UN VIVANT QUI PASSE 02 DEC > 07 JANV
Avec Nicolas Bouchaud et Frédéric Noaille
Nicolas Bouchaud revient au Théâtre de la Bastille avec Un vivant qui passe,
adapté du film du même nom de Claude Lanzmann. Une pièce sur la
banalité du mal, la haine de l'autre, l'acte de montrer et celui de
voir.
Depuis 2010, Nicolas Bouchaud crée régulièrement des spectacles à partir
de textes non théâtraux (une interview de Serge Daney à propos du
cinéma, un livre de John Berger sur un médecin de campagne, une
conférence du poète Paul Celan, un roman de Thomas Bernhard sur notre
rapport à l’art et au deuil).
Il s’empare cette fois d’Un vivant qui passe, documentaire de Claude Lanzmann réalisé à partir de rushes non utilisés dans Shoah.
Dans celui-ci, les déportés et les soldats nazis restent hors-champ et
ce qui est donné à voir est le face-à-face entre le réalisateur et
Maurice Rossel, délégué de la Croix-Rouge internationale pendant la
Seconde Guerre mondiale, qui, en « visite » à Auschwitz et à
Theresienstadt, s’est retrouvé par deux fois au cœur du système
d’extermination nazie et affirme n’en avoir rien vu.
C’est en partant à leur tour des rushes d’Un vivant qui passe
que Nicolas Bouchaud et ses complices habituels, Éric Didry et Véronique
Timsit, se plongent dans cette adaptation. Avec la volonté de réactiver
l’Histoire à travers le témoignage de cet homme, ni bourreau, ni
victime, qui « est d’une certaine façon celui que nous pourrions tous être ou que nous avons peut-être déjà été »
comme le souligne Nicolas Bouchaud. Dans les réponses de Maurice Rossel
se dessinent en effet des zones complexes et troubles, celles où
l’antisémitisme et la haine de l’autre guettent en embuscade, mais aussi
celles des présupposés qui fondent l’acte de voir.
Et la pièce est bien de cet acabit : elle dénonce les mécanismes du déni, de l'histoire qui se tisse et se trame des paroles, faits et gestes de quelques meneurs drastiques ; ils sont deux à investir le plateau sur fond de décor de bibliothèque surannée, décor cousu de toute pièce, leurre et mensonge où vont se nicher les contradictions des deux personnages. Nicolas Bouchaud perspicace auditionné par un meneur d'enquête, Frédéric Noaille, jeune et fringant traqueur et détective pour la circonstance On les suit avec intérêt et ils nous mettent en haleine, le suspens de ce duo-duel aidant à cette démarche de défrichage d'une période sombre, opaque, ici révélée avec parcimonie, tac et respect.Pudeur et opacité.Montrer ce qui s'est passé dans cette antre de la peur où finalement personne ne savait rien de rien et où tout était "vivable". C'est ailleurs que ce tramaient le drame et l'horreur....Sauvez le moment du mensonge ou de la vérité, tel est le propos qui hante cette mise en scène de Eric Didry, sobre et efficace, faite de déplacements permanents, d'une petite danse croustillante de désarroi mais aussi d'espoir que les choses bougent, se déplacent et parcourent le monde pour dire plus et autrement les failles humaines et leur terrains d'investigations: raconter aussi la passation , entre mensonge et propagande, déni et authenticité.Ce vivant qui passe et ne passe plus inaperçu !
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