mardi 17 décembre 2024

"Des berceuses pour nos âmes": debout, les Voix de Strass!

 


"Des berceuses pour nos âmes", onzième mosaïque de Catherine Bolzinger pour Voix de Stras'.
« Se laisser bercer, laisser son âme être emportée par la musique : c’est le pari de Catherine Bolzinger, à travers sa onzième création a capella pour Voix de Stras' - Catherine Bolzinger.
Une mosaïque sonore imprégnée des voix de ses chanteuses ; une composition sur-mesure à fleur de peau, en toute intimité.
"Catherine Bolzinger catharsise les émotions. Ma coquille se perce puis s'en échappe tout un panel de frissons. Je chemine entre empathie, douceur, colère, sérénité ; je me laisse aller, je m'imagine danser avec les notes… le temps d’une ballade.Dans cette entrée au répertoire, la beauté de la résilience trouve son expression grâce à la plume délicate de Catherine Bolzinger. »
©Lily Causse rédactrice, musicienne
“La musique exprime ce qui ne peut être dit et sur quoi il est impossible de rester silencieux.” Victor Hugo
 

Et nous voilà embarqués pour une soirée de rêve, d'utopie, de charme tout court.Mais aussi de méditation et de gravité. Une "introduction douce" avec "Les Berceaux" de Gabriel Fauré revisité en autant de couches, strates comme un palimpseste radieux fait de touches singulières. Les voix sont claires, affirmées, douces, enjôleuses et réconfortantes."Dandini", la berceuse turque de Burak fait suite presque hispanisante teintée d'orientalisme et de plénitude vocale envoutante. Un bel alliage, une alliance de timbres de sopranos très colorés et variés fait de canons, ricochets et échos: c'est le don singulier de Catherine Bolzinger que de fondre, malaxer et adapter des morceaux de choix où se réveille l'inconscient collectif de l’ouïe, du souvenir. Les harmonies frissonnent, s'élèvent vers les cieux alors que le côté terrien est bel et bien inscrit dans le sol! Comme un jeu de Lego, les intrusions, constructions façonnent une architecture sonore bien campée, debout, ferme et solide. "Hiver 2" d'après Vivaldi clôt le chapitre ainsi qu'une "Berceuse yiddish" de toute beauté et sérénité. Les voix y sont tantôt feutrées, tantôt vives et exubérantes, se soulevant comme pour une insurrection sonore et corporelle: poétique et politique.
 Une berceuse tectonique
Seconde partie tant attendue et introduite par la compositrice: "Des berceuses pour nos âmes" d'après Pergolèse, Gouvy, Casals, Bach et des berceuses yiddish, séfarade, palestinienne, sud-américaine et anglaise: une "mosaïque" signée de main de maitre.
 

Un kaléidoscope musical à rebondissements et ambiances très contrastées. Des échappées vocales virtuoses, ponctuées de silences, s'élèvent , s’épanouissent dans une ambiance et atmosphère de recueillement et de franche tonicité. Des forte vibratoires, plein de nuances, des plaintes, des murmures s’égrènent au fur et à mesure. Une virulence parfois, rehaussée de tendresse et de complicité entre les interprètes. Ces dernières jouant, interprétant avec délicatesse, finesse et engagement total cet étrange opus qui ne ressemble à rien d'autre que lui-même Les citations s'y glissent, s'y développent puis se retournent comme des gants pour créer d'autres mélodies aux timbres si précieux, audacieux, fragiles. Les tenues sont impeccables, nuancées, pesées comme de l'or. 


Au final utopique c'est "Youkali" d'après Kurt Weill où chacune explose entourant la principale interprète de la mélodie. Un accompagnement original bordant le tout. Beaucoup de musicalité, de balancement dans cette errance nostalgique. Encore une belle adaptation de Catherine Bolzinger!
"Zingarelle" d'après Verdi met en joie ce choeur de femmes a capella dans l'enceinte magnétique du Temple Neuf qui ce soir là semble dévolu entièrement à la prière musicale. Et pour clore en beauté ce récital-concert atypique "Dans nos rêves" fonctionne comme un petit inventaire malin et humoristique de mélodies et chansons plus populaires dont "une chanson douce"... On se cajole, se réconforte, on se console auprès d'un prince charmant ou d'une maman protectrice.
Pour terminer un "Voi que sapete" de Mozart aux petits oignons: fusion entre la voix mélodique et le choeur, jeu et mimiques, corps investis et dansant pour une version très coquine et enjouée.
“Des berceuses pour nos âmes”, onzième mosaïque de Catherine Bolzinger fut le lieu d'échanges et de jeu de cet ensemble unique, bercé par l'imagination, le savoir être ensemble et la justesse d'un propos qui touche et n'endort jamais sur ses lauriers l'auditeur attentif que nous y devenons.
 
Avec HAELIM LEE, REBECCA JOY, LOHNES VARDUHI TOROYAN, GAYANÉ MOVSISYAN  et MANUELA ROVIRA
 
,le 17 décembre 2024  Temple Neuf de Strasbourg

lundi 16 décembre 2024

Tutu pan pan au carré !

