mercredi 16 mars 2022

"L'amour sorcier" et "Journal d'un disparu": Tsiganes de bonnes aventures!

 


Lorsque minuit sonne, les gitanes se réunissent autour du feu pour lire le destin de leurs amours dans les arcanes du tarot. Parmi elles, la ténébreuse Candelas est rongée par la jalousie et le chagrin. Pour reconquérir son amant perdu, elle a recours aux sortilèges ancestraux de son peuple et aux incantations de la magie noire. De l’autre côté du monde, bien au-delà des Pyrénées et des Alpes, un paysan morave encore innocent tente en vain de résister au charme magnétique d’une jeune tsigane. Le souvenir de leur première étreinte devient une obsession. Ses journées aux champs ne sont plus qu’une longue attente qui s’achève à la nuit tombée dans les bras de celle qu’il aime mais dont tout le village se méfie.
Écrits à la fin de la Première Guerre mondiale de part et d’autre de l’Europe, les chants envoûtants de L’Amour sorcier (1915) et du Journal d’un disparu (1921) témoignent des fantasmes qui entourent dans les arts la figure de la gitane, amoureuse libre et passionnée, forcément mystérieuse et un peu magicienne. Le metteur en scène américain Daniel Fish les réunit dans un seul et même spectacle, avec la complicité du chorégraphe Manuel Liñán et d’Arthur Lavandier qui offre une nouvelle orchestration au cycle de Janáček. La cantoara Esperanza Fernandez est l'une des voix les plus connues du Flamenco et a notamment enregistré le chef-d’œuvre de Manuel de Falla L’Amour Sorcier sous la direction musicale d’Enrique Mazzola avec l'Orchestre national d'Île-de-France.

Leoš Janáček / Manuel de Falla Nouvelle production de l’OnR. Dans le cadre du festival Arsmondo Tsigane.


Zápisník zmizelého
Cycle de 22 mélodies sur des poèmes anonymes (attribués à Josef Kalda).
Créé au Palais Reduta de Brno le 18 avril 1921.
Nouvelle orchestration d’Arthur Lavandier.

Un décor de couleurs jaune, orange scindé en deux parois murales, un demi cercle de dix interprètes assis nous accueillent sur le plateau de l'Opéra. Tout se met à frémir dès les évolutions chorégraphiques de sept danseurs sur fond de plumes de coq projetées en vidéo: les mouvements des images se conjuguent à ceux des hommes de noir vêtus: danse tranchée, sèche, tours virtuoses, mains en crête de coq au dessus des têtes. Simulacre de flamenco revisité, profil et sauts à l'envi, unisson et solo en figure de proue. Danse vive et précise, coupée au cordeau. Les hommes aux costumes digne d'une griffe Thierry Mugler sont panaches, volants, corsets ou franges venant prolonger le mouvement en résonance dans l'espace. Virevoltes et spirales bienvenues pour brosser une atmosphère féroce et sensuelle digne d'une pavane baroque, d'un french cancan espagnol.Tutu blanc demi ceinturé, tout est signé Dorey Lüthi, as du panache sobre et moulant. Corset à demi ouvert, dévoilant bras et épaules dénudés comme pour les robes de Pina Bausch!Les torses se bombent, les piétinement s'accélèrent sur la musique: petits pas et attitudes altières, postures de référence déstabilisée, déstructurée.Alors que le choeur se fait discret écho du chant magnétique de Josy Santos...

On change à vue pour la seconde pièce de ce programme inédit et c'est El amor brujo
Gitanerie musicale en 16 tableaux pour orchestre de chambre et cantaora (première version).
Créée au Teatro Lara de Madrid le 15 avril 1915.

Amour sorcier bien connu, ici interprété par Espéranza Fernandez, au pied levé.

On reprend le demi cercle, demie arène des conflits et de la danse. Les "assis" sont autant de petites chorégraphies palpitantes, vivantes animant les corps de ceux "qui ne dansent pas"!Mêmes costumes mais assumés plus en panache, plumage, apparat et frou-frou...Tentation et sorcellerie des gestes encore plus tranchants dans des unissons de masse progressant en marche menaçante.Les châles s'animent, volent et s'enroulent à foison, les robes deviennent masques ou chapeaux fantastiques: un solo très voluptueux et rageur pour un gallinacé emprunt d'une gestuelle animale inquiétante...Tours et alignement dispensant une danse signée Manuel Linan, iconoclaste chorégraphe de l’institution flamenca Les corps au sol laissent musique et chant âpre se tailler la part belle. Le coq tué pour ne plus chanter les louanges de l'amour Les frappes des pieds des danseurs envahissent l'espace sonore en grappe vibrante et en proie à des crises de nerfs agacées. Le jour se lève sur ce poulailler en panique pas toujours pertinent avec l'oeuvre de Falla: voltige de cuir noir pour coq à pattes noires, on ne sait plus vraiment qui prend le pas de cet amphithéâtre pourtant chaleureux et bigarré....

A l'Opéra du Rhin jusqu'au 24 MARS


 


En espagnol, tchèque
Surtitré en français, allemand

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