mercredi 9 novembre 2016

"Nicht Schlafen": les Ballets C de la B, pas "belle au bois dormant" !


Préambule:
"Chorégraphe, Alain Platel ? Certes, il fonde en 1984 les mythiques ballets C de la B, comprenez ballets Contemporains de la Belgique et participe ainsi à un profond renouveau de la danse contemporaine ; plus encore ce travail relève tout autant du théâtre, de la musique et du chant, son univers croise la politique, la pop, ses interprètes sont issus d’horizons divers, acrobates, chanteurs, danseurs, d’ici ou d’ailleurs." ......

 En prélude :
"Souvenez-vous au Maillon de Coup FatalGardenia ou encore la saison dernière En avant, marche !
nicht schlafen, son tout dernier travail, sera créé en septembre. Les ingrédients de cette nouvelle aventure ? Les lieder du compositeur autrichien Gustav Mahler, les traditions polyphoniques portées par deux chanteurs congolais, Boule Mpanya et Russell Tshiebua (Coup Fatal), les paysages sonores du compositeur flamand Steven Prengels, son acolyte d’En avant, marche !, des danseurs, neuf interprètes en tout, un décor impressionnant conçu par Berlinde De Bruyckere et les écrits de l’historien Philipp Blom, The Vertigo Years et The War Within, qui analysent les premières années d’un xxe siècle terreau de deux guerres mondiales. "

Alors qu'en est-il de ces intentions fort ambitieuses: danser du Mahler, animer une musique souvent glorieuse ou pathétique, mystique ou si impressionnante qu'elle en donne le frisson?
C'est le décor qui l'emporte: trois immenses chevaux empaillés, couchés ou plutôt surpris dans des "attitudes", poses   figées, en état de souffrance comme achevés sauvagement, sabots en l'air: chevauchée interrompue par des salves ou une course poursuite jusqu'à l'épuisement? On achève bien les chevaux! Sur le plateau, des personnages errent, habillés de lambeaux de costumes de ville ou de sport, colorés
Un fonds de scène, immense toile de jute déchirée, trouée, en lambeaux: dépecée, décharnée aussi, à vif.
Ils en arrivent vite à la rixe, à la lutte acharnée, ces huit hommes, cette femme esseulée dans cette tribu masculine multi ethnique. Les origines culturelles et cultuelles bien marquées. Vêtements facilement identifiables pour marquer appartenance, altérité, identité.
Un solo démarre l'action, merveilleuse performance lisse, fluide, entre classique et hip-hop, capoeira ou autre essence de danses d'ailleurs, de pratiques corporelles sacrées ou religieuses, méditatives ou païennes.Le ton se revire pour habiter une longue séquence de lutte, en duos interchangeables, rixes et affrontements sauvages où l'on se "déchire", vêtements et accessoires comme pour dépecer le corps de ses atours artificiels.
Belle séquence de "mise au tombeau", d'un corps à moitié nu, embaumé, lavé par ses pairs, rituel chamanique ou sacré, acte de foi, tribal . Tout semble inspirer ici Alain Platel qui ne nous a pas "habitués" à une telle ambiance, retour à la danse spatiale, fulgurante, dévorante d'espace. De petits riens aussi, gestes furtifs, focales sur un endroit du corps dans cette jungle éclectique, volcanique, explosive.
Les chevaux magnifiés par une scénographie et un éclairage savant, trônent sur pilotis, piédestal de fortune pour immerger leurs carcasses inertes. Radeau de la Méduse que cette embarcation échouée sur le plateau ?
La musique de Malher, magnifiée, triturée pour envelopper ces déchirures et déchirements humains, si tendres parfois que l'on est en empathie avec cette tribu hétéroclite qui sait vibrer, chanter, danser à son corps défendant, perdu dans un univers pas toujours accueillant.
Ne pas dormir ou ne pas s'endormir? Jouer les belle au bois dormant dans ce monde chaotique, tectonique où rester indifférent semble impossible dans le flux et reflux du rythme et du tempo  incessants, captivants, hypnotiques?
Platel en soulèvement, insurrection et autre état de siège, c'est beau et dérangeant, insolite et perturbant; la vie à vif, décortiquée comme un écorché de cabinet d'anatomie de l'ange, pas toujours convenable, jamais "enchanteresse"!

Au Mallon Wcken jusqu'au 10 Novembre
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