 


Tout ce que nous avons toujours voulu savoir sur le tutu

Par DOMINIQUE FRETARD

Même les experts s'y perdent : on ne sait si le mot tutu est un diminutif de tulle, donc un mot léger, voire allégé, ou s'il est un dérivé du mot cul, genre « tutu-panpan », donc un gros mot déguisé. Le mot étant la chose, jamais un costume de scène n'a exprimé avec autant de précision le regard ambigu d'une société sur un art dont les femmes sont les héroïnes. « Est-ce le plus poétique des costumes, ou l'équivalent d'un "bleu de travail" ? Est-ce un symbole de chasteté ou le plus grivois des dessous ? », s'interroge Martine Kahane, directrice du service culturel de l'Opéra de Paris, en préambule au texte du catalogue de l'exposition, « Le Tutu, petite histoire de Louis XIV à nos jours ». « Il trace autour de la danseuse un cercle magique », ajoute-t-elle. Le tutu comme gri-gri ? Le tutu qui exhibe physiquement la danseuse la protégerait, dans le même temps, psychologiquement : l'idée n'est pas banale. Emblème de la ballerine, il serait aussi son talisman.

Tout est affaire de mots dans cette histoire. Pour preuve, la culotte, cousue sous le tutu, s'appelle la « trousse ». De trousser à détrousser, encore une fois, la légende du ballet s'inscrit entr e la pureté et la figure du vieil abonné de l'Opéra qui guette sa jeune proie. Trousse-chemises. Trousse-tutus.

L'exposition est organisée en deux séquences : la première est consacrée aux reproductions d'oeuvres et aux photographies, la seconde aux tutus dessinés par les maîtres-costumiers que furent Bérard, Clayette, Cassandre. Dans un dessin de Paul Renouard, datant de 1897, une danseuse, en caleçon, a déjà son tutu enroulé autour des chevilles. Dans un autre dessin, elle se sert de son tutu pour essuyer ses larmes. La prostituée et l'enfant. Images de celles qui travaillent dur sous la férule du maître de ballet pour apprendre à plier leur corps. Karine Saporta, chorégraphe française contemporaine, a fort bien exprimé cet état social et artistique de la danseuse dans La Pâleur du ciel, qu'elle créait en 1996.

 

samedi 14 décembre 2024

"La Symphonie tombée du ciel" de Samuel Achache, Florent Hubert, Antonin-Tri Hoang, Eve Risser: le parlement de musique est né !

 


Où sont passés les miracles ? Samuel Achache, Antonin-Tri Hoang, Florent Hubert, Eve Risser et leur orchestre La Sourde sont parti·es à la recherche des miracles d’aujourd’hui. Leur enquête les a conduit·es au plus près de chacun et chacune d’entre nous, dans notre quotidien ordinaire et extraordinaire, pour trouver et mettre en musique ce qui pourrait faire miracle dans nos vies. De cette récolte intime et poétique est née une symphonie dont tous les mouvements sont façonnés par les récits des personnes rencontrées, avec leurs croyances et leurs espoirs. Un souvenir, une odeur, un paysage, un rêve… Dans les mains et les corps des 17 musicien·nes, tout devient son et mélodie. Un spectacle-concert où la musique illumine le théâtre — et réciproquement — dans ce style inclassable propre à Samuel Achache et ses acolytes découverts au TnS la saison dernière
dans Sans tambour
.

Symphonie fantastique, fantaisiste...achevée!

Les idées fusent et se concrétisent durant la fabrication de cet opus unique: longue aventure d'un processus original fondé sur l'échange, l'humain et la collaboration de divers publics impliqués dans une démarche de récollection de souvenirs, d'impressions sur la thématique du Miracle. Miracle à Naples (et non Milan)..Clin d'oeil au film de Vittorio de Sica sur les miracles de Toto dans le bidonville de Milan?Cette "symphonie" polymorphe et plurielle est chatoyante, resplendissante, pleine d'humour, de sonorités des cordes, vents, cuivres et bois: comme un orchestre dévolu à jouer à dix-sept interprètes la musicalité des paroles collectées durant sa genèse.Le résultat se déroule une trop courte heure durant sur le plateau, juste équipé de chaises et d'un porte hautparleurs suspendu dans les cintres.Réjouissante compagnie qui produit sons, résonances et bruissements, alors qu'un conteur-récitant délivre les mots et la syntaxe d'histoires diverses où chacun raconte "son" miracle.Sobre, mouvant, émouvant le spectacle dévide mélodies, sons et ravissement festif de bon aloi et de saison. Le public, varié et constitué de tout jeunes émules de théâtre en fait un temps d'écoute et d'échange tant la simplicité de la forme rend la prestation accessible et ludique. Agora musicale fédérative, ce temps de divertissement plein d'intelligence est à déguster tel quel en pleine jouissance du partage.Ce mélange des sons symphoniques découle autant des voix, instrument corporel basique et organique que des instruments acoustiques. Se fondant dans cet alliage, alliance magnétique pour créer une musique plurielle.Du bel ouvrage collectif en assemblée internationale souveraine et démocratique. Libre à nous de croire alors aux mots de Jean-Luc Godard, cités en exergue du spectacle : "Qu’est-ce que la musique ? rien. Que peut-elle ? tout." »e

Au TNS jusqu'au 20 Décembre

jeudi 12 décembre 2024

"Je crois que dehors c'est le printemps": une femme enquête , une quête vitale pour se reconstruire.

 


LA DOULEUR TOUTE SEULE NE TUE PAS.

