mercredi 3 avril 2019

"Nueva Refutacion del tiempo": Lovemusic : une navigation au long cours, du souffle argentin, du bec, de la hanche à l'archet!


Flûte - Emiliano Gavito / Clarinette - Adam Starkie / Violoncelle - Lola Malique 

Nouvelle réfutation du temps est le titre d’un essai de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges, écrit en 1946. Il avance l’idée que la continuité du temps est une illusion et que le temps existe sans succession. Chaque moment contient toute l’éternité, ce qui nie la notion de “nouveauté”. Ce programme de musique argentine “nouvelle” questionne notre notion de temps - le temps objectif peut être accéléré ou ralenti selon la construction musicale. En collaboration avec le festival Arsmondo de l’Opéra National du Rhin, lovemusic explore la diversité de la création argentine avec trois générations de compositeurs : Ginastera - figure emblématique de la musique argentine, des compositeurs argentins désormais bien établis internationalement, et enfin des compositeurs de la jeune génération. lovemusic collabore avec Nicolás Medero Larrosa, actuellement étudiant dans la classe de Daniel D’Adamo à la Haute École des Arts du Rhin, sur une nouvelle pièce commandé par le collectif pour ce projet.

Musique de

Alberto Ginastera. "Puenena n° 2 Opus 45"
Musique pour violoncelle, seu: léger, intime, le morceau se distille dans l'espace, l'archet respire, geint, se love ou se tend au gré du jeu de l'interprète, toute féminine, gracieuse, tenue en alerte par le charme opérationnel de l'oeuvre. Les cordes pincées grondent: d'une extrême finesse, la musique résonne, latine et une identité culturelle s'y profile, délicate, suggérée. Des traversées sonores, rythmées, comme de la rage pour créer tonalités et ambiances changeantes comme un inventaire de styles.

La pièce de Ezequiel Netri  "Calamo Curente" succède: un duo complice entre flûte et clarinette (création française), où excellent les talents d'interprètes des deux protagonistes
En rebondissements alertes en touches joyeuses, ils nous entraînent dans une course poursuite vive et haletante. Leurs talents , affichent une virtuosité assumée sans que rien n'y paraisse!

Sandra Elisabeth Gonzales nous offre ensuite son "Brizas de Noviembre" pour flûte alto
Le musicien y explore l'instrument, sinueux, expirant, respirant, vecteur autant de souffle que de percussions. Des sons étranges en émanent, comme des pas et traces d'animaux, le vent s'y glisse, s'y engouffre. Un motif mélodique revient, puis explose, chuinte, chuchote. Volume et amplitude se meurent lentement, en contraste et modulations vertigineuses.

En entremets, quelques bribes de poème, une voix qui nous berce et nous interpelle.

Santiago Diez-Fischer avec "Solo veras ahora" pour flûte et violoncelle offre la vision d'un face à face étonnant.
Des grincements identifiés par des frottement de l'archet sur une boite en plastique, rivée à l'épaule de Lola Malique pour la découverte de la source de ces bruitages inédits devenus musique. On en vient à ne plus pouvoir identifier l'origine sonore des notes et sons: corne de brume, voix de personnages fictifs en résonance. C'est surprenant et séduisant, inédit et drôle.
Comme pour un jeu concours, une compétition, les deux interprètes œuvrent pour créer des effets étranges, bizarres et surenchérissent à l'envi.
 Comme deux gamins qui s'amusent, rivalisent, très organiques dans leurs sonorités burlesques: ça se corse, se débat, se heurte avec des sons domestiques du quotidien désopilants. Leurs regards se croisent, attentifs, complice pour ce jeu de miroir déformant, inédit.

Luis Naón, avec "Ausente  2", pièce pour clarinette contrebasse et sons fixes se borde de sons aquatiques, des bruits d'eau, de siphons pour créer des résonances lointaines et une atmosphère envoûtante, curieuse et inquiétante. L'interprète, concentré sur la matière sonore à restituer pour engendrer une ambiance suspecte et originale.

Daniel d’Adamo, offre ensuite avec "Breath" pour clarinette basse et violoncelle, un bel échantillon de sa créativité. Un duo très virulent, combat, affrontement des deux instruments: un très beau jeu corporel s'empare de la violoncelliste, langoureux, conflictuel et confidentiel. La musique semble lui échapper, elle fuit, se faufile, elle la poursuit, l'imite, la devance, la double. De concert, en concurrence avec son partenaire, à l’affût, très attentif. Sur la sellette, ils nous offrent ainsi un voyage haletant, dans le temps et la matière, dans le souffle et l'apnée.
On y flotte entre deux eaux, baignés d'ondes sonores troublantes.A peine parfois audibles tant la subtilité des volumes engendre une écoute sur le fil de la perception sensitive, sensuelle.
 .
Nicolás Medero Larrosa (commande/création), nous offre son "Lignt Trail" pour flûte basse, clarinette basse et violoncelle:un souffle sur du papier d'argent tendu sur un pupitre et voici douceur et lenteur en prologue, prélude  planant, léger, ténu
Les sons s'étirent et fusent, en vibrations à peine audibles, indicibles filets de sons, de mugissements.Attention extrême, concentration de l'auditoire autant que des magiciens interprètes de ce joyaux rare et discret. Sur le fil tendu du son à réinventer toujours: quelques coups d'éclats virulents et l'oeuvre s'achève sur un souffle agonisant.

Un programme inédit, bâti, construit par ce quatuor, le trio d'interprète et Nicolas Medero Larossa, complice et architecte sonore de ce programme surprenant, inédit, sur les traces de la musique argentine d'aujourd'hui.

A la BNU le 2 Avril dans le cadre du festival  Arsmondo Argentine initié par l'Opéra du Rhin

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