mardi 10 décembre 2013

Rudolphe Burger signe la musique d'un film "muet" de référence!


Il y a cent ans, le long métrage et le western existaient à peine. Le photographe et anthropologue Edward S. Curtis, célèbre pour son immense entreprise de catalogage des dernières tribus (amér)indiennes, décide, pour se renflouer, de tourner une fiction ethnographique, qui sera la première du genre et ouvrira la voie aux suivantes (Nanouk l’Esquimau ou Tabou). C'est "In the land of the head hunters"!
Curtis initie le style et l’esprit qui réussiront si bien à Flaherty, en reconstituant un habitat, un mode de vie et des rituels déjà obsolètes à son époque. Il fait table rase de toute acculturation pour décrire un monde d’avant l’invasion européenne. Le film est muet, la copie actuelle est teintée comme cela se faisait aux origines du cinéma. Les manques de parties filmées sont remplacés par des images fixes. L’innovation de cette version restaurée est l’ajout d’une bande musicale de Rodolphe Burger. C’est un peu là où le bât blesse. On y reviendra.
L’intrigue est d’inspiration feuilletonesque : une histoire d’enlèvement de jeune fille sur fond de luttes tribales. Le guerrier Motana, fils de chef indien, est fiancé à la belle Naida mais un sorcier rival la convoite également. S’ensuivent divers raids meurtriers, soldés par des décapitations rituelles (cf. titre). Un western sans Blancs.
Curtis a choisi de tourner chez les Indiens Kwakiutl de l’île de Vancouver, connus pour la splendeur de leur art (totems, maisons, bateaux) et de leur apparat. S’attachant à reconstituer telle quelle une réalité primitive qui n’a pas encore disparu en 1913, il demande aux Indiens de rejouer la vie de leurs grands-parents.
