Une drôle de pastorale dans un monde où les hommes auraient disparu. La scène est blanche, comme un carnet à dessin qui attend d’être rempli.
"C’est une communauté de cinq épouvantails qui vont s’en charger : solidaires poètes et musiciens, entre fourches et bottes de paille, ils façonnent et revivifient un monde disparu avec des sons et des slogans, des souvenirs et des archives sonores, des objets, des rêves et leur projet secret... À l’écoute des pulsations du monde, attentifs à ce qui les entoure, ces clowns aussi contemplatifs que militants aspirent à une autre réalité, qu’ils vont construire peu à peu. Tandis qu’ils enregistrent méticuleusement les cris d’animaux et s’émerveillent devant la beauté de la nature, ils font état, avec un humour laconique et désarmant, de la menace agro-industrielle et du turbo-capitalisme. Au croisement du théâtre et des arts plastiques, Philippe Quesne et son équipe européenne font rêver d’un monde où l’homme se résoudrait à prêter l’oreille pour entendre enfin la voix de la planète."
C'est comme dans un poulailler, une grange, un hangar de ferme: le décor est campé sur fond blanc immaculé cependant:des bottes de paille éparpillées ou suspendues, un univers qui va bientôt se peupler de poètes-paysans aux allures d' épouvantails à moineaux! Curieuses créatures hybrides, visages masqués aux expressions rurales, brutes et frustres...Du beau monde cependant qui va sévir pour accueillir le chant des oiseaux, l'abeille butineuse et tout autre animal familier de la "terre-ferme", ferme fabuleuse qui se révèle héroïne d'une fable écologiste en puissance. Les propos sont en toutes langues et le suisse-allemand aux accents musicaux si pondérés, est ravissant à l'oreille.Histoire de basse-cour où l'on pond des oeufs d'or, où le cochon est socle d'un piano, où les notes de musique parsèment l'espace sonore d'un bon grain à moudre! Cinq escogriffes affublés de loques joyeuses, de sabots Océdar, de paille et de haillons, face au monde agricole mécanisé et inhumain. Cinq marionnettes bien articulées et sans manipulateur apparent,capables de tout pour défendre une bonne cause avec un brin de naïveté, de gentillesse, de dévotion. Et pourtant le verbe sonne fort et impacte le récit burlesque de ces êtres "bee or not to bee" qui interview la reine des abeilles, esseulée par le génocide de ses consœurs par la faute des pesticides du voisinage... C'est drôle et fin, bien rythmé, aux accents étranges, aux voix transformées comme au bébête- show dans un guignol contemporain amusé, amusant. Ferme du bonheur à deux étages, au confort alléchant pour animaux privilégiés...Tout est respect et reconnaissance, considération pour le monde animal dont ils se font les porte-parole, les ambassadeurs bienveillants...Épouvantails au grand cœur généreux, militants sans escorte de compromission: intègres et riches d'humour aussi par leur modeste naïveté. Complices et confères de lutte, en musique, toujours pour adoucir les mœurs de voisinage hostile et malveillant. C'est du baume au cœur, parfois un peu "lent" à s'installer: mais c'est affaire de temps à prendre pour mieux se comprendre, se distancer du brut de coffrage immédiat de la vie rurale. Celle ci est luxueuse et réfléchie, et la " farm fatale" est redoutable, bastion et repère d’ostrogots virulents et combattifs.Satire et pamphlet du monde contemporain en période électorale, ils seraient ces idoles dérisoires, des pantins croquignolesques de nos édiles en campagne ! Philippe Quesne à la barre pour naviguer sur ce petit bout de "terra incognita", l'indomptable parcelle du champ que l'on ne parvient pas à domestiquer ni cultiver: indiscipliné en verve et à bon escient !
Au Maillon le 20 Juin
ditribution
- Créé et interprété par : Raphael Clamer, Léo Gobin, Nuno Lucas (rôle créé par Damian Regbetz), Julia Riedler, Gaëtan Vourc'h
- Conception, scénographie, mise en scène : Philippe Quesne
- Collaboration scénographique : Nicole Marianna Wytyczak
- Collaboration costumes : Nora Stocker
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