud jusqu'au 6 Décembre
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