jeudi 27 juillet 2017

Le bel été parisien: Festival Paris l'Eté


Une manifestation qui se transforme, fait sa mue sous l'égide de Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel, codirecteurs: la Seine est devenue spectacle et la scène de bien belles manifestations estivales, en plein air, si possible.Paris reprend ses "quartiers d'été" sous un jour nouveau, ou plûtot un crépuscule du soir prometteur de lumières singulières!
C'est donc dans les Cours, au sein du Lycée Jacques Decour que fut donnée l'occasion de voir Quatre spectacles de "danse"
"Carte blanche à la compagnie Adhok, de Doriane Moretus et Patrick Dordoigne,sous deux volets: Immortels,"Le nid" (partie 1) et  Échappées Belles"Point de fuite" ( partie 2)
Une sorte de fresque, ode tant à la jeunesse, qu à la vieillesse: on fait le pont et on saute les "adultes" pour entrer directement dans un portrait croisé de deux générations bien différenciées par l'âge, l'histoire, l'apparence physique. Quelle verve et quelle audace pour aborder singulièrement cet état de fait, de corps et d'esprit, dans une approche sereine et ludique, grave et sérieuse à la fois.
Ici on ne se moque ni ne caricature ni les uns, ni les autres.



Dans "Le nid", ils n'ont pas froid aux yeux, ces oisillons, neuf danseurs, comédiens tout frais émoulus, pour incarner innocence, virginité, naïveté et inconscience. Du haut d'un dispositif ingénieux, évoquant le nid de cigognes, ils vont une heure durant, déjouer les embûches de ce micro espace confiné qui s'ouvre vers le ciel et dégringole vers le bas pour ceux qui ne savent pas encore voler de leurs propres ailes. C'est gai, c'est vif, ça pirouette et ça rime avec amourette, tendresse et atmosphère débonnaire.
Charmantes bestioles aux couleurs bigarrées, joyeuses, endiablées comme il se doit d'une jeunesse rieuse et volubile, volatile aussi et futile! De surcroît, ce soir là, malgré la pluie, les ébats de nos oiseaux en proie à l'eau sur leur plumage, furent pugnaces et encore plus vivants que d'ordinaire. Le gigantesque nid, pour mieux les héberger ou les chasser du cocooning parental, en guirlande, redoute ou défilé fraternel à la Pina Bausch, au delà de tout obstacle à franchir!


Quant aux anciens, dans "Point de fuite", ils font la belle et la nique à la camarde qui menace en les appelant au mégaphone pour leurs derniers instants. Comme enfuit d'une maison pour les aînés, voici une bande de trublions hors norme qui défit les lois de l'âge pour retrouver, malice, complicité, audace envers tout ce qui ne leur serait plus permis: l'amour, l'érotisme, le jeu, la joie, la bonne chaire et les plaisirs aussi de la nostalgie. Sous la bienveillance d'un arbre lumineux, ils réinventent leur monde, se réfugient dans l'amitié et les échanges complices pour déjouer l'âge, les plis de la peau et tout le reste!Ils sont tendres et émouvants, touchants et plein de grâce, portant leur âge avec courage et hardiesse: leur mentor préparant amoureusement une véritable pâte à spaghettis devant nous, qu'ils dégusteront, jamais déçus, toujours enthousiastes, même si les obstacles parsèment leurs ébats: une danse légère, une chorégraphie chorale sobre, simple, vivante!Jamais au repos, jamais à la retraite!

Autre pièce jouée dans la grande Cour du Lycée Jacques Decour, "Sideways Rain" de la compagnie Alias de Guilherme Botelho


Une performance haletante de quinze danseurs sur le plateau, une heure durant, faite uniquement de traversées fulgurantes des uns après les autres. Imaginez un écran sur lequel passerait des images d'hommes et de femmes qui rampent,courent, se renversent, roulent soit au ralenti, soit à une vitesse folle, le mouvement d'ensemble allant vers un crescendo dramatique saisissant. Vers qui se dirigent-ils, où courent -ils sinon vers leur propre destin, seuls ou en chorus, isolés ou solidaires...Sur une musique de Murcof, cette vision hypnotique égrène ses variantes comme autant de surprises, de coup de théâtre infime (on songe à "Insurrection" de Odile Duboc, chorégraphie de groupe, incessamment mus par les corps, puis déconstruite par accident successif qui sèmeront la zizanie dans l'ordre établi.)
Ici, pas de révolution, mais une fugue, une fuite sempiternelle, une course contre la montre, une échappée qui n'aura de cesse que le tissage en avant scène une sorte de barrière de fils tendus pour encore mieux guider leurs traçabilité, rémanence fulgurante de lumière vivante sculptée par les corps vecteurs et témoins de la danse dans son état de corps le plus fluide, le plus vêtu et dévêtu de couleurs et de sentiments d'abandon à la vie qui passe et repasse à l'envi devant nous!

