mercredi 15 mars 2023

"Actuelles" : "Une rose au milieu des ruines" : le tour du monde de la voix de Warda...Des "dé-orientés" avec boussole , cap et repères de navigation- cabotage.

 


CINQ SOIRÉES DE LECTURES A ECOUTER, VOIR, SAVOURER

Actuelles est un temps fort proposé par le TAPS autour de l’écriture du théâtre d’aujourd’hui.

Cinq textes de théâtre actuel sont sélectionnées par les artistes associé·s au TAPS, Pauline Leurent et Logan Person, et le comité de lecture du TAPS. Ces textes sont ensuite lus et mis en musique par des artistes de la région (comédien.nes, musicien.nes, directeur.trices de lecture) lors de cinq soirées uniques.
Chaque soir, le public prend place au sein d’une scénographie qui privilégie la proximité avec les artistes, inventée par des étudiant·es de la Haute École des Arts du Rhin (HEAR).
La créatrice culinaire Johanna Kaufmann concocte des mises en bouches inspirées par les textes et dégustées à la fin du spectacle lors d’un échange entre le public, les auteur.trices et l’équipe artistique.

Du 14 au 18 mars 2023, 20h30, au TAPS Laiterie
Tarif unique 8 € – Pass 5 soirées 25 €


Dans ce long poème dramatique, empreint de mélancolie, l'idole transgénérationnelle représente la femme aimée perdue, la mère patrie, celle qui contient dans sa voix, la promesse de jours meilleurs.

Amar, jeune égyptien, réfugié politique, essaie de retrouver l’amour et l’espoir dans les bras de son amante, Elsa, dans une chambre d’hôtel en écoutant de la musique arabe.Nejma, une jeune palestinienne venue en France pour faire des études de médecine, rêve de participer à un télécrochet et chanter les chants patriotiques de son idole.Saci, un chibani algérien, tue le temps et l’amertume depuis la mort de son épouse, en repassant en boucle la chanson de leur amour.Issam, jeune exilé syrien, parcourt la ville à la recherche d’un lecteur CD pour écouter la chanson préférée de sa fiancée, Sana.

Quatre personnages arabes, tous éprouvés par l’exil et la douleur de voir le monde arabe s’effondrer, se raccrochent à un univers culturel intime qu’ils convoquent en écoutant la musique de la diva Warda-al-Jazaïria.

La scène de la salle des TAPS Laiterie est transformée à l'occasion: huit laies de voile ou toile blanche sont suspendus, comme des fantômes ou personnages qui vont parfois masquer, occulter la présence de cinq comédiens-ennes-. Assis où campés sur un amas de ruines, briques ébréchées et confettis de cendre noire, comme autant de vestiges d'un passé-présent-et avenir de ces populations d'exilés, de migrants qui peuplent le monde arabe et les pays environnants du moyen orient. Dé-s-orientés, ces personnes là qui pourtant prônent "l'amour arabe", l'amour de la culture arabe..Peu à peu se profilent des caractères, inquiets, amoureux, généreux, rêveurs. Un père, incarné brillamment par Frédéric Solunto à la voix qui porte et très nuancée, contrastée, chérit sa fille qui ne songe qu'à chanter pour vivre, se libérer, exister à la façon de Warda, la diva emblématique du chant d'espoir, de vie, de chaleur. C'est touchant, émouvant et la musique live de Sarah Jamali, s'ouvre délicatement dans une attente jouissive comme les préambules amoureux, les préliminaires de la musique même de la grande chanteuse. Petit à petit se révèlent toutes les thématiques abordées sans militantisme dans la discrétion, la suggestion de toutes les facettes de la douleur, de la mélancolie sans nostalgie de valeurs perdues. La perte comme un gain, un regain de joie, de réalisme pour bâtir à nouveau sur des bases nouvelles à inventer. Le texte est sobre, la langue efficace et sans fioritures, et avec empathie on croise chacun d'eux avec intérêt, curiosité et découverte de singulières destinées. Aux consoles la musicienne semble orchestrer, unir et fédérer ces hommes et femmes vouées au "déplacement" au "soulèvement" à la Didi Huberman..(qui fut une exposition transdisciplinaire sur le thème des émotions collectives, des événements ...) Les corps se soulèvent et ne se "révoltent" pas sans raison organique et émotionnelle....Comme une danse libre et volontaire, un aveu de chorus unissant les énergies pour construire et s'identifier sans haine ni regrets.

On rejoint les questions politiques par le biais de la poésie et de la gourmandise: à cet effet l'autrice cuisinière Johanna Kaufmann  ne fait qu'une "bouchée" de cet univers craquant plein de fragrances, de saveurs miellées, douces et quelque peu "Madeleine de Proust"; sur sa petite lunch-box confectionnée "maison" est écrit: "mange mon enfant, mange, tant qu'il en est encore temps"! Tout y serait résumé tant ce partage d'émotions collectives lors de cette lecture incarnée, écoutée et déroulée avec passion, nous fait adhérer à un inconscient collectif fort et authentique..."Keine Rose ohne Dornen".....

 

Directrice de lecture : Houaria Kaidari

Musicienne : Sarah Jamali

Scénographie (HEAR) : Alwena Le-Bouill, Gildas Chambard, Noa Jacquin, Hinda Rezgui

Comédien.nes : Kadir Ersoy, Sarah Ouazana, Marie Paillat, Frédéric Solunto, Najim Ziani

 

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