mardi 23 juillet 2019

Festival d'Avignon: la danse dans le "IN": Salia Sanou, Akram Khan, Wayne McGregor When Hui : "multiples!"

Quatre pièces pour traverser des esthétiques et propos "multiples", versatiles, en équilibre "précaires" et audacieux, aux marges ou au sein de l'académisme mutant!


"Ordinary People" de Jana Svobodova et Wen Hui
Sauvés du désastre
Entre Prague et Pékin, plus de frontières, mais des rencontres de sujets, de corps, de préoccupations, d'urgences mais aussi d'humour et de détachement.
Nés sous des régimes idéologiques et politiques "durs" , nos deux compères se rejoignent pour tisser des liens, abattre les frontières, tendre des passerelles là où c'est possible!
Du régime totalitaire communiste, ils croient à la "liberté" des "gens ordinaires" qui ne jouent pas la comédie.L'histoire tchèque et chinoise se partage le contenu des saynètes, souvenirs partagés par les deux communautés de tous âges. Souvenirs mentaux et corporels pour les danseurs du "Living Dance Studio", expérience du mouvement, des marionnettes pour les acteurs...Travailler ensemble pour abattre les frontières et créer un spectacle sur la mémoire, celle qui sourd des pores de la peau parce que emmagasiner par les corps-éponge Résultat: un joyeux tohu-bohu, auberge espagnole ouverte à toutes les expressions dans un décor mobile, transformable, vivant, modulables comme les propos ou gestes de chacun qui ne se censure plu. On ne peut imaginer ce qu'est être baillonner, alors la délivrance ainsi offerte, exposée et montrée est salutaire et doit être accueillie avec bienveillance et jubilation!
A la Salle Benoit XII


"Multiples" de Salia Sanou
Scène tournante
Les retrouvailles, les rencontres plaisent au chorégraphe qui se livre ici à un triptyque, réunissant autour de lui, trois personnalités qui lui sont chères ou devenues complices de parcours artistique
"De beaucoup de vous" de Germaine Acogny et Salia Sanou en est l'ouverture: deux joyeux lurons se retrouvent et échangent leur gestuelle sur une scène tournante qui les fait perdre la tête mais garder les pieds sur terre. La chorégraphe, toujours jeune, au visage lisse et enjouée se rit des postions classiques, de son compère "colonisé" par des gestes d'ailleurs et c'est un régal d'assister en direct à leur complicité. Tout en couleur orangée, comme deux moinillons de temple!
 "De vous à moi" réuni le chorégraphe et l'écrivain Nancy Huston fait figure plus sérieuse, plus froide, le danseur accompagnant les récits évoqués par l'écrivain tout de blanc vêtue Plus figée et distante, elle ne parvient pas à entraîner dans la ronde son compère plus lointain et  pétrifie la représentation de mots, de verbe superflus.
"Et vous serez là" réuni Salia Sanou au pianiste-chanteur Babx et cela refait surface, fait mouche: chanson à texte, complicité , l'un dérobant le territoire de l'autre sur le tabouret du pianiste dérobé par Salia: une séquence charmante où David Babin se révèle bon danseur comique et malin, discret et musical à souhait Salia Sanou se délectant de sa musique pianistique partagée.
Un face à face qui ne tourne le dos ni à la tradition, ni à la création pour avoisiner comique de situation et sensibilité de mémoire commune;
A la Cour minérale de l'Université


"Outwitting the devil" de Akram Khan
Déjouer le diable!
Sans attendre c'est lui qui se profile, monstre rampant, hyper mobile dans la peau d'un danseur plus que félin qui bondit à travers le dispositif scénique: fait de briques noires alignées comme des stèles ou de la tourbe retournée pour mieux sécher. Diabolique vision futile, fugace d'un enfer annoncé par une musique grondante omniprésente, envahissante C'est la tête hors du feu que l'on survit à ce spectacle qui oscille entre danse indienne et reptations contemporaines Un vieil homme incarne la vie qui s'écoule, observant immobile, le dos courbé et épuisé,  les allées et venues des autres danseurs, fébriles, animés par la terreur et la culpabilité. Témoin , agressé lui aussi par tant d'agitations qui ne parviennent pas à "animer" cet immense plateau dévolu à la conquête d'un espace hors norme
Akram Khan se contente ici d'une évocation que les murs de la Cour d'Honneur du Palais des Papes ne daignent pas réverbérer..On se souvient d'autres vrais blasphèmes ici, "Je suis sang" de Jan Fabre et n'est pas iconoclaste qui le veut.
A la Cour d'Honneur



"Autobiography" de Wayne McGregor
Tectonique décor
Quand l'académisme ressort ses corps glorieux, canoniques, athlètes aérobisants, contorsionnistes et performants
Technicien de surface lisse, l'ennui  surgit comme une nouvelle qui court sur le plateau et se répand comme une rumeur....qui tue plus qu'un coup de revolver.
McGregor n'invente plus rien: panne d'imagination, roue libre...23 fragments sont tirés au sort pour surprendre public et les danseurs, comme des parties d'un tout à propos du monde qui nous échappe.
Une structure plastique complexe au dessus du plateau va et vient, tranchant l'espace lumineux irradié de rayons et de brume. Question scientifique au poing sur l'ADN et ses traces dans le corps, on cherche en vain où se niche ce passionnant débat sur les empreintes et leurs traces dans nos chairs pétries de mémoire...La danse est acrobatique, parfaite, exquise représentation de la maitrise et de l'entrainement drastique sans âme.On est bien loin des débuts d'un trublion aux prises avec les nouvelles technologies se débattant dans une baignoire, cuirassé comme un coléoptère!!! C'était le bon temps!
A la cour du Lycée ST Joseph

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