Ils ont dessiné une spirale. Ils m’ont dit : « Madame, vous êtes ici au centre. Si vous ne réagissez pas vous finirez au fond. Le final est toujours tragique. Il est temps d’en sortir. » C’est là que j’ai entendu pour la première fois le mot « psychorigide ». Personnalité psychorigide. Je lui ai proposé d’aller ensemble voir un psy. Il m’a répondu : je viens, seulement s’il est allemand. On y est allé. On est resté longtemps en thérapie avec une psychologue de couple. Personne, quand Mathias a disparu avec les petites, personne n’a ressenti le besoin de lui demander son avis, à elle.


Depuis le soir où son mari disparaît avec leur deux petites filles, Irina marche au bord d’un précipice sans fond. Son existence se délite dans les impasses de l’enquête policière et l’insoutenable évidence d’un deuil impossible. Et pourtant elle avance. Elle continue à rire et à aimer avec toute la force de sa douleur et de son acharnement à vivre.Époustouflante, parfois glaçante, Gaia Saitta nous plonge sans masque et sans filtre, dans la spirale intime des pensées d’une survivante. Rassemblant les fragments d’un odieux fait divers, Giorgio Barberio Corsetti met en scène un rituel d’humanité et d’émotion où le public est juge et partie d’une histoire d’amour et d’espoir

Elle est seule en scène mais bordée de la présence constante de six personnes qui vont l'accompagner tout le long de la pièce. Personnes choisies au hasard avec leur consentement parmi le public, chazque soir donc, différentes.Elle, vêtue sobrement d'une robe seyante. Elle nous invite d'emblée à partager un moment très intime, confession de vie, de secrets intimes, de paroles couchées sur un texte feutré très impliquée et plus que concernée par ce récit personnel. Autobiographie quasi tant la comédienne est impliquée physiquement dans ce personnage que l'on adopte de suite. L'empathie est grande avec elle: son destin, son mari qu'elle aime toujours et qui reviendra souvent dans ses pensées comme une ombre, un fantôme . La vie est compliquée, faite d'entrelacs, de voyages, de surprises. Et les deux enfants nées d'une union réciproque seront les victimes d'un enlèvement, d'une disparition dont l'issue ne sera jamais éludée.Mystère et regrets, chagrin mais force et combat pour cette femme vive et déterminée. Le sort en est  jeté, les dés pipés par toute une série d'événements qui bousculent notre comédienne qui va et vient entre incarnation et dédoublement. On y croit ferme et la comédienne avouant au final être personnellement devenue mère depuis peut, sème le trouble. De qui s'agit-il, de l'héroine Irina ou de Gaia Saitta l'interprète. "Il faut que je me quitte" pourrait-on l'entendre dire tant l'investissement est fort de la part de l'actrice qui se fond dans son personnage et le ressuscite à l'envi. Barberio Corsetti également aux commandes de cette mise en scène à quatre mains.: images vidéo, public participant filmé en direct ce qui trahit leurs réactions dans l'instant. Sobriété et efficacité des déplacements, divagations de la femme qui face à nous est sans recul ni distanciation. Une oeuvre scénique très implicante qui invite à la découverte et à l'empathie. Les baleines comme compagnes de vie et de route, cétacés agiles et ondoyants à l'image bleutée au final.

d’après le livre de Concita De Gregorio

Adaptation et traduction Gaia Saitta Mise en scène Gaia Saitta, Giorgio Barberio Corsetti Théâtre National Wallonie-Bruxelles (Belgique) Avec Gaia Saitta 

Au TAPS Scala jusqu'au 12 Décembre

 

mardi 10 décembre 2024

"Différence et répétition": Linéa et L'Imaginaire: une rencontre inédite et audacieuse.

 


Peut être une image de 2 personnes et texte
🕗 20h
📍 Salle Münsterhof, 9 rue des Juifs, Strasbourg
Dans le cadre du Festival Champs Libres (Ensemble Linea & Ensemble L'imaginaire), l’Ensemble L’Imaginaire présente la première partie de la soirée : Concert Différence et répétition
💡 “Le paradoxe de la répétition n’est-il pas qu’on ne puisse parler de répétition que par la différence qu’elle introduit dans l’esprit qui la contemple...”– Deleuze
Avec des œuvres captivantes d’Eric Wubbels et Bernhard Lang, explorez le phénomène de la répétition musicale, entre changement subtil et groove envoûtant. 
 
Programme :
🎷 Eric Wubbles : "This is this is this is", pour saxophone et piano: c'est une pièce répétitive où la pianiste et la saxophoniste excellent dans le jeu obsessionnel, virulent, magnétique. Envoutement ascensionnel garanti!. Le tout nécessitant une écoute drastique de l'autre pour une parfaite harmonie des tempi,une gémellité complice dans l'interprétation, interpénétrations des sons, tonalités, timbres. L'oeuvre de  Wubbles parfois assourdissante, intense comme jeu d'expression des instruments, unique et surprenante.Après une lente accalmie, revient un leitmotiv hypnotique, réitéré pour sa densité expressive. Les sons fracassés par une tectonique musicale, appuyée, très contrastée. Entre douceur et aspect abrupte: le jeu de mains et de doigts de la pianiste comme baguette indicative, très plastique et visuel. L'ambiance, l'univers, l'atmosphère de la pièce fort bien rendue par les deux interprètes complices et sereines.
 
