mercredi 10 janvier 2018

"Soubresaut": et vogue Le Radeau ! Fatras et autres absurdités !


A "Dada" !
On marche sur les eaux, on dérive dans la débâcle joyeuse avec ce théâtre du Radeau qui vogue, accoste et fait du cabotage sans cabotiner.
Un spectacle du Théâtre du Radeau - Mise en scène et scénographie François Tanguy - Avec Didier Bardoux, Frode Bjørnstad, Laurence Chable, Jean-Pierre Dupuy, Muriel Hélary, Ida Hertu, Vincent Joly, Karine Pierre, Jean Rochereau. 

Depuis plus de trente ans, le Théâtre du Radeau, avec son metteur en scène François Tanguy, crée et réinvente un univers théâtral singulier, inimitable. Il s’agit ici d’accepter de quitter les repères habituels - personnages, histoire - pour se laisser embarquer dans un théâtre poétique, sensoriel, ludique et profond. Un jeu de tableaux vivants, où se croisent textes, musique et mouvements, qui nous invitent à nous débarrasser de nos « codes » et vivre l’instant présent. Soubresaut est un des spectacles les plus lumineux du Radeau, où les figures glissent dans la maladresse lorsqu'elles veulent fixer une image d'eux et du monde, allant jusqu'à basculer dans la dérision


" Saut brusque, inopiné d'un animal ou cahot de quelque chose :  Tressaillement brusque et involontaire du corps, sursaut et en chorégraphie, le plus élémentaire des sauts réalisé dans l'élévation donnée par la détente des jarrets!" Un manifeste joyeux de la mise en scène onirique, burlesque ou pince sans rire, un théâtre de l'absurde à la Ionesco, revisité par une cruauté manifeste à la Artaud


Un spectacle, objet rare et précieux, sorte de cabinet de curiosité, animé de très bonnes intentions, et d'attentions envers son public, est bien un assaut délicat, une rafale de salves bienfaitrices, au vu de la caractéristique majeure: étonner, décaler, démonter les rouages du spectacles, en "montrant" ses coulisses, ses affres, ses hésitations, sa fabrication; On est quasi chez les dadaïstes et le cabaret Voltaire de Hugo Ball. Quasi chez Picabia et son "Relâche/ Entracte" qui fit sensation tant le décalage surréaliste opère, bouleverse les codes et abat les "genres" de la représentation-performance!
A "Dada" donc, à hue et à dia sur deux montures fantasques qui ne galoperont jamais, mais tel des "hommes de fer" monteront la garde dans cette cour des miracles!
Ce serait cette "marque de fabrique" là, cette "griffe" du couturier de la scène onirique, celle de François Tanguy et son équipage fidèle du Théâtre du Radeau!
Ici on joue à "saute frontières", à travers les époques, suggérées par des costumes, tantôt d'époque baroque ou contemporaine. Ici, on se débat dans des décors gigantesques, plaques, parois, paravents, dressés comme des barricades, mobiles à l'envi: praticables transformés en toboggan, tectonique de la mise en espace qui se métamorphose sans cesse.Dans ce "grand magasin", au bonheur de quatre hommes et quatre femmes, chacun incarnant un personnage étrange, surgi de nulle part, allant nulle part ou ailleurs. C'est absurde et grand guignolesque, abracadabrantesque et joyeux, sombre et sarcastique aussi
Les ténèbres, lumières noires et opaques, contrastent avec quelques effets de scénographie lumineuse, en perspective.Fatras, désordre et fantaisie poétique au menu de cette vision dantesque du monde: fabrique de théâtre autant que de mouvements désordonnés en apparence, régis par le sentiment de surprise, de tentation, de toujours faire autrement.Du Plonk et Replonk à foison....



Les objets s'animent, reprennent vie, détournée: un cheval à tête de sanglier, un cavalier de fer sur une bourrique majestueuse pour un Don Quichotte improbable. On visite de l'autre côté du miroir, les coulisses d'un musée des Beaux Arts d'où les personnages seraient sortis tout droit des cadres et descendus des cimaises Ou bien des coulisses du Théâtre Français avec ses comédiens, "de rien", ces fantoches qui se jouent des situations les plus étranges."Faire spectacle", "faire événement" et plus encore si l'on en croit ses yeux écarquillés, ébahis qui gobent et avalent les icônes ainsi façonnées par le démiurge des images animées! Ce "Littoral" titre initial de la pièce est bien une série de "soubresauts", de sauts de biche ou de chat, prêts à bondir et rebondir, prêts à ricocher sur les mots, à détaler et se faire ogre et dévoreur d'atmosphères singulières en tout genre."Flamme-femme" qui bondit comme chez Valéry dans "L'Ame et la danse", texte emprunté avec d'autres à un riche répertoire éclectique...





Habiter, occuper l'espace, s'y lover, s'y loger le temps de la représentation, dans le risque et le danger de ses amas de tôles, panneaux, dans ce dispositif où les niveaux et perspectives mettent au cœur des volumes, les acteurs sur la touche, la sellette!


Au TNS Salle Gruber jusqu'au 19 Janvier


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