dimanche 27 mai 2018

"Elan Vital":Il- y-a quelqu'un ou Bergson ? L"Inimaginable" concert dominical !

"ELAN VITAL" 

Le troisième concert de la saison de l'Imaginaire a été conçu en étroite collaboration avec Paul Clift. La réflexion sur différentes façons d'observer un objet l'incite à assembler ces œuvres pour accompagner sa nouvelle pièce "Élan Vital" pour le quatuor de l'Imaginaire : flûte, clarinette, saxophone, et piano. 


En "prologue", un opus de Paul Clift “Feuille volante” pour flûte alto seule
Keiko Murakami, de noir et blanc vêtue s'avance, recueillie.Elle entame un long phrasé, en écho, entrecoupé de silences.Gracieuse, le geste retenu, flûte rivée au corps comme un prolongement de l'émission de son souffle.Des mugissements langoureux, indicibles, ponctués de respirations. Keiko fait des vagues de son corps, marche, se balance,oscille, respire et émet de longues sonorités aiguës, suspendues. Se plie et ne rompt pas, enchante et magnifie la partition, discrète, secrète.



photo la fleur du dimanche


La pièce suivante, de Salvatore Sciarrino “D’un faune” pour flûte et piano enchaîne ce moment de grâce.
Des râles, des grognements de cochon sauvage s'emparent de la flûtiste, animal frustre, bien à l'opposé de la pièce précédente! En réponse, le piano se glisse discret dans cet univers abrupte de barissements, la flute comme un faune sylvestre en chasse, en rut Puis se métamorphose, légère, aérienne en contraste, comme deux personnages se dédoublant.alors que l'aspect chasseur reprend le dessus, renifle, guette, rôde, scrute l'entourage.
Ignorant, ces bassesses, la même flûte, s'élève dans l'éther alors que survient le piano dans ce paysage de clairière.Des timbres aigus se démultiplient comme des ondes aquatiques.Alors que le vent de la flûte traverse et fend l'espace sonore.Comme une submersion, de la tendresse ouatée, veloutée et sensuelle sourd de la partition. Faune à la Picasso ou à la Nijinsky, de très beaux gestes des instrumentistes font voyager dans notre imaginaire à chacun de nous Ascension des tonalités, renforcement des identités de chacun des filtres instrumentaux, altérité des caractères fusionnent dans la douceur. Un magnétique duo, très "animal".

photo: la fleur du dimanche

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Philippe Leroux “SPP” pour saxophone et piano pour continuer la navigation, comme une avancée, marche du saxo sur tapis de piano vibrant.Rondeur et chaleur de la matière sonore pour un climat de mugissement de sirènes, pas de loup du piano, touche par touche, martèlement du rythme à l'appui. Des cascades de sonorités, s'écoulent en rigole sur le sol, de marche en marche, la pièce avance, funambule en déséquilibre.Dans une urgence, pressée, course folle l'un  vis à vis de l'autre Qui l'emporte en fin de course après s'être rattrapés en jouant le ludique et l'insouciance.Accéléré de rythmes, rapidité, dextérité des interprètes affolante pour créer un beau volume sonore et de l'amplitude.Dans les graves, on se fâche, on s'énerve on se surpasse, on se double....Un joyeux carnaval , charivari, gai, enjoué, performant se dessine, s'installe Un beau ralenti en redescente de tension dans le réel après un long voyage endiablé.L'impatience se calme en retour en quelques petites touches pianistques égrenées.
Un re-démarrage en trombe pour semer la zizanie , encore une course de vitesse entre les deux protagonistes et l'on voit défiler des images à toute vitesse.Grondement du piano qui inonde et recouvre les sonorités font de cette oeuvre très resserrée, tonique, effervescente, hallucinant voyage en décélération ou accélérations.Au final, l'épuisement, la perte et la dépense font se taire chacun.


photo: la fleur du dimanche
Daniele Bravile Bravi “Aris” pour clarinette basse prend le relais, le flambeau: un coup de cœur pour Adam Starkie qui nous livre son petit secret d'interprétation."Aris" ne signifie rien, alors tout est permis! Sinon regarder un objet dans un musée, de près, de loin!
Ambiance contemplative, religieuse, recueillie, méditative..Quelques beaux déhanchés du corps du soliste,avec accents et appuis dans la lenteur puis du vif, des pirouettes, des éclats, du jaillissement pour fuir la torpeur.Le regard ou l'objet s'animent se poursuivent en rond de bosse Quelques belles envolées, échappées pour créer un suspens intrigant, une attente; l'ouverture des sonorités qui fusent dans la respiration soutenue, le souffle de Adam qui frôle l'espace, subjuguent. Des cris aigus, affolés, effrayés, effrayant évoquent Belfégor, la nuit, au musée ! Le danger menace, une lutte, un combat s'installent lors de cette observation partiale des faits: quiétude, inquiétude sont de la partie.Attraper le son au vol, saisir les notes puis regarder le résultat, libre, ou possédé ...Retour au calme, fin du rêve. Une pièce pour interprète virtuose et performant, animé d'empathie avec l'écriture du compositeur !

Et pour terminer cette matinée musicale, messe pour le temps présent dominical, brunch copieux pour oreilles sensibles et affamées de sons inédits, voici de Paul Clift,  “Elan Vital” - création (commande de l'Imaginaire), qu'il nous commente en live: Bergson et ses découvertes sur l'espèce et son évolution, le questionne dans ce long processus de mutation aléatoire sur la "génération". Et qu'en est-il de l'"évolution" de la création musicale?
Réponse avec "Elan vital", quatuor détonant qui débute en longue tenue entrecoupée des interventions de chacun comme une cacophonie bienvenue, un chaos organisé, en couches napées de nuages et brumes persistants. Des grincements, inconfort pour l'oreille pour l'écoute, désagrément, dérangement à rebrousse poil, dissonances et amoncellement de timbres: de quoi surprendre et étonner, décaler et intriguer !
Ni flatteurs, ni séduisants, les sons décapent au vitriol: longue tenue des vents, sur le fil, espace qui s'étire, chancelant, qui s'allonge, comme se frayant un chemin, un parcours qui file, droit au but.Calme après ce cataclysme sonore de cet univers "timbré", fou :des fréquences inaudibles, salutaires, inouïes! 
Silence, piano solo aux ondes tranquilles, puis les trois autres le rattrapent dans sa course folle, le piano s'affole dans une vélocité incroyable; l'amplification sonore ascendante croit, au zénith, déployée en sons grandissants dans un espace infini. Ouvert, sidéral digne d'un récit de science fiction, sur une planète inconnue, dans le cosmos en folie.Tectonique des plaques pour accueillir ce vaisseau spatial incongru, qui traverse le temps.

Et comme d'habitude, le concert est suivi d'un moment convivial autour d'un apéro!


Au Faubourg 12 le 27 Mai

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