Et nous voilà embarqués pour une soirée de rêve, d'utopie, de charme tout court.Mais aussi de méditation et de gravité. Une "introduction douce" avec "Les Berceaux" de Gabriel Fauré revisité en autant de couches, strates comme un palimpseste radieux fait de touches singulières. Les voix sont claires, affirmées, douces, enjôleuses et réconfortantes."Dandini", la berceuse turque de Burak fait suite presque hispanisante teintée d'orientalisme et de plénitude vocale envoutante. Un bel alliage, une alliance de timbres de sopranos très colorés et variés fait de canons, ricochets et échos: c'est le don singulier de Catherine Bolzinger que de fondre, malaxer et adapter des morceaux de choix où se réveille l'inconscient collectif de l’ouïe, du souvenir. Les harmonies frissonnent, s'élèvent vers les cieux alors que le côté terrien est bel et bien inscrit dans le sol! Comme un jeu de Lego, les intrusions, constructions façonnent une architecture sonore bien campée, debout, ferme et solide. "Hiver 2" d'après Vivaldi clôt le chapitre ainsi qu'une "Berceuse yiddish" de toute beauté et sérénité. Les voix y sont tantôt feutrées, tantôt vives et exubérantes, se soulevant comme pour une insurrection sonore et corporelle: poétique et politique.
Un kaléidoscope musical à rebondissements et ambiances très contrastées. Des échappées vocales virtuoses, ponctuées de silences, s'élèvent , s’épanouissent dans une ambiance et atmosphère de recueillement et de franche tonicité. Des forte vibratoires, plein de nuances, des plaintes, des murmures s’égrènent au fur et à mesure. Une virulence parfois, rehaussée de tendresse et de complicité entre les interprètes. Ces dernières jouant, interprétant avec délicatesse, finesse et engagement total cet étrange opus qui ne ressemble à rien d'autre que lui-même Les citations s'y glissent, s'y développent puis se retournent comme des gants pour créer d'autres mélodies aux timbres si précieux, audacieux, fragiles. Les tenues sont impeccables, nuancées, pesées comme de l'or.
Au final utopique c'est "Youkali" d'après Kurt Weill où chacune explose entourant la principale interprète de la mélodie. Un accompagnement original bordant le tout. Beaucoup de musicalité, de balancement dans cette errance nostalgique. Encore une belle adaptation de Catherine Bolzinger!