Alors débute le voyage, mélancolique au pays du romantisme mais aussi de la souffrance, celle du compositeur qui disparaîtra en 19012, quelques années après sa création en 1909
Gigantesque fresque aux quatre mouvements qui nous conduit jusqu'aux entrailles de la terre, au tréfonds de l'expression de la douleur et de l'amour, proche de la nature toujours dans le frissonnement, le bruissement des cordes.
Paix, calme puis tempête et menace de mort, de disparition prochaine: comme un auto portrait, une biographie du compositeur qui met en scène, en sons, en musique, les palpitations, frissons de son corps et son âme meurtris par un destin tragique
Biopic? Sans doute si l'on voulait emprunter ce vocabulaire cinématographique pour le calquer sur l'oeuvre: prémisse de mort, dernier souffle , respirations échevelées, silences prometteurs de rebonds de survie pour mieux émerger d'un chaos qui prend vIte le relais sur les temps d'apaisement, de calme retrouvé. Sursauts salvateurs, mais accent prémonitoire à l'invitation à la mort.
Chant dissimulé, voix étouffées en référence au "Chant de la terre", qui jamais ne seront interprétées, mais sous jacentes dans cette symphonie, condensé de toute une oeuvre!
Du spirituel, au terrestre, tout oscille et vacille pour créer des atmosphères contrastées, modulant intensité et fragilité, silences et envolées puissantes, envahissantes, submergentes.
Une oeuvre qui transporte, méduse et séduit au delà de toute attente, ici, interprétée par un orchestre galvanisé par autant d'intonations complexes à restituer, autant de délicatesse que de dureté:
Une soirée inoubliable où la danse de Malher est bien présente cependant (rondo, valses, suggérés dans les tempis et les rythmes de référence)
Un musicien qui inspira Béjart ("Ce que la mort me dit", "Chant du compagnon errant"),Neumeier (Troisième Symphonie), Jérôme Bel ou Anna Teresa de Keersmaeker pour "Le chant de la terre...Une musique comme le souffle et l'expiration de la vie, de la mort, universelle, éternelle.
POUR LECTURE !!!
Mahler et la danse de mort
Sous l’égide du Festival d’Automne, les chorégraphes Anne Teresa De Keersmaeker et Jérôme Bel mettent en scène et interprètent Abschied ( adieux en allemand) [1]. On a du mal à imaginer ces deux fortes têtes de la scène faire œuvre commune. Elle, toute de rigueur mathématique au service de la sensibilité, pétrie de philosophie orientale ; lui, de son propre aveu, « adepte de la pensée occidentale poststructuraliste ». La rencontre a été provoquée par elle, qui rêve depuis longtemps de danser Der Abschied, dernière partie de Das Lied von der Erde
(le Chant de la terre), d’après la transcription de Gustav Mahler, qu’elle écouta pour la première fois dans la sublime version chantée par Kathleen Ferrier. Cette partition sur le thème de l’acquiescement à la mort est d’autant plus déchirante que la diva, alors âgée de quarante et un ans, était atteinte d’un cancer incurable du sein. Sur scène est requis l’ensemble Ictus, composé de treize instrumentistes, avec la chanteuse Sara Fulgoni pour la version abrégée de l’œuvre due à Arnold Schoenberg. Comment danser la mort ? Keersmaeker se meut au milieu des musiciens et, plus tard, ceux-ci font mine de s’éteindre… Ces tentatives semblent mener à une impasse. Du coup, la danseuse et chorégraphe nous raconte, d’une voix neutre d’intellectuelle sensible et cultivée, comment elle a connu cette musique, les difficultés rencontrées, son travail avec Jérôme Bel. Elle rallume les lumières dans la salle, nous invite à relire la traduction de l’Abschied distribuée à l’entrée. Jerôme Bel lui aussi vient sur scène pour dire que tout ça a été compliqué. On le croit volontiers tant la gravité du sujet et son traitement inachevé, c’est-à-dire ouvert, tranchent avec ce que nous savons de l’art des deux virtuoses si différents, qui ont tout de même pu effectuer un bout du chemin ensemble, même si ce n’est que sous forme d’interrogation.
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