lundi 27 février 2023

"Les vivants et les morts": un drame musical engagé: un "oratorio" de notre temps.

 


« Je ne chante pas, je ne sais que crier ! »

L’usine ferme, unique source d’emplois de cette région de l’Est. Rudi et Dallas affrontent les voyous en costume-cravate, les cyniques et autres casseurs d’humanité. Mais ici, au cœur de la fracture, on danse, on chante et on revit. François Morel écrit les paroles des chansons, musiques signées Hugues Tabar-Nouval, dans une fresque épique, politico-joyeuse portée par Gérard Mordillat, auteur du roman en 2005, Les Vivants et les Morts, réalisateur de la série du même nom diffusée sur Arte et France 2 en 2010. Huit comédiens/chanteurs dont deux musiciens en live et une chorale incarnent les révoltes des indignés dans un conflit social explosif et musical, à la fois jazz et pop, traversé par des élans de vitalité et une fabuleuse histoire d’amour.

 Il faut les voir, les entendre, les regarder jouer ce "drame" d'aujourd'hui, cru et nu dans une grande sobriété, dépouillés de tout ornement de mise en scène Des acteurs, musiciens chanteurs et comédiens, engagés corps et âme dans ce contexte "ouvrier" si précaire . C'est une romance d'aujourd'hui où Dallas et Rudi sont confrontés à la délocalisation de leur usine Kos à Raussel, condamnée à mort par la fermeture. Une histoire qui bat son plein deux heures durant sans lassitude, avec rebonds et "coups de théâtre". Les comédiens bordés par un choeur qui orne et enrobe le tout à la façon d'un groupe de manifestants opiniâtres.Au début tout semble idylle et amour pour ce couple banal d'ouvriers de province mais tout bascule et les corps qui s'aimaient vont se haïr, se bousculer, se confronter à l'autre.Dans un contexte simulé par une mise en espace judicieuse, des mouvements adéquats. Quand les secrétaires ou les syndicalistes se précipitent à petits pas cadencés, dossiers sous le bras, on assiste à une mascarade bien ficelée, un portrait de traitres ou de vendus au grand capital, fort bien décrit. Tout va bon train dans ces alternances de séquences où chaque verset, chaque couplet, entraine un refrain catastrophiste vers la fin prochaine des emplois. Le chef de service emblématique pantin manipulé par le patronat est fort bien campé par un interprète de talent. Le chant d'agonie quand il s'aperçoit être lui aussi trahi par ses supérieurs est poignant et musicalement très réussi: du quasi William Sheller...Quand aux actrices et musiciennes, saluons leur audace, leur fougue et passion de jeu, leur musicalité pour servir cet "oratorio" singulier, pièce rare et unique du genre. Pas de falbalas, de strass et paillettes pour cet opus sombre et épuré: que du théâtre sans accessoire, balayant le happy end, et autre épilogue fameux ou enthousiaste. Le combat continue, malgré les morts, dans du vivant, du brut de coffrage et de l'humain. Que les nains jaunes s'éclipsent, que le grand capital soir balayé au profit de l'amour et de la solidarité. A bon entendeur, salut !

 


Texte et mise en scène : Gérard Mordillat, Adaptation : Hugues Tabar-Nouval, Gérard Mordillat, Paroles : François Morel, Musique : Hugues Tabar-Nouval, Avec : Esther Bastendorff, Odile Conseil, Camille Demoures, Lucile Mennelet, Hugues Tabar-Nouval, Patrice Valota, Günther Vanseveren, Benjamin Wangermée, Chœurs : KB Harmony


 

 Au Théâtre du Rond Point jusqu'au 26 Février

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