lundi 20 mars 2023

Quatuor Diotima : Ligeti et Janacek en majesté. Accords à corps. Quatre quatuors pour un Quatuor de charme.


 Le quatuor à cordes Diotima a donné un concert lundi 20 mars à 19h en l’Auditorium de la Cité de la Musique et de la Danse de Strasbourg.Concert introduit judicieusement avec quelques pistes de lecture édifiantes par l'un des quatre interprètes.

Au programme : des œuvres de Ligeti et Janáček, oeuvres qui se croisent, se rejoignent malgré l'écart des époques, des origines géographiques des deux compositeurs, pourtant pas si éloignés l'un de l'autre..

Leoš Janáček
 
"Quatuor n°1, La Sonate à Kreutzer" 1917: un petit anti-opéra, concentré de surprises, de bribes de mélodies à peine naissantes, de reprises, toujours avec beaucoup de finesse dans la composition, de grâce, de délicatesse et de fougue dans l'interprétation. Des mélodies interrompues, des contrastes saisissants dans ces quatre mouvements encore inspirés par la littérature et l'ambiance de cette "Sonate à Kreutzer"si singulière. De l'électricité dans l'air tant la fusion des tonalités est éclatante, hérissante et acérée. Avec une "vélocité" surprenante et pleine de dextérité, de maitrise très pointue pour interpréter cet opus rayonnant.

"Quatuor n°2, Lettres intimes": des mélodies très dansantes, légères, vivaces envahissent l'atmosphère, l'univers "épistolaire" de ce morceau de bravoure, des balancements, oscillations vastes, larges et bascules même des corps des musiciens. La musique en est survoltée, saccadée, alerte, comme aiguisée sur les archets tendus. Des sautes d'humeur, de mesures, de tonalités, de hauteur: tout surprend, déroute, déphase et l'écoute de ce quatuor, entre accalmie et voracité, se fait délice et attention très concentrée.Des couches de sons comme autant de strates nuageuses, des danses de salon distinguées qui dérapent...Du Janacek, séduisant, décapant à l'envi, servi par quatre artistes au diapason, en complicité et osmose totale pour restituer l'âme de l'oeuvre en toute sincérité. Un "opéra" latent, autobiographique, enflammé, éruptif en diable.

György Ligeti
 
"Quatuor n°1, Métamorphoses nocturnes": une musique plus "abstraite", emplie de sons pincés, glissés, percutants.Le son tournoie, sourd des instruments, violent, rapide comme une volière loquasse. La tension est tenue, les sonorités s'échappent, filtrées, striées comme un insecte fragile se frottant les élytres. Froissements aigus singuliers, cordes pincése à répétition...Oeuvre de jeunesse, grotesque;, fantastique aux tonalités sacrées.
"Quatuor n°2": comme un feu d'artifice de toutes les possibilités imaginables par le maitre des instruments à corde se délectant de toutes les audaces, péripéties et "gymnastiques acrobatiques" d'un genre nouveau et décapant. La dramaturgie naissant de tous ces aspects versatiles, changeants, désorientent l'écoute. Pas de monotonie, d'assise dans ce monde musical riche et fluctuant que ce soit l'un ou l'autre des compositeurs se côtoyant cette soirée là, le temps d'apprécier leur proximité autant que leurs lointaines affinités pour la danse, le folklore, les contrastes de tons, de volume.
Une soirée exceptionnelle, généreuse, menée de main de maitre par des interprètes virtuoses, captifs et jouissant de talent et de sensibilité rares et poignants.Passeurs de musicalité et d'émotion, le Quatuor Diotima touche, émeut, ravit et se joue des chalenges: porter au zénith la musique, ses auteurs et leurs partitions de corps et de sonorités inouïes.
 
Yun-Peng Zhao, Léo Marillier, Franck Chevalier, Pierre Morlet          

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