Suit de  Bernhard Lang : "Differenz/Wiederholung 1.2", pour flûte, saxophone et piano
Dans la même perspective de réflexion que l'exposition à Metz-Pompidou dans l'Art, voici  dans une syntaxe et un phrasé augmenté, une pièce rare où à chaque mesure unisson ou diffraction des sons s'assemblent et se rejoignent. Un tableau vivant que ces trois femmes interprètes, virtuoses: musiciennes au travail, proches de nous dans une respiration commune. Fresque vivante, animée par cette musique répétitive de bon aloi. Un trio très accordé, à l'écoute de l'alternance ou les dialogues des trois instruments entre de bonnes mains.
L'Imaginaire :
- Keiko Murakami (flûtes)
- Wychariy Cruz (saxophones)
- Carolina Santiago Martínez (piano)
 
 
:: 2ème partie ::
« Une Histoire de contrebasson »
par Antoine Pecqueur, bassoniste de l’Ensemble Linea
Une petite et grande histoire du contrebasson par un spécialiste plein d'enthousiasme contagieux.
Saviez-vous que Jean-Sébastien Bach avait utilisé le contrebasson dans sa Passion selon Saint Jean ? Saviez-vous qu’au XIXème siècle, le contrebasson était le plus souvent joué par des contrebassistes ? Saviez-vous qu’une jeune compositrice espagnole, Natalia Laguens, utilise le contrebasson comme un personnage de jeu vidéo ?
L’histoire de cet instrument est aussi méconnue que riche en rebondissements ! Pendant une heure, Antoine Pecqueur vous propose un concert commenté, qui met en scène cette fabuleuse aventure. Riche en anecdotes, ce concert commenté donne à entendre des extraits de grandes œuvres du répertoire et des pièces originales écrites pour contrebasson.
 
On démarre avec Huit oeuvres courtes signées Jean-Daniel Braun : Caprices et autres menuets épousent la danse et le gros contrebasson, instrument grandissime aux proportions étonnantes, se fait soliste comme un énorme narghilé-shicha esthétiquement parlant. Donnant du pois et de l'aplomb à la légèreté et l'élévation baroque. Relevés, demi-pointes, révérences, phrasés voluptueux Suit un rondo pour continuer la déclinaison de la musique à danser. Refrain-couplet en leitmotiv dans un son sourd et feutré. Joyeux relevé de rythmes mélodiques. Suit un menuet, élégant, distingué, enluminé en arabesques, tours et sautillés  Un largo et son double en vibrations et tonalités variées, un presto plein d'humour, rapide et labial. Allègre et véloce interprétation du musicien épris et passionné de son instrument rare et unique. Suit un lamento solennel et grave, puis une fantaisie vivace, brève, encore un menuet, plié, relevé, niveaux et regards tournoyants. Cette palette multicolore et bigarrée sied à merveille à Antoine Pecqueur qui par la suite s'empare d'un contrebasson moins "exotique" pour interpréter:
Johann Sebastian Bach : Partita (sarabande et bourrée): la facture moderne de l'instrument étonne et rassure: voici ce bijou à vent magnifié par la syntaxe de Bach, mieux connu!
Erwin Schulhoff : Le Rossignol de basse: cette pièce surréaliste en diable est aussi atypique que gracieuse. Du cabaret Voltaire à l'état pur:du fouetté et malmené pour dépoussiérer les esprits bourgeois. Malin, plaintif à l'excès, solennel et grave, un savant mélange qui ne ménage pas les méninges ni les oreilles.
György Kurtag : Schatten est une ombre musicale savante, saccadée, hachée, bordée de silences opportuns. En vives parcelles fugaces, séquences alternées de sons et de perte sonore.

Et, oh surprise c'est avec la présence exceptionnelle de Natalia Laguens pour son: "J’ai trouvé une chauve-souris dans mes rêves", pour contrebasson et électronique que se termine en beauté ce concert . Un personnage de jeu vidéo comme acteur bordé d'une bande son indiquant les règles du jeu. Du souffle, un jeu sur les clefs et un beau jeu d'acteur incarnent cette oeuvre originale. Halètements, ratures,, angoisse et frayeurs dans cette interprétation hors pair très subtile. On imagine la démarche du héros, ses errances lentes, ses divagations. Ses allées et venues sur l'écran et le réactions physiques du joueur. Les séquences osées, variées, aventurières et buissonnières à souhait. Dans une agitation frénétique, la panique s'empare du musicien-joueur pour ce dernier tour interrompu puis repris. La récréation se termine, les jeux sont faits: reste de l'instrument le son de la langue de belle-mère, sans embouchure. Humour au final et astuce comme dans toute la présentation conférencière d'Antoine Pecqueur, intarissable sur le sujet!
 
 
🎭 Un festival à l’histoire riche : Champs Libres
Le Festival Champs Libres, lancé par l’Ensemble Linea à la fin des années 2000, était un rendez-vous alternatif où la musique, la danse et les débats politiques se mêlaient pour questionner le monde. Interrompu en 2011, il renaît aujourd’hui grâce à une collaboration entre Linea et L’Imaginaire, avec une soirée en deux parties pour poser les bases d’un grand retour prévu en 2025.
Rejoignez-nous pour revivre l’esprit unique de ce festival iconique ! 🎵 Une soirée parfaite pour échapper à la foule des marchés de Noël et découvrir une musique aussi stimulante que surprenante, au cœur de Strasbourg !

lundi 9 décembre 2024

Kristine Groutsch & Marie Chauvière "Dance Flore": architectes jardinières de fond sans fil à plomb!

