dimanche 22 juillet 2018

38 ème Festival Montpellier Danse 2018 "Parler de l'Etat du Monde"

Jean Paul Montanari n'a de cesse de se questionner, de voir et regarder se tisser un panorama de "L'Etat du Monde" à travers les transversales des états de corps et de pensées des chorégraphes d'aujourd'hui

En voici un petit aperçu glané comme Agnes Varda au fil de quelques spectacles choisis et rencontres fertiles durant un court mais intense séjour à Montpellier.


"aSH, pièce pour  Shantala Shivalingappas" chorégraphié par Aurélien Bory Cie 111

Phoenix
De la rencontre du chorégraphe circassien, metteur en scène et espace avec la danseuse indienne "aux identités plurielles", cette pièce rend hommage à Shiva, dieu( ou ici déesse de la Danse).
Un décor grandiose fait de cendres, de matière consumée, évoquant autant la fertilité que la mort au bûcher de la religion hindouiste.Lieu de crémation, lieu de destruction des phénomènes volcaniques, mémoire et objet de rituel, la cendre va être moteur et matière première pour la danse et la mouvance d'une étoile du Kuchipudi, danse traditionnelle ici refondue dans tous ces aspects contemporains .
Entre Shiva et Dionysos, c'est la danse de Nietsche qui est ici conviée, danse des dieux, danse d'une femme encerclée par un décor omniprésent qui va lui permettre de s'élever, de rencontrer d'autres espaces où faire naître un bougé singulier entre tradition et inventivité.
Traces et signes foulés au sol, empreintes de l'énergie des mouvements qui dessinent au sol un parcours calligraphié, éphémère, sensible.
A son "habitude" Aurélien Bory permet à une interprète de prêter, de céder, d'offrir sa signature, sa gestuelle pour souligner altérité et singulariré
Une atmosphère irréelle, de particules brouillées, éphémères et fugaces pour un "brasier" où la danse telle un phœnix renaît de ses cendres: creuset sensible, fragile, poreux pour une gestuelle raffinée, sereine et inspirée
Au Théâtre Grammont


"Là" de Baro d'Evel chorégraphié et dansé par Camille Decourtye et Blai Mateu Trias

Oiseau de proie
"Pièce en blanc et noir pour deux humains et un cordeau pie" pourrait être le condensé de cet opus saisissant, hybride dialogue entre humains et volatiles, entre croyances maléfiques et rédemption, résurrection du mystère des plus belles légendes.
Dans le white cube, c'est un accouchement d'un passe muraille que naît dans une maïeutique opérationnelle, un personnage  dans une pâle clarté, sonorisée par quelques commentaires off et une magnifique voix sonorisée. Suit un délire corporel orgasmique, animal sur ce chant litanique, tétanique, calligraphie de peintre ou pantin : un personnage est né, c'est Gus, grandiloquent, subtil, comique en diable. L'absurde va gagner le plateau avec l’apparition fugitive d'un volatile encombrant, inquisiteur. Une pie, un corbeau, dressé pour s'envoler à son gré dans cet univers à traverser sans vergogne.En noir et blanc, cette pièce entre équilibre et déséquilibre est une ode à la découverte de l'animalité, de l'altérité dans un humour et une rare tonicité Energie des deux compères sur la scène, sur le praticable, circassiens, comédien, chanteur et conteur à la fois: le duo est osmose, fusion, symbiose et cet étrange ambiance à la Hitchcock, séduit, ravit, emporte et capture le spectateur, comme participant à ce monde merveilleux.Un conte de notre temps où tout est possible, ou entendre parler un oiseau serait possible, ou sentir un duo de corps aussi puissant, une correspondance évidente entre deux esprits, bâtisseurs d'empire.


A la Kafka ou Boris Vian. Une descente de paroi désopilante, où les corps se relaient permet d'évaluer toute la virtuosité et la prise de risque des acteurs surdoués.
La calligraphie de noir, tracée au mur par la pression et l'impact des corps fait office d'oeuvre plastique: comme des pinceau à la Pollock, des empreintes à la Klein, du dripping instantané de corps animés.
Au Théâtre de la Vignette




"Canine Jaunâtre 3 " chorégraphié par Marlène Monteiro Freitas pour la Batsheva Dance Compagny

La dent dure !
Un match de collège, en uniformes noir et blanc, pour un rituel de joueurs sportifs qui chantent, pacifiquement plutôt qu'en rebelles surexcités. Une mêlée derrière un filet pour scénographie et le décor, l'ambiance sont posées.
Un bon et truculent tableau d'échauffement plein d'humour et de distanciation fonctionne comme une machinerie, mécanique policée, robotique avec des propositions d'attitudes multiples, passées à la moulinette du regard de Marlène Montéro Freitas !Comme des pingouins verts et bleus, les figures se meuvent, habitent le plateau, la surface de réparation et l'espace: théâtre de carton, d'images animées: des grimaces grotesques sur les visages des joueurs, une danse tétaniue sur fond de samba: c'est un rituel diabolique et satanique qui se déroule devant nous dans une cour des miracles "moche" où les canines seraient jaunes et sales, les bouches ouvertes, grandes et prononçant le chiffre fétiche "3" !
 Des petits groupes se constituent hors de la meute, rythment la danse, éparpillent les points de vue. Images de cabaret déjanté pour vampires, cris d'oiseaux et de mouettes: un bestiaire fantastique se dessine, de longues chevelures s'ébrouent, des formes hybrides naissent et s'effacent La métamorphose est reine et resplendit dans cette ode démente à la fantaisie Une pause bananes et un épisode voisin d'une évocation du Lac des Cygnes pour une claque aux signes avant coureurs de repérage.C'est tout cela le cadeau Monteiro Freitas aux danseurs très "perméables" de la danse "gaga" de  la Batsheva Dance Compagny de Ohad Naharin! Toute leurs capacité à s'ouvrir et se fondre dans l'écriture et l'esprit d'une autre chorégraphe se révèle ici en majuscule, en majesté.
Et si la canine est jaune ici personne n'a la dent dure pour se brosser des conventions et accéder à la jouissance débordante de la création jouissive d'une pièce oscillant entre match et performance


Au théâtre de l'Agora

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