En "apéritif" d'une soirée, une petite perle nichée au cœur de la chapelle du Lycée Jacques Decour
"Bach Sonia Shantala"


Une performance singulière entre la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton et  la danseuse indienne Shantala Shivalingappa, entourées par le public réuni pour cette cérémonie étrange en début de soirée
Elle, musicienne fait corps avec son instrument à cordes, le place au milieu de l'arène et entame les suites de Bach, l'autre, danseuse de noir vêtue apparaît et joue de sa gestuelle doigtée, rude, tectonique , brusque et ancrée au sol pour la rejoindre peu à peu, l'apprivoiser, se mettre dos à dos pour mieux épouser les mouvements de son corps en proie à l’exécution de la musique, glissée, sensuelle, intuitive. Qui danse, qui joue, on ne sait plus: les regards se croisent ou s'affrontent, directs, sans concession: le duo-duel se prolonge selon les étapes et stations dans l'espace, de la musicienne face à ses pupitres au sol.L'atmosphère est tendue, suspendue: on écoute la danse et regarde la musique.
Les pas se font bruissants, les notes résonnantes et dans ce décor chaleureux, boisé et vitraux filtrant une lumière chaude et rougeoyante,  Bach s'incarne et croise les genres pour mieux faire frissonner et vibrer les corps des interprètes. C'est beau, émouvant et envoûtant comme leur rencontre, leur complicité, leur interrogation, l'une face à l'autre: toute altérité gardée, toute différence respectée dans une grande musicalité.
Un hommage aux muses de la musique et de la danse!

Autre surprise du Festival dans les jardins du Musée Picasso:
"La Cabane aux fenêtres et La Marche " de Mathurin Bolze, de la compagnie MPTA
Une savoureuse soirée de plein air en plein cœur du Marais


C'est à Karim Messaoudi que revient l'honneur d'être l'habitant rebondissant d'une "cabane" sans fenêtre, digne de la plus belle utopie architecturale d'un Prouvé ou autre rêveur d'espace à conquérir!
Ce jeune homme, circassien-danseur surgit de sa porte donnant sur nul part et ailleurs pour démontrer que les perspectives, le plancher ou le plafond absent sont autant de surfaces de réparations, de rebonds, de pirouettes et autres performances discrètement virtuoses. On se croit dans un univers ou règne apesanteur, magie et autres miracles pour projeter le corps selon des énergies, dynamiques et attitudes singulières Tout lui échappe, rien ne lui tient au corps, il s'amuse et défie les lois de l'apesanteur ou de la pesanteur avec nonchalance et décontraction, dans de superbes ralentis, savoureux, délectables, onctueux. Il est la grâce incarnée, la jeunesse débordante de beauté, de finesse et le regard perdu dans les étoiles, c'est à Chaplin qu'il fait songer. La cabane à secret au sol bienveillant qui propulse notre héros sans effort et sans fin, est bien une demeure de rêves, de courants d'air miraculeux qui hantent l'espace, toujours à construire pour un corps, balle de jeu, épris de légèreté et de liberté.Les agrès de ferrailles, échafaudages de fortune, lui proposent un terrain de jeu vaste, fragile, périlleux d'où ils allume autant d'étoiles, de néons, de lampes où de lumière qui traçant la constellation de ses envolées et évolutions spatiales et célestes!


Quant au célèbre "numéro" de Mathurin Bolze, niché au coeur d'une rour ajourée telle celle d'un petit rongeur domestique, mais surdimentionné, c'est toujours une joie d'enfant que l'on ressent en le voyant évoluer en son sein.
Magnifique sculpture trônant sur une estrade, elle s'anime avec les poussées dynamiques du corps du circassien, mu par une marche de plus en plus audacieuse, périlleuse. De beaux éclairages laissent deviner à claire voie, les mouvements de son corps strictement déterminés par la mise "en marche" de son instrument, prolongeant ainsi une motricité inouïe, jamais encore perçue par les yeux ébahis des spectateurs , assis sur la pelouse du jardin, ce soir là.Les mots de Frédéric Gros, la musique égrenée de Satie pour enrober le tout!

Du magique, de la poésie pour ce festival très réussi, fédérant des talents divers pour la joie de spectateurs très nombreux friands de divertissements éclairés pour un Paris estival réjouissant.
L'été en pente douce, en habits de spectacles de lumières!

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