Votre roman Danser met en scène trois petits rats de l’Opéra : Chine, Delphine et Stéphane. Pourquoi avez-vous choisi de vous intéresser au monde de la danse classique ?
J’ai fait énormément de danse classique, dans une école qui a donné une danseuse étoile de l’Opéra de Paris et pas mal de danseurs professionnels. J’étais assez douée, en tout cas passionnée, et l’idée de la vocation m’a évidemment traversé l’esprit. Une part de moi-même, enfouie, secrète, regrette de ne pas avoir eu la vie de Chine, Delphine ou Stéphane.
Vos trois adolescents sont très différents et l’histoire de Danser nous guide à travers les aléas de leur amitié. Comment ces trois profils sont-ils nés de votre plume ?
Leurs origines sont multiples. Ils sont nés de mes souvenirs – de cours de danse comme de cours de récréation – et des heures que j’ai passées, fascinée, à observer les danseurs.
Est-ce facile, en tant qu’auteur, de se remettre dans la peau d’adolescents de 15 ans ? Comment avez-vous fait pour imaginer leurs réactions et avis sur les choses ?
La question est plutôt de savoir s’ils sont crédibles et ça sera au lecteur d’y répondre. Pour ma part, j’ai essayé de me « reconnecter » à ce monde de l’adolescence, de déterrer tous les complexes, les craintes, les espoirs qui animent ou torturent les ados. C’est l’obsession du regard des autres, l’impression de voir sa vie défiler en transparence, comme si on en n’était que le spectateur. Cela dit, une fois que les personnages sont nés, ils gagnent leur indépendance, ils sont régis par leur propre cohérence, et il me semble que le romancier n’a plus à plaquer sur eux des réactions, des émotions. Ce sont les personnages qui décident pour eux-mêmes.
Ces trois jeunes ont des rapports différents à leur famille et au fur et à mesure de la lecture il apparaît qu’aucune d’entre elles n’est idéale, malgré les apparences. Aviez-vous un message à faire passer à ce sujet ?
Le lien familial est un thème très important de ce livre. Chine, Delphine et Stéphane sont internes à l’Ecole de Danse, ils doivent donc apprendre, cinq jours par semaine, à vivre sans leurs parents. Pour Chine, c’est une libération, elle est heureuse loin de sa mère, même si elle pense à elle tous les jours. Stéphane a déçu son père en devenant danseur et chagriné sa mère en choisissant de vivre loin d’eux. Delphine, elle, a le blues de sa famille. Ses parents lui manquent atrocement. Elle se rend compte qu’elle est moins émancipée qu’elle ne le pensait. Mes trois personnages ont une grande maturité – notamment artistique – mais ce sont encore des enfants qui ont besoin de leurs parents, que ce soit pour réclamer leur tendresse ou pour les accabler de critiques.
Vous mettez en scène l’éveil à l’amour, dans un premier temps fantasmé par vos trois héros, bien que chacun à sa façon. Cette première phase d’émoi dénué de tout réalisme est-elle importante selon-vous ? Pourquoi avez-vous choisi de la mettre en scène en particulier ?
On est tous passés par là… non ? Ce moment où l’on rêve de l’amour idéal, tout en redoutant sa réalisation physique. Je crois que c’est le propre de l’adolescence, de ne pas percevoir l’amour comme un tout, mais de penser qu’il y a les sentiments d’un côté, le sexe de l’autre.
Passé cette première phase, les étudiants prennent conscience de la trivialité de cet amour. Alors que certains acceptent d’y plonger, d’autres tentent d’y résister. Cette désillusion est-elle un passage obligé ?
A mon avis, mes personnages n’ont pas dépassé la phase 1) : l’amour rêvé/redouté. Quelques-uns se donnent en spectacle, prétendent « avoir fait l’amour » comme si ça faisait d’eux des grandes personnes. Il n’est pas encore question de désillusion, c’est plutôt une course à l’expérience – il y a donc ceux qui courent, et ceux qui vivent la course en observateurs…
Vous avez déjà écrit plusieurs textes sur le couple. Pourquoi avoir choisi de traiter l’amour en amont du couple cette fois ?
L’amour, dans ce livre, déborde largement du cadre du couple : je voulais écrire sur l’amour de la danse, l’amour des parents pour leurs enfants et inversement, mais aussi sur l’amitié…
Sans directement dévoiler la fin du roman, qui surprend, est-ce malgré tout important d’avoir des rêves ?
Bien sûr ! A l’adolescence, les rêves sont grands, beaux et sublimes, plus on vieillit, plus ils rapetissent. Ils portent moins sur notre être, que sur ce qu’on pourrait posséder. On rêve de voyages, de repos, d’une grande maison ou d’une belle voiture. C’est un peu triste.
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