"Panurge": Luc Schillinger au festival des caves: un rat pétulant, un mouton flatulent !

"Au sein de l’œuvre rabelaisienne, le géant Pantagruel, c’est le sage, le bon, l’équilibré, le juste, l’instruit. Panurge, c’est l’élément noir, superstitieux, attiré par l’ombre et le démoniaque. Un personnage mélancolique prisonnier de ses angoisses, anxieux, irrésolu, perplexe. Un personnage bouffon, aussi, irresponsable et enfantin.
Panurge, c’est un personnage en rébellion. Pourquoi se délecte-t-il de la provocation ? Pourquoi fait-il tant de place au doute ? D’un point de vue politique et social, il représente une figure de révolutionnaire ; quand il met en doute les savoirs trop certains et les institutions dominantes. D’un point de vue existentiel, la révolution qu’il porte est plus profonde, c’est d’ailleurs ce qui en fait un personnage si moderne. Confronté au problème du sens introuvable, il retourne le monde. Devant l’absurde de sa situation, il se livre à l’action gratuite. Un fou, au sens le plus baroque du terme qui dénonce l’effondrement du sens. Parfois comparé à Hamlet pris dans les marges du Moyen-âge et de la Renaissance, il endosse différentes images du marginal et marque presque la limite de la fiction rabelaisienne. La limite de l’humanisme ?"

Voici pour le prologue, le mot d'intention de cette mise en scène "en cave" des textes de Rabelais par Simon Vincent, joué par Luc Schillinger, ceci dans la synergie du fameux  et désormais célèbre Festival des Caves"!
Une ambiance étrange, dans un lieu au dessous des terres, installé pour l'occasion en lieu de réunion pour friands de spectacles vivants "underground".
Un homme assis, mange un frugal repas....Déjà installé quand le public prend possession du lieu, guidé par un maître de cérémonie: celui qui a délivré le secret "de la salle de représentation" jusqu'alors encore inconnue, avant l'endroit de ralliement. Il parle, la langue française d'abord, pour conter des histoires, séquences découpées de saynètes, solo qui se succèdent, éclairés au fur et à mesure par des torches, halos ou projecteurs de fortune.
Puis la langue change, se transforme en sonorités héritées de toutes sortes de résonances diverses et variées, de contrées indéterminées, mais toujours avec une musique inventée, par les sons, la cadence ou le rythme engendré.
Luc Schillinger s'y révèle excellent conteur et débiteur de mots, joueur haut parleur virulent de borborygmes et autres onomatopées.... Brute, franc et sec, flatulent, grotesque et séduisant, toujours sur la sellette, le personnage de Panurge dialogue avec Pantagruel, se fait bonimenteur et raconte l'épopée des fameux moutons avec passion, malice, complice du public pour mieux ravir.Animal, bestial, basique créature organique, notre Panurge est entier et brut de coffrage.Non sans nuances de jeu, ni modulations diverses, toniques et poudreuses!
Il éructe les mots, déglutit la poussière qu'il respire, qu'il foule des pieds, gratte furieusement la terre du sol et se roule dans ce sable pour s'enduire des immondices d'une poubelle qui ré-collecte les peurs, les reliefs de la vie, les reliquats du passé.Simon Vincent signe ici une mise en espace minimale, au vu de l'espace confiné de la cave, fait du verbe rabelaisien, un objet de regard et de réflexion habile et convaincant . Le jeu de Panurge naïf et féroce à la fois, révolté autant que défaitiste est juste et très "respectueux".

"Panurge" au Festival des Caves le 22 MAI Strasbourg 20H