Je vis dans une maison qui n’existe pas oscille entre la naïveté du conte pour enfant et la brutalité de la prose directe si caractéristique de l’écriture de Laurène Marx. Depuis les yeux du personnage de Nikki — entrée dans une grande colère et à la recherche de son calme perdu —, on pénètre dans la psyché d’une personne souffrant de troubles de la personnalité. Pour retrouver son chez-elle, aidée de Madame Monstre, des Tout-Petits et de Nuage le nuage, Nikki devra revivre les traumas de l’enfance et survivre à un monde où les personnes neuroatypiques n’ont toujours pas leur place. Cette pièce est leur refuge.
Suite de la première pièce et fin provisoire de cette longue marche au pays de la transformation, de la mutation périlleuse et improbable d'une femme au bord de la crise de nerf: femme en colère qui seule sur scène lance sa plainte et surchauffe l'auditoire en totale empathie avec sa douleur mais surtout sa combativité naturelle et contagieuse. A croupie ou à genoux, elle commence son récit comme une série que l'on souhaiterait intarissable, à suivre avec curiosité et enthousiasme. Parce qu'elle est franche, directe, maline et excellente comédienne, malgré ce qui est annoncé en début de spectacle: c'est une transe et pas une actrice...Cela se révèle inexacte car le talent, la présence, le verbe et la faculté d'improviser sont chose professionnelle: alors cette femme qui se livre et se délivre devant et avec nous, en toute complicité est un moment rare de théâtre et non de démonstration sociétale. Bien sur notre écoute, notre concentration est renforcée par la singularité d'une identité assouvie et revendiquée.Mais le plaisir que procure cette narratrice exceptionnelle est inhérent au jeu et à ses ficelles.Son savoir être ensemble est magnétique et parfois joyeux malgré les faits exposés dans son texte parlé, pensé, vécu à fleur de peau. Dans un corps transformé jamais caricatural et toujours d'un naturel qui touche et fait mouche. Laurène Marx donne envie d'en savoir plus, de la connaitre dans sa simplicité et de la retrouver encore sur scène pour la suite d'un conte qui n'est pas histoire merveilleuse à la fin moralisatrice. Au contraire, on souhaite partager une communauté ouverte et visible pour faire plus ample connaissance. Sans toit ni loi, la voici hors de ses gongs sur la brèche, sur le fil et sur le palier d'une maison fantôme: celle d'un esprit en soulèvement, celle d'une femme qui danse à toutes les fins de ses prestations. Et si sa vraie identité était celle d'un être dansant sa vie, sa voie, son chemin sautant toutes les embûches et obstacles pour mieux bondir dans sa vraie vie.
Au TNS jusqu'au 7 Décembre
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