dimanche 23 septembre 2018

Tabéa Zimmermann: récital, alto : funambule, sur la corde raide !


En s’emparant de la Suite n° 4 BWV 1010 destinée au violoncelle, l’altiste allemande place ce programme sous les auspices d’une polyphonie qui se manifeste dans la virtuosité des doubles cordes et dans une écriture mélodique condensant plusieurs voix.

Bach en ouverture de ce concert exceptionnel, dominical à la Salle de Bourse, histoire d'évoquer allemande, courante, sarabande, bourrée, danses savantes et populaires, jouées avec dextérité et engagement par l'artiste de renommée internationale, Tabéa Zimmermann ! Danses baroques ou populaires, comme un collier de perles enfilées !

Au tour de Bernd Alois Zimmermann avec "Sonate fur Viola sol" de 1955 pour passer entre les doigts et l'archet de cette artiste hors pair, plantureuse femme au bâtit solide et rassurant.De longues phrases glissées, des contrastes saisissants, quelques piqués, lenteur ou vivacité, pertinence d'une douceur très en ressenti, infime délivrance du son: un violon pour une femme, pour un seul corps qui engendre de la musique, faite pour épouser les cordes Ils font "un" en fusion, en osmose.
Corps à cordes, corps-accords, corps raccords fascinants.
Des très beaux gestes l'animent, balancements, oscillations ; elle tangue et cherche les sons si complexes à saisir.

De sa sonate de Ligeti "Sonate" de 1991 elle tire des sonorités incroyables, la matière même de cette musique créée pour l'instrument. Une plainte, lente, sourde, comme une voix, puis un rythme plus alerte façonnent l'introduction du premier mouvement.
La virtuosité de cette exécution prestigieuse, ces sonorités à la frontière du "faux", de l'incorrect son fabriqué, méduse, trouble et sème une confusion sensorielle inédite. Pièce en double cordes, danse modérée, pseudo-tonale, avec des modulations folles, faussées !
L'instrument nu et cru. De l'inconfort pour l'interprète prodige,  qui plonge dans ce bain voluptueux de l'incertain, de l'interdit.Une danse "sauvage", turbulente, une chaconne au sens originel du mot.
 Prouesse qui nous fait réagir, en empathie avec cette prise de risques qui la fait transpirer, attendre, vivre les frontières du possible maîtrisable. Pas "rassurant" du tout, cet opus de Ligeti, grammaire savante de ses expériences sonores, glossaire de ses expériences . Position inconfortable aussi pour l'auditoire, écoutant ce phénomène, "monstre" de savoir faire , performeuse en diable, inhumaine.
Elle révélera tous ses talents lors des deux bis, généreusement offerts au public, l'un ravageur et plein de rage sur son instrument consentant, l'autre très lyrique, baroque, installée dans la quiétude du classicisme!
La musique EST son double, la musique ET son double, théâtre de la création, tout bonnement!*

A la salle de la Bourse ce dimanche 23 Septembre

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