 


Kristine Groutsch & Marie Chauvière Cie Les Filles d’Aplomb France duo création 2024

Dance Flore


Comme les fonds marins, le sous-sol et la vie souterraine terrestre restent méconnus. Pourtant, c’est sur sa flore et sa faune que toutes les autres formes de vie reposent. La compagnie Les Filles d’Aplomb invite à zoomer progressivement, dévoilant des dimensions occultées. L’univers auditif est l’élément qui nous conduit d’un espace à un autre : un paysage sonore souterrain accompagne le public jusqu’en salle où le son est amplifié. Pas et pattes discrètes rythment une poésie des saisons tandis que des effets de basse sourdent du sol dans une invitation à se lever pour participer. Entre danse des fleurs et piste de danse, la pièce tend des loupes et des microphones au ras des pieds. Kristine Groutsch et Marie Chauvière allient textes, immersions sonores, chants, invitation à donner de la voix et danse collective. Les nouvelles perceptions du monde invisible et foisonnant, ici déployées, permettent d’envisager d’autres « manières d’être vivant », selon la formule du philosophe Baptiste Morizot.

 
Elles ont de l'aplomb ces deux interprètes, filles et femmes d'aplomb!Sans fil à plomb mais en équilibre toujours. Les voilà investissant l'espace d'accueil de Pole Sud: hululement de chouette ou de hibou, tambourin magique résonnant pour nous faire pénétrer dans leur jungle végétalisée. Car les plantes sont au coeur du sujet et de l'espace: des photos géantes en pendrillon annoncent les couleurs et nos deux danseuses habitent leur territoire terrestre à l'envi. La lune-fleur se ballade parmi le public, tambourin magique, percussion légère, tonique.Elles nous conduisent en salle, chacun reçoit deux graines de courge ou de tournesol..A planter plus tard sur un bon terreau.Et tout continue à grand renfort de chant, de textes écrits très poétiques pour la circonstance, pleins de douceur: un inventaire de plantes citadines pour paroles fertiles et fécondes. Un rap du grillon, cet insecte diurne qui crisse dans les champs. C'est touchant et ludique, malin et plein de fantaisie. Pas de mauvaises graines ici mais des herbes folles en photosynthèse qui ne sont pas de la foutaise. On reprend en rythme partagé ce leitmotiv de manifestation syndicale pour ne pas se planter de champs. Fleurs des villes et rats d'opéra des champs, elles sont vers de terre, bestioles non nuisibles et les pupitres de leur herbier de coeur sont frangés de lierre grimpant. Aux murs des tambourins imprimés de photos "maison" de grillon, bousier, champignon, insectes font office de rondo végétaux. Isabelle Thelen , une fille à découdre pour scénographe textile très inventive et complice.Et la valse des fleurs continue sur ce bel herbier, leporello de tissu comme un herbier tissé. Une loupe pour ne pas louper les détails, des lombrics à brac comme habitants de ce terreau, humus fertile et bienveillant. Les corps s'y meuvent à l'aise, les voix sont toniques et incarnent le souffle, le son des corps dansant. Deux belles plantes pour réjouir vos jardins secrets et dévoiler les us et coutumes de la nature, de la terre. Elles ont des racines et des ailes, arbre ou simple être humain les deux pieds sur terre, dans la terre nourricière. Dance flore à fouler sans modération en divaguant sur les pelouses sauvages interdites. Les enfants invités ce matin là à danser n'en n'ont pas perdu une graine. Lisez "Humus" de Gaspard Koenig pour rester sur leurs traces! Et être une fleur "habillée"...


A Pole Sud jusqu'au 10 Décembre

 

samedi 7 décembre 2024

"Casse-Noisette" selon Rubén Julliard. Ballet-féerie pour Clara au pays des merveilles

 


Les Drosselmayer sont un couple d’inventeurs excentriques et loufoques. Le soir de Noël, le bric-à-brac de leur atelier devient un terrain de jeu merveilleux pour leur filleule Clara, qui a bravé le froid de l’hiver pour se rendre en secret chez eux. Ils lui offrent en cadeau un petit Casse-Noisette sous la forme d’une figurine en bois, puis transforment par magie des poupées en véritables danseuses. Bientôt, ce sont tous les objets inanimés qui prennent vie sous les yeux ébahis de la jeune fille ! Après tous ces prodiges, celle-ci s’endort sur le bout du canapé. Lorsque minuit sonne, l’atelier est envahi par le Roi des rats et son armée de rongeurs. Commence alors pour Clara et son Casse-Noisette une longue bataille qui va les conduire jusqu’au pays enneigé de la princesse Pirlipat et au Royaume des cadeaux.

C'est un voyage parfaitement onirique, joyeux, lumineux, chatoyant au pays d'un Casse Noisette étonnant, détonant et plein d'humour et de fantaisie. En alternance dans les r^les principaux, les danseurs de Ballet du Rhin sont galvanisés par une chorégraphie fort originale où se déploie le talent de Ruben Julliard. Une écriture saccadée, automatique pour les séquences dansées du prologue et fête chez les protagonistes, parents de Clara. Les geste robotiques, désagrégés, déstructurés comme des automates des convives de la fête sont proches d'un Mats Ek, les pieds cambrés et à angle droit, les geste tronqués, rompus à une cadence et à un rythme endiablé. Une belle construction architectonique des corps automatisés en harmonie avec le sujet des poupées, objets-cadeaux qui vont du casse-noisette à la poupée alsacienne de circonstance! C'est drôle jusqu'à ce tutu, parure fluorescente de la fée dragée qui survole cette petite société fébrile et joyeuse. Les décors et costumes faisant le reste: un vivier d'inventivité digne de couturier de la danse. Parures, vêtements originaux, costumes à danser de toute beauté.Rien à envier à ceux de Philippe Guillotel pour Jean Christophe Maillot et "sa" version du Casse Noisette...

