mardi 15 novembre 2016

"Questcequetudeviens? Bonne question ! Une flaque and c° ou un hidalgo Algeco ?



"Cette question est banale et abyssale. Elle interroge nos choix, impose un bilan immédiat. Avec Qu’est-ce que tu deviens ?, Aurélien Bory nous ramène à la tradition et au geste puissant des danseurs andalous. Il explore un nouveau territoire : celui du flamenco. Pensé et écrit pour Stéphanie Fuster, ce spectacle met en scène son parcours, ses choix, ses forces et ses doutes. De castagnettes et de froufrous il ne sera pas question. L’important c’est son approche du flamenco, sa manière d’en apprivoiser les codes, de les décortiquer pour mieux se les approprier. Accompagnée de José Sanchez à la guitare et d’Alberto Garcia au chant, Stéphanie Fuster nous livre un aperçu de son travail d’apprentissage. Dans un Algeco éclairé au néon qui fait office de studio de répétition, ou encore sur une scène recouverte d’eau, elle joue avec son reflet après avoir flirté avec son ombre."

Alors quoi de neuf sur la planète Bory ?
Dans un décor bien planté, un Algeco transparent et un réservoir d'eau, comme dans les champs, un carré dessiné au sol, une femme vêtue de rouge franchit les barrières du convenu.
Robe ou partenaire qui se dévoile et se dédouble en véritable complice de formes étranges donnant naissance à des postures et attitudes quasi monstrueuses!La mue opère et elle se retrouve à l'intérieure de la boite, martelant le plancher, allant et venant, reculant furieusement dans cet espace si exigu, prolonger par un miroir dans lequel elle se reflète. Le guitariste, le chanteur qui ponctue et inspire tous ses gestes se joue de sa présence, lui dicte les sanctions, précède ou accompagne ses évolutions, verticales toujours, sèches et tranchées, de profil, rappelant la gestuelle de Israel Galvan. De judicieux éclairages dessinent des ombres portées, se lovant comme des sculptures de Marcus Raetz, vrillées et en miroir réfléchissant, en trompe l’œil! La vitre de l'Algeco embuée dissimule ses évolutions, étouffe le bruit, les sons des salves de ses martèlement furieux sur le sol.Des empreintes , des taches de son corps maculent la vitre comme les "antrophométries " de Yves Klein" La tension monte, enfle, grandit et l'on retient son souffle. De rouge, elle passe à la robe noire, fourreau seyant, épousant son corps, fort et gracile à la fois, sa chevelure noire, féroce atout de son ibérisme virulent; de l'eau envahit le sol, elle va y exécuter une danse digne d'un lac des cygnes,noirs, glissant, éclaboussant en goutte de lumière, l'espace visuel du plateau.Images saisissantes, rappelant Pina Bausch ou Michèle Anne de Mey, se jouant de l'élément liquide avec délectation dans une joie ludique et enfantine.Au final, c'est la chute, immergée dans le liquide qui telle Ophélie, la conduit dans les flots des eaux agitées de ce lac, eau dormante chahutée par le passage de cet oiseau incongru, digne d'un bestiaire fantastique.
Une fois de plus Aurélien Bory déconcerte, décale, interroge la matière et les espèces d'espace pour nous transporter dans des contrées et paysages insolites, vivant, troublant: comme cette vie agitée des eaux dormantes en surface. Et le flamenco, danse de feu et de sécheresse gestuelle de se coltiner de nouvelles aventures aquatiques du plus bel effet sonore et pictural!
AU TJP Grande scène jusqu'au 16 NOVEMBRE

A propos de.

Le metteur en scène Aurélien Bory fonde la Cie 111 en 2000. Il y développe un théâtre physique, singulier et hybride, à la croisée de nombreuses pratiques. Son intérêt pour les sciences influence son esthétique. Ses œuvres sont animées par la question de l’espace. Il ne conçoit son travail théâtral que dans le renouvellement de la forme, en laissant de la place à l’imaginaire du spectateur. Il a présenté au TJP trois spectacles : Sans objet, Plexus et Plan B.
Stéphanie Fuster est danseuse de flamenco, chorégraphe, interprète et pédagogue. Elle a longtemps vécu à Séville, berceau du flamenco où elle a étudié avec les maîtres de cet art. Elle danse notamment pour Israel Galvan et Juan Carlos Lerida, deux chorégraphes qui marqueront son parcours. De retour en France elle fonde à Toulouse La Fábrica Flamenca, espace dédié à la formation et à la création flamenca. Son travail s’attache à définir le geste flamenco, intense, pulsionnel et rythmique, loin de tout romantisme et clichés.


pour mémoire:Avignon été 2016
"Espaece": espèces d'espaces.



Aurélien Bory trouve ici l'occasion de réaliser ses visions architecturales les plus folles et se livre à un exercice à la mesure de sa démesure
L'Opéra d'Avignon cède son plateau à la grandiloquence du créateur d'espace et met en danger l'ouvrage de Perec "Espèces d'espaces"en le confrontant à la matière, la constructioN, l'architecture.. Risque et périls en la demeure, un immense dispositif mural en trois parties articulées, grandissime, éprouvant pour les corps qui vont devoir en faire l'ascension, l'apprivoiser ou s'en jouer.Tout débute par l'évocation du livre qui délivre des signes, des lettre ouvertes: les manipulateurs de ces petits objets en projetant des écritures de mots, à découvrir au fur et à mesure.C'est beau et touchant, intimiste et secret
Puis c'est la vague déferlante d'une immense bibliothèque, ou bien de rayonnage de ruche à alvéoles, réceptacle des corps, des livres, des mots.Comme un puzzle, un abécédaire ou tout simplement un jeu de construction, le spectacle serait une sorte de juxtaposition, de calque en couche, en strates, de palimpseste vivant. ou un scrabble géant à construire, à élaborer et deviner par la lecture simultanée.
Et surtout ne pas se cogner aux angles, se faufiler, entre les failles, faire l'ascension d'un décor digne de Gargantua où le risque de la chute peut encore opérer comme au cirque.
A l'Opéra grand Avignon  Juillet 2016


0 commentaires:

Enregistrer un commentaire