On dit que celles et ceux qui ont fui le Cambodge, le Laos ou le Viêtnam
après 1975 constitueraient une immigration « exemplaire ». Mais quel est
le coût caché de cette exemplarité pour les personnes concernées et
leurs enfants ? Marine Bachelot Nguyen, autrice et metteuse en scène
franco-vietnamienne, explore la mémoire des exilé·es en provenance du
Sud-Est asiatique. Elle donne de la voix aux récits manquants d’une
population souvent qualifiée de discrète voire effacée. Elle interroge
aussi l’émergence de l’action humanitaire et les effets des générosités
ambiguës, en racontant l’histoire d’une famille française qui héberge
chez elle des « Boat People ». Exil, pression à l’intégration et
traumatismes : en revenant sur les modalités d’accueil des réfugié·es
vietnamien·nes dans les années 1970, la forme théâtrale fait émerger des
paroles complexes, permettant de mieux conter mille traversées.
Refuge , la scène ne le sera pas...pour cette petite troupe, groupe réuni à l'occasion d'un périple, voyage au bout de la nuit..Ce voyage, c'est celui de ceux qui ont fuit sur des bateaux, des esquifs improbables qui les ont conduits à l'autre bout du monde. Pour se retrouver pour les plus chanceux, adoptés, hébergés par d'honnêtes et compatissants citoyens du monde. Ce sont les récits de ses hommes et femmes que content les comédiens, le premier à s'y lancer, à plonger dans le vif du sujet, un jeune homme, assis. Casque sur les oreilles, avec un accent du Vietnam, des paroles hachées, rythmées par une élocution cabossée, il parle, se raconte. Vont lui succéder, deux femmes, elles aussi rescapées de ce phénomène sociétal de l'époque: les boat people.Le drame se raconte cependant sur le ton de la gravité quasi légère de ces morceaux d'histoire quelque peu oubliés, passés à la trappe de la grande histoire. Et pourtant, ils marquent toute une génération et des mouvements politiques forts, conscients. Cette petite famille "reconstituée" touche et émeut, les personnages s'y détachent dans une sorte de tendresse, de douceur dans l'évocation de leur sort. Dans un décor intime, un salon sobre et anonyme, sur fond de mer et de bruitages marins, ils vivent devant nous: le pouvoir de classes sociales différentes, de codes à enregistrer, d'attitudes à adopter.La cohabitation est possible, nécessaire et chacun semble y mettre du sien sans perdre son identité Les textes, confidences, interviews d'immigrés de force sont de toute beauté, incarnés par des comédiens pétris d'empathie avec le sujet: leurs origines respectives les y conduit.L'orphelin du Biafra, Arnold Mensah y met toute sa conviction dans un jeu entier et passionné. Clément Bigot, le père, le second du couple d'accueillants est généreux et bienveillant. Charline Grand en maitresse de maison est impeccable, parfois drôle et insouciante. Tous intègrent et habitent ces rôles décapants qui traitent d'un sujet négligé, oublié. Un madison endiablé ponctue la narration, histoire de fédérer ceux qui pourraient ne pas s'entendre: les gestes empruntés aux cultures d'Asie du sud est, doigts et poignets mobiles plein de grâce mesurée.
[Texte et mise en scène] Marine Bachelot Nguyen
[Avec] Clément Bigot, Charline Grand, Arnold Mensah, Paul Nguyen, Dorothée Saysombat, Angélica Kiyomi Tisseyre-Sékiné
[Assistanat à la mise en scène] Linh Tham
[Scénographie] Kim Lan Nguyen Thi
[Vidéo et régie générale ] Julie Pareau
[Lumière] Alice Gill -Kahn
[Écriture marionnettique] Dorothée Saysombat
[Son] Yohann Gabillard
[Costumes] Laure Fonvieille
Au TNS jusqu'au 28 Novembre





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