Julia Weiss longiligne mère de Clara toute en finesse aux côtés de Erwan Jeammot virtuose jubilatoire, père et formant un couple subtil. Un clin d'oeil à Hansi et ses personnages fétiches transposés au pays de ces merveilles festives. L'Orchestre au diapason de cette jouissance visuelle d'un grand intérêt plastique et esthétique.

Après un entracte où l'on digère cet opus où les rats sont masqués et drôlatiques rongeurs sautillants, on passe en revue présents, cadeaux et boite à musique avec ravissement: un robot fantastique et plein de ressource gestuelle inédite se fait vedette de ce show burlesque et endiablé après l'apparition d'une double créature hispanisante regorgeant de fantaisie. Au pays des miracles naturels, tout va de soi et de bon train sans jamais lasser. La musique pleine de cet inconscient collectif, prête à la rêverie, au songe et la valse des fleurs, colorée et aux portés classiques fait du bien. Les pointes nous rappelant que cette technique est pleine et source d'inventivité, de grâce et d'envolées salvatrices vers les contes de fées. Quatuor des quatre héros comme emblème d'une construction savante dans l'avancement de la narration. 
 
 
Tout est calculé dans des espaces à vivre et danser avec enthousiasme et virtuosité. Le manège en déboulé du Casse Noisette, le charme fou de Clara, Marta Dias, espiègle et juvénile font le reste. Tous sont "faits maison" et cousus sur mesure par le chorégraphe attentif aux capacités de chacun: dramatiques ou athlétique en diable. C'est un privilège de Grande Maison et chacun semble l'intégrer, le vivre et le magnifier. Un spectacle pour fêter l'intelligence d'une revisitation d'un bijou du patrimoine de la danse. Une ovation du public au final pour consacrer ce petit chef-d'oeuvre jovial et enchanteur, loin des versions sacralisées par un conservatisme inopérant. Une production digne des ambitions du ballet, réuni autour de Bruno Bouché et de son chorégraphe "maison" qui pour un coup d'essai nous offre un coup de maitre...à danser!

 

photos agathe poupenay
En deux actes. Musique de Piotr Ilitch Tchaïkovski. Création.

L’envoûtante partition de Casse-Noisette recèle quelques-unes des pages les plus emblématiques de Tchaïkovski, notamment l’ondoyante « Valse des fleurs », la mystérieuse « Danse de la fée Dragée » et le très slave « Trepak ». Issu des rangs du Ballet de l’Opéra national du Rhin, le jeune chorégraphe Rubén Julliard utilise le langage classique pour revisiter ce sommet du répertoire post-romantique, et revenir à l’esprit fantastique du conte original d’E. T. A. Hoffmann. La cheffe Sora Elisabeth Lee (promotion 2021 de l’Opéra Studio) dirige l’Orchestre philharmonique de Strasbourg pour des soirées pleines de féerie, idéales pour passer un moment en famille à l’occasion des fêtes de fin d’année.

Chorégraphie Rubén Julliard Musique Piotr Ilitch Tchaïkovski Direction musicale Sora Elisabeth Lee Dramaturgie Rubén Julliard, Éline Malègue Scénographie Marjolaine Mansot Costumes Thibaut Welchlin Lumières Marco Hollinger

A l'Opera du Rhin jusqu'au 8 Décembre

"Je vis dans une maison qui n'existe pas": chez Laurène Marx, c'est la cage à la folle.

 


Je vis dans une maison qui n’existe
pas oscille entre la naïveté du conte pour enfant et la brutalité de la prose directe si caractéristique de l’écriture de Laurène Marx. Depuis les yeux du personnage de Nikki — entrée dans une grande colère et à la recherche de son calme perdu —, on pénètre dans la psyché d’une personne souffrant de troubles de la personnalité. Pour retrouver son chez-elle, aidée de Madame Monstre, des Tout-Petits et de Nuage le nuage, Nikki devra revivre les traumas de l’enfance et survivre à un monde où les personnes neuroatypiques n’ont toujours pas leur place. Cette pièce est leur refuge.


