Alexandre Taraud fait ses "aurores boréales" !
Des étendues enneigées et des sonorités folkloriques évoquant le halling, une danse populaire norvégienne : le Concerto pour piano écrit par un Grieg de 25 ans est nimbé de la lumière du grand Nord. Cette page n’en possède pas moins des accents romantiques schumanniens, installant un lien avec l’ouverture d’Hermann et Dorothea où retentit une reconnaissable Marseillaise ! Elle entretient aussi un dialogue avec une autre partition de jeunesse : l’impétueuse Symphonie n°1 de Sibelius. Si l’œuvre est à la croisée des chemins, possédant des influences venues de Bruckner, Dvořák, Borodine et surtout Tchaïkovski, l’art éminemment singulier et subtil du compositeur finlandais y est déjà perceptible.
Schumann "Ouverture de Hermann et Dorothea"
Aux accents de la Marseillaise, voici une oeuvre puissante en vagues successives, tout en souplesse et nuances.Emphase et puissance de flux pour un thème repris du célèbre chant révolutionnaire, par fragment et mesure, faisant de cette "modeste" mélodie, une symphonie colorée et changeante, comme un leitmotiv en retour, chargé de modifications savantes.Une adaptation" qui s'envole vers la fantaisie rigoureuse, des envolées, transports ascensionnels ou sensible et lente évocation alerte d'une mémoire vivante.
Grieg "Concerto pour piano en la mineur"
Œuvre au succès jamais démenti, le Concerto de Grieg fut composé en 1868 par un jeune homme de 25 ans. Virtuose et lyrique, il est conçu dans un style austrogermanique, mais incorpore aussi des éléments de folklore norvégien. On explore l’identité multiple et les caractéristiques de cette partition fascinante, plus mystérieuse qu’il y paraît.
C'est Alexandre Tharaud qui s'en empare, nerveux, efficace dans la célèbre introduction: l'osmose entre piano et orchestre se construit vaillamment dans des phrasés altiers, nobles et très élégant. Comme le jeu du pianiste, doigts déployés et vrillés, plexus offert en fin de phrase à l'adresse de l'orchestre, retiré des bras et recul pour mieux embrasser la musique.Frémissement des cordes, lente introduction du piano en préambule, caresse et coups de pattes félins sur le clavier, pelote et pulpe des doigts au travail, c'est un régal de voir jouer ce démiurge pianiste...Des paysages aériens se détachent de la partition, étendues, enveloppantes face aux soli virtuoses du piano: la grâce incarnée! Vibrations et scintillement de la composition où l'intrusion des cordes immergées donnent naissance à une rencontre mystérieuse entre tous les pupitres.On reste immergés, submergés dans ce premier mouvement allègre. Puis comme pour un choeur vocal, les étirements des cordes chantent, créent un immense espace sonore, étiré, plan, horizontal.Plus bondissant par la suite par l'amplification des volumes sonores, un effet de puissante, une masse sonore nait, nuancée, modulée faisant place à une chevauchée sonore relayée par chacun des pupitres.Méandres enroulés, serpentant, fluide vers l'estuaire de la composition.Suspens et montée en puissance retiennent leur souffle et le notre, comme une danse indolente pianistique, la présence de Tharaud se fait indispensable autant qu'invisible.Une signature gestuelle toujours comme figure de proue d'une gestuelle singulière, fascinante....Un épilogue fameux pour conclure et refermer cette oeuvre magnifique écriture enivrante.On ne pas pas quitter le maestro du piano comme cela: à deux reprises, il nous rejoint, seul pour exécuter un solo vertigineux, beau joueur, puis la version pianistique de la danse des sauvages des Indes Galantes de Rameau: élégance baroque enjouée, sauvage et épurée: un régal généreux, partagé et une ovation pour l'artiste!
Sibelius "Symphonie n°1 en mi mineur"
Clarinette en solo et grosse caisse pour introduction, pour ouverture à une atmosphère rare et secrète, intime qui ne durera pas!La globalité de l'orchestre enchaine après un silence radieux: vagues et valse hispanisante ponctuées de tourbillons, spirales ascendantes, envolées sonores.La discrétion de la harpe réussissant à enrober les cordes pour un voyage à vive allure, symphonique.Galop, chevauchée directe, droite, cap au port;en précipitations fulgurantes. Initiatrices de surprises et rebonds multiples: évoquant le flux et le reflux marin, ondes qui se répandent soutenues par l'énergie de la direction du chef d'orchestre Aziz Shokhakimov.Rapidité et vitesse hallucinantes comme apogée, au zénith de la composition.Dans cette ère de jeu aérienne, quasi hispanisante, des envolées gaies et joyeuses donnent le ton et l'atmosphère.Un ciel qui se recouvre, menaçant aussi dans un suspens grandissant!Les flûtes traversières comme relais, les cordes en tuilage judicieux, discret pour faire avancer rythme et cadences.Des bribes de harpe dans ce magma intense surgissent, des éclats et jaillissements sonres donnent le ton et l'envergure de l'oeuvre gigantesque fresque sonore.Des bourdonnements sourds de la grosse caisse dessinent un paysage cinématographique sur grand écran à 360° !
Et l'on clôt la soirée en bis, par "La valse lente" de Sibélius, histoire de calmer l'ambiance et de rêver à des transports légers pour se rendre dans la nuit aux lueurs boréales....
Vendredi 3 décembre, à l'issue du concert Lueur boréale Salle de répétition, Palais de la Musique et des Congrès une expérience originale propice à la rêverie a été proposée à l'issue du concert.. Elle a rassemblé autour d'Alexandre Tharaud le directeur musical et artistique de l'Orchestre Aziz Shokhakimov, le violoncelliste Jean-Guihen Queyras, le comédien Gilles Privat ainsi que Salomé Mokdad, harpe solo de l'Orchestre. Plongés dans une quasi obscurité, les spectateurs ont été conviés à un moment méditatif et poétique dans un cadre intimiste.
frantisek zvardon aurores boréales |
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire