mardi 23 janvier 2018

"Intérieur nuit": déni de pesanteur ! Jean Baptiste André en suspension de peine!


Au plateau, face à deux murs perpendiculaires, un homme découvre son environnement. Avec son corps désarticulé, il dessine un tourbillon de gestes, défie la gravité, se reflète et se dédouble devant l’objectif d’une caméra. 
Mêlant l’art de la contorsion, de la chorégraphie et de l’image vidéo, Intérieur Nuit explore les limites physiques et questionne l’équilibre propre à chacun. Le spectacle évoque aussi la solitude d’un être face à lui-même. Les vidéoprojections bousculent les repères et interrogent la réalité dans un jeu de corps et d’esprit. La musique électronique,ou naturelle, environnement réaliste, tantôt envoûtante, tantôt oppressante, propose au public une immersion dans des matières sonores. Le circassien fait de cette pièce chorégraphique une expérience intérieure, un moment d’intimité et de proximité partagé avec le spectateur. Dans sa première création, Jean-Baptiste André bâtit ce qui est devenu sa marque de fabrique : des passerelles entre les arts du cirque, les arts électroniques et les arts plastiques.

Il est sur le plateau, range et plie consciencieusement, méticuleusement chemises et pantalons, seul, enfermé entre deux grands murs...Trois petits tas sur le bord de scène, et voilà, son capital, sa fortune, son lot d'enveloppes, de tissus qu'il ne va pas tarder à investir. de son imaginaire.Prison, cage ou geôle d'oiseau sans aile qui va se heurter aux parois pour trouver sa liberté...Il se croise les pieds, joue de leurs doigts, orteils hyper mobiles, puis s'attaque à la verticalité: celle des parois qui l'enferment et le cernent:il s'attrape lui-même, se heurte, tente de passer à travers de petites fentes de liberté, interstices possibles où se loger pour fuir...Piège de lumière et d'espoirs vains. A la Erwin Wurm ou Robert Gober, son corps devient parcelle, fragment et flotte dans l'éther. Apparaît, disparaît à l'envie et provoque effet de surprise et perte de repères dans l'espace.Comme Philippe Ramette, Trisha Brown, il escalade à l'horizontale, brouillant les pistes de la perception, provocant un effet burlesque et comique. On chavire avec lui, en empathie avec les risques encourus de chute: le danger plane et rebondit, esquive et rattrape les espaces improbables qu'il se crée.


Erwin Wurm

Robert Gober

Trisha Brown

Daniel Firman

Philippe Ramette

Et de se vêtir de tous ces oripeaux, seconde peau, à fleur de perception, de peau, qu'il enfile pour se protéger, surdimensionner ses membres: il s'y empêtre, épouvantail empaqueté et les suspend au mur, séchant ses habits aux cintres: survivant d'un naufrage, esseulé, il combat, résiste, se soulève et prouve que l'on peut tenir debout, se relever de la chute sempiternelle. Ombres portées pour complice, partenaire ou ennemi.En multicouches protectrices, en mutation pour créer une créature hybride, monstrueuse, fantasmée.Des images vidéo le traquent, il se joue de leur présence, dialogue à tous les niveaux, se filme en proximité et au final nous confie solo, pas de deux ou de quatre, en gros plans cinématographiques. C'est juste et beau, ludique et réjouissant A toutes ces pistes cependant, il ne répond que par fragments, abandonnant le fil conducteur; on s'y perd au demeurant avec plaisir mais avec la frustration de l'inachevé. Jean Baptiste André, souple et acrobate, danseur fait son déni de pesanteur et séduit par sa démarche fidèle, face au vide, à remplir et combler de son propre corps. Délivré de toute contingence, il parvient à trouver une place "libre" dans le quota d'interdits et d'impossibles gestes à créer. La musique de Christophe Séchet évoque des univers maritimes, éthérés, vagues et lointains qui accompagnent les pérégrinations et divagations de notre anti-héros en prise avec une réalité à transcender.Catalogue quasi exhaustif des manipulations faites au corps dansant, il revisite trop rapidement les possibilités offertes à ces investigations. Chaplin trop timide, Charlot encore esquissé, son personnage à de l'étoffe, de la matière à explorer encore plus loin. Panorama ludique, paysage exquis du corps, son travail, sculpture et capture de lumière est bien le contraste entre "intérieur" et "nuit", obscur absurde et clarté apolinienne.

Au TJP  jusqu'au éè jANVIER

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