Suite de la première pièce et fin provisoire de cette longue marche au pays de la transformation, de la mutation périlleuse et improbable d'une femme au bord de la crise de nerf: femme en colère qui seule sur scène lance sa plainte et surchauffe l'auditoire en totale empathie avec sa douleur mais surtout sa combativité naturelle et contagieuse. A croupie ou à genoux, elle commence son récit comme une série que l'on souhaiterait intarissable, à suivre avec curiosité et enthousiasme. Parce qu'elle est franche, directe, maline et excellente comédienne, malgré ce qui est annoncé en début de spectacle: c'est une transe et pas une actrice...Cela se révèle inexacte car le talent, la présence, le verbe et la faculté d'improviser sont chose professionnelle: alors cette femme qui se livre et se délivre devant et avec nous, en toute complicité est un moment rare de théâtre et non de démonstration sociétale. Bien sur notre écoute, notre concentration est renforcée par la singularité d'une identité assouvie et revendiquée.Mais le plaisir que procure cette narratrice exceptionnelle est inhérent au jeu et à ses ficelles.Son savoir être ensemble est magnétique et parfois joyeux malgré les faits exposés dans son texte parlé, pensé, vécu à fleur de peau. Dans un corps transformé jamais caricatural et toujours d'un naturel qui touche et fait mouche. Laurène Marx donne envie d'en savoir plus, de la connaitre dans sa simplicité et de la retrouver encore sur scène pour la suite d'un conte qui n'est pas histoire merveilleuse à la fin moralisatrice. Au contraire, on souhaite partager une communauté ouverte et visible pour faire plus ample connaissance. Sans toit ni loi, la voici hors de ses gongs sur la brèche, sur le fil et sur le palier d'une maison fantôme: celle d'un esprit en soulèvement, celle d'une femme qui danse à toutes les fins de ses prestations. Et si sa vraie identité était celle d'un être dansant sa vie, sa voie, son chemin sautant toutes les embûches et obstacles pour mieux bondir dans sa vraie vie.
 
Au TNS jusqu'au 7 Décembre

vendredi 6 décembre 2024

Simon Feltz :"GRAINS" de beauté!

 


GRAINS France 6 interprètes création 2024

Autour de la rencontre amoureuse et de la jouissance, Simon Feltz compose GRAINS. Ce sextet y explore les rapports entre langage et corporalité. Équipés de micros, les gestes (frottements, froissements de vêtements…) comme les bruits (râles, cris, mots doux…) teintent d’une touche d’érotisme une partition poétique. Enregistrés en direct, ils sont amplifiés et diffusés à partir d’un dispositif spatialisé permettant au spectateur une immersion au creux des étreintes qui se forment. Cette création chorégraphique s’intéresse au moment précis de la rencontre charnelle, où le contact physique entre partenaires remplace toute communication par la parole. Dans Écho, le chorégraphe transposait les phénomènes de synchronisation entre gestes et mots en outils de composition du mouvement. Il poursuit cette exploration des rapports entre langue et corps à l’endroit même où cette dernière abdique : face à la force des sensations.

Le baiser de Rodin, les étreintes de Camille Claudel...Comment ne pas échapper à ces quelques belles références au vu de la pièce de Simon Feltz. La langue du chorégraphe est directe et sobre, belle et suggestive. Au départ, un cercle composé de six corps à peine éclairés de lueurs bleues. Le tout déjà orchestré par des murmures qui se précisent et chuchotent des mots chargés de significations érotiques. Les couples se forment, se défont à l'envi. Alors que seuls deux hommes tentent un rapprochement très désiré où le baiser se fait étreinte, les autres les regardent. Observateurs, voyeurs ou simplement faisant sujets de la partie. Des échanges sensuels, langoureux tous dans la lenteur, auréolés de lumières bleutées ou vertes. Comme des psalmodies ou prières communes au départ, les voix se font gémissements, soupirs, halètements de jouissance. Simulations ou moment de vérité: la scène, le spectacle ose en direct des poses suggestives d'accouplement, de rapprochements à la surface des corps qui se dénudent peu à peu.Des sculptures éphémères naissent, arrêt sur image ou lente transformation des unissons de corps réunis. S'exposer, se montrer, se mouvoir dans l'extase et l'orgasme des rythmes, des voix, des chuchotements, des enlacements et caresses. La beauté nait du désir assumé de danser le désir, sa mutation en plaisir.Comme dans une bulle, les sons résonnent calfeutrés dans ce boudoir qui passe du bleu au rouge, auréolant les corps sculptés par la lumière. Dans ce missel pour Terpsichore, la muse de mauvaise réputation se love, fond, se répand jusqu'à disparaitre dans un choeur couché au sol après un éclat de rire compulsif de plaisir partagé. Des soubresauts et vibrations délirantes en phase avec la notion d’excitation collective.Pas d'onanisme ici, mais un rituel participatif émancipé de sensualité évidente. A fleur de peau, de touches impressionnistes de phrasés au ralenti, cherchant les chemins du plaisir.  Le choeur assoupi, satisfait se relâche et les plaintes animales se taisent au profit d'un silence assouvi. Une empathie se meurt et cette touche apollinienne de fruit défendu se déguste sur le bout de la langue. Simon Feltz réussit ici un exercice périlleux à voix haute: celle des corps dansant d'où émane un chant plaintif de toute beauté.



A Pole Sud jusqu'au 6 Décembre

jeudi 5 décembre 2024

"Voyage au pays de l'inséparé" Marguerite Bordat Cie La Belle Meunière: l'enfer du décor, les coulisses des certitudes

 


Comment se défaire de l’idée de séparation ? Le théâtre de La Belle Meunière repose sur la relation qu’il entretient avec la matière. Cailloux, air, fer, sable ou vase agissent et interagissent comme des partenaires de jeu, d’invention et de réflexion. La lecture de L’Inséparé. Essai sur le monde sans Autre (PUF, 2013), du philosophe Dominique Quessada, pousse Marguerite Bordat à esquisser une expérience sensible nouvelle : celle d’explorateur·ices débarrassé·es des codes et contraintes d’un ancien modèle. Iels partent à la découverte d’une autre forme de réalité, sans hiérarchie. Comment le théâtre peut-il rendre compte du bouleversement politique et existentiel d’effacement des limites ? Quel élan commun peut surgir sur les cendres de la séparation et des crispations identitaires qui en sont un visage contemporain ? Dans cette rêverie sonore, plastique et incarnée, nos modes de pensée occidentaux, hérités de la pensée grecque, sont mis à bas au profit d’un nouveau combustible pour l’imaginaire. Tout est sur le même plan, relié et se répondant : les acteur·rices, le public, les choses, le temps, le dehors, le dedans, les mots, la pensée, la poussière dans l’air, le claquement d’une porte, la souplesse du plancher, la mort de la tragédienne, et les fauteuils rouges du théâtre.

