jeudi 2 décembre 2021

"Forever" Tabéa Martin : panique aux urgences! Du sang, des larmes blanches....Et la camarde

 


La mort fait partie de la vie, nous le savons. Et pourtant la question de l’immortalité occupe les sociétés depuis toujours. Vivre éternellement, qu’est-ce que ça signifie ? Qu’est-ce qui nous pousse à vouloir entrer dans la postérité ?
 


À travers des dialogues, des jeux et des ateliers, ce sont ces questions que la chorégraphe Tabea Martin a voulu aborder avec des enfants : la façon dont ils s’imaginent la mort, la vie qui vient après ; l’éternité et l’invulnérabilité n’est ici freinée par aucun tabou. Avec naturel et spontanéité, ils interrogent notre rapport à la finitude, notre foi dans le progrès ou nos récits collectifs. Par la plasticité de son langage chorégraphique, tantôt avec un humour radical, tantôt avec finesse et légèreté, la chorégraphe suisse porte à la scène leurs visions, pour les jeunes comme pour les plus âgés. Dans FOREVER, cinq danseurs et danseuses se confrontent avec enthousiasme à une question philosophique. Ludique, sensible, parfois un brin déjanté, le travail de Tabea Martin s’inscrit dans des préoccupations à la fois éternelles et actuelles.

Ils nous attendent sur le plateau, nous contemplent: qu'est-ce qu'ils mijotent ces beaux parleurs vêtus de plastique blanc, seyants,très styliste à la Hussein Chalayan ...Musique répétitive de boite à musique pour nous faire patienter.Torses nus, pieds nus dans un univers de boules blanches suspendues, de bidon de sang et de larmes. Suspens...."Nous restons pour toujours" sera leur leitmotiv, celui d'une tribu soudée, comique en diable, malgré le sérieux affiché en prétexte.La métamorphose comme soucis de réincarnation alors que se détache de ses interventions parlées, la très belle danse solo d'un trublion désobéissant qui n'attend que de se faire remarquer.Chacun simule sa mort rêvée sur fond de musique baroque, déclenchée par la queue d'un renard suspendu comme les sonnettes des femmes de chambre d'autrefois.Implorante en sang, c'est Tamara qui démarre la démonstration de poses de la mort idéale, les autres en feront de même, jaloux du succès qu'elle remporte.Ils ingurgitent des flots de sang, s'en gargarisent, crachent ce venin de la mort, se rient de ce liquide indispensable à la vie , ici sous forme de perfusion joyeuse!Techniciens de surface, ils se cessent d'en effacer les traces pour mieux y revenir...De belles reprises gestuelles en canon à partir d'une proposition d'écriture initiale pour rejoindre l'unisson: la construction chorégraphique se dessine dans ce fatras créatif et ludique. Chacun y va de son caractère et ça fuse à l'envi.Grand bazar participatif et festif, marché de l'horreur ou de la vanité face à la camarde, spectre blanc errant dans les pensées de chacun.Comique d'un ballon qui se dégonfle et sonorise les lieux, sonnettes qui déclenchent l'action et les guide dans leurs évolutions rocambolesques. C'est drôle et pathétique, relevé, insurgé, et pas commode à visualiser tant les propositions sont multiples sur le plateau (méthode Pina Bausch). Le "meurtre" semble les hanter et l'on s'attrape, s'étripe, s'attaque à souhait dans un joyeux désordre. Comme des animaux en guerre, en rut; que la mort est belle quand on est affalé dans son fat-boy à plaisanter sur l'au-delà! Plaisir jouissif et contagieux, alors que d'autres agonisent au sol, épileptique, tétanisé, sidéré. En toutes langues étrangère ou inventées, nos héros de pacotille tissent du bon coton blanc, se sculptent des figures mobiles, des poses très plastiques comme des statues de monument aux mort, à la mort joyeuse !"Regarde, Maman, je meurs" semble suggérer l'une des leurs, alors que l'on s'arrose des larmes de crocodile d'un bidon suspendu comme dans une chambre d’hôpital. Très "clinique" ce white cube,cette blancheur omniprésente qui pardonne tous les péchés au confessionnal de ce passage frontière entre paradis et enfer. Une hétérotopie que ce topic fantasmé des lieux de la faucheuse.(L'hétérotopie est un concept forgé par Michel Foucault dans une conférence de 1967 intitulée « Des espaces autres ». Il y définit les hétérotopies comme une localisation physique de l'utopie. Ce sont des espaces concrets qui hébergent l'imaginaire, comme une cabane d'enfant ou un théâtre.) Puis, tels des zombies sortis d'un film gore, les voici qui nous menacent, nous questionnent: mais ils sont trop "gentils" ces Pieds Nikelés de la danse, trop faussement sûrs d'eux pour nous affoler: attendrissants et fragiles sous une carapace démoniaque ou vampirique....On s'arrose de larmes, on s'alarme en morts vivants, tétanisés.Une fontaine à sang pour s'abreuver régulièrement et toujours pour rythmer les saynètes, ces ballons lanceurs d'alerte qui scandent l'action.On se défoule au final dans une danse vrillée, ondulante, fuyante comme une fugue de Bach, celle qui rythme aussi les fantaisies gestuelles du groupe: petite meute affolée des temps présents qui rebondit toujours de malice et de subterfuge pour conjurer la mort.La retarder ou l'ignorer dans un déni dansant très convaincant.Un homme ballon de baudruche pour mieux en rire et s'éclater, surpris encore et émerveillés par toutes ces trouvailles de mise en scène. Un épilogue burlesque pour clore ce pied de nez, cette gifle salutaire à ce qui nous préoccupe: un rituel d'enterrement pour stigmatiser le monde ou se libérer des traditions expiatoires.Transport en commun qui se déverse plus tard en glissades jouissives dans le sang répandu en épandage fertile en petites folies contagieuses. Peut-on rire de la mort, la maquiller de blanc, la fuir ou la chérir: à vous de choisir selon votre proche convenance. A méditer en tout cas comme Jacques Brel "j'veux qu'on rie, j'veux qu'on danse comme des fous quand c'est qu'on m'mettra dans l'trou"!Tirer sur la queue du renard et la bobinette cherra!Et blanc sur rouge, rien ne bouge, rouge sur blanc, tout fout le camp!

Au Maillon jusqu'au 4 Décembre

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