Jour de chabbat, ce n'est pas un hasard, lieu de mémoire comme dans beaucoup de villes où est commémoré ainsi un passé peu "glorieux" mais à la mémoire vive d'événements au delà de l'entendement, au delà des capacités d'imagination de l'être humain.
Le voici qui apparaît à l'autre bout de l'"Allée des Justes parmi les Nations", perché sur des chaussures à talons, hauts talons rehaussés sur deux crânes humains, oscillant comme à l'aveugle sur le chemin tout tracé au sol, d'une allée des lamentations.Une étoile à cinq branches comme "casque" de guerre pacifique, non violente.Le chef étoilé par David, son roi, son étoile.
Il marche, intranquille, en déséquilibre permanent, quasi nu, le corps à peine masqué et dissimulé par un enchevêtrement de squelette, d'os comme un "tutu", comme la ceinture de bananes de Joséphine Baker: tout un symbole de camarde, de souffrances et de vanité. Un ossuaire vivant, en marche, fébrile, fragile comme cette matière osseuse, ici de papier sépia. Un "costume" hautement chargé de souvenirs, d'images insupportables, insoutenables.
Il se transporte ainsi, ce Saint Christophe de la Shoah, si sensible, si beau et juste que le temps s'arrête, se suspend, s'immobilise
Steven Cohen continue sa lente montée, entrecoupée de petits cris, de murmures susurrés comme jaillis du dernier souffle.
Il chemine, le visage maquillé avec extrême sophistication, un papillon sur l'arcade nasale, des couleurs, des lèvres en cœur, grimé, dissimulé par des traits de véritable portrait, tableau éphémère sur la peau.
Il vacille, s'écroule puis s'allonge sur la stèle commémorative, se pose ou se repose, épuisé
Encore la force d'allumer deux flambeaux d'artifice qui le magnifieront, éclairant chaleureusement, ce corps blanc gainé d'une guêpière, d'un corset ajusté.Puis il le quitte, s'en libère, se détache de ses derniers atours repérables, pose son étoile et nu, se lève, tend sa nuque, se prosterne, prie peut-être
Il se dépouille, ôte sa chrysalide, l'abandonne aux vautours.
Il essuie les cendres sur son "tombeau", hommage sans mot à l'humain.Phoenix, guéri,
Pas de pathos dans cette émouvante performance jamais provocante, toujours juste à fleur de peau, nue et crus comme ses gestes sobres Pas de sacrifié ni d'immolé mais une résurrection païenne de l'être soi!
Il disparaît, humble et recueilli dans cet hommage intime et fort à la mémoire de la communauté juive, celle de Strasbourg sur les vestiges de sa synagogue détruite par les nazis.
Les spectateurs on aussi le "loisir" de lire et découvrir ce lieu que l'on traverse d'habitude sans le souci de son sens et des inscriptions qui nous rappelle l'horreur et l'existence des massacres et autre faits ignobles de la "civilisation"
Steven Cohen , sous une "bonne étoile" star discrète œuvrant contre toute forme de discrimination, d'homophobie, d'exclusion, de génocide,
On reste sans mot, muet ou au contraire avide d'échanges avec son voisin: sur le drame ou sur la vie de tous les jours.
Difficile après une telle "apparition" d'éviter le sujet!
A l'initiative de Pôle Sud, de la HEAR et du FRAC Alsace, cette performance est inscrite dans le cadre d'une résidence de l'artiste à Strasbourg
A suivre, une exposition de ses objets à la Chaufferie dès le 29 Mai, suivie de performances, les 29 et 31Mai, Les 27 et 28 Juin à la HEAR
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