Et si tout commençait par une séance de répétition, sur le plateau en présence des comédiens, protagonistes d'une pièce en devenir...On y assiste en direct aux errances, retouches, reformulations d'un canevas qui se tisse doucement. Des gestes de tai-chi-chuan ou de qi gong pour alimenter les notions de lenteur, de repousser le sol, la terre pour mieux habiter et révéler la conscience de l'espace. Le façonner, le caresser, le faire naitre. Et la peau devient échangeur, surface sensible et perméable.La répétition est source de reprise, d'ourlet à faire et défaire.On assiste alors à l'ébauche d'un spectacle en cours d'élaboration et voici l'envers du décor, de ob-scène, derrière la scène ou le rideau.  Pour mieux ébranler les certitudes de celui qui regarde. Les surgissements du vécu pour crédo, la dynamique de la trame pour fer de lance. Ces paroles qui viennent de nulle part, d'une voix off qui dicte ou suggère sont contestées, commentées par les quatre comédiens sur le plateau. Y aura-t-il soulèvement ou abdication? Sur un chemin de lumière , derrière les feux de la rampe tout se joue pour nous dans notre dos.Le bord de scène devient ère de jeu solitaire, voie sans issue. Tout bascule et se renverse dans l'inquiétude et le désarroi. Ou la joie, selon chacun des protagonistes.On est sur le fil sans cesse, à l'affut, aux aguets des leurres et perspectives inversées.  Sur fond de rideau plissé un homme tente l'équilibre, tel le faune de Nijinsky dans ses plis sur un monticule ascendant périlleux.Une porte coulissante où l'on voit ce qu'il se passe derrière: la création des bruitages, l'envers du décor où se glisse la magie ou la réalité triviale du hors-champs!. Un meurtre par exemple devient drôle, désopilant quand on voit sa fabrication de visu.Les saluts sont l'objet de cette volte-face où l'on nous tourne le dos sans vergogne...Une ritournelle dansée mains dans le dos pour alléger des propos savants qui ne convainquent personne. Et au final, la danse des bâtons, magnifique déséquilibre en suspension de barres d'acier qui tintent de plus en plus faiblement pour regagner la stabilité. Images scénographiques de toute beauté, sans âme qui vivent où seules les vibrations, oscillations et ruptures d'angle font sens et perspectives.La danse des bâtons d'Oscar Schlemmer comme pivot ou axe de réflexion, repères et citations.Et le rideau de ne pas tomber pour cette fin magnétique, hypnotique où l'on perd pied avec délice et quiétude très zen.

Scénographe et plasticienne, Marguerite Bordat s’engage très tôt dans une importante collaboration avec Joël Pommerat, avec lequel se forge sa sensibilité́ à la scène et à tous ses composants. Toujours plus attirée par des tentatives de renouvellement de la forme, elle privilégie des collaborations avec des auteur·rices ou des metteur·euses en scène attaché·es à la dimension de recherche, de mise en danger, de réinvention. Elle œuvre longtemps avec Bérangère Vantusso et d’autres (Jean-Pierre Laroche, Lazare…).

 Depuis 2012, Marguerite Bordat partage la direction artistique de la compagnie La Belle Meunière et travaille à inventer des formes théâtrales dans l’esprit d’un atelier. Y dominent l’expérience plastique, la confrontation des présences avec le mouvement des matériaux, et le plaisir d’en découdre avec les lois physiques qui parlent secrètement de notre condition humaine. La compagnie a déjà présenté au TJP Forbidden di sporgersi, La Vase, Securilif, Terairofeu et Bachelard Quartet.

Au TJP jusqu'au 6 Décembre

 

Vernissage de l'exposition et lancement du livre "Panpan sur le tutu" le 13 Décembre 18H à la Trézorerie Strasbourg

 J'en rêvais, je l'ai fait: un livre qui rassemble en images, textes, commentaires et récits, l'histoire de toute une vie de modeste compagnonnage avec la Danse. Ma collection sous forme de livre de poche illustré où figurent tout un panel d'objets, souvenirs glanés au fil de mes périples professionnels de danseuse, journaliste, enseignante. Et le tout commenté par ceux qui ont inspiré, suivi ou encouragé cette démarche singulière au regard de la Danse. J'ai le plaisir de vous inviter à découvrir cet ouvrage édité par Chicmédias.

le Vendredi 13 Décembre à 18H

à la Trézorerie 35 rue du Fossé des Treize Strasbourg

A cette occasion j'expose une partie de ma collection, vous offre une performance et vous invite à une collation "tutu". Et si le cœur vous en dit, venez en "tutu" selon votre imagination!

Je vous y attends. 

Confirmez-moi votre venue: genevieve.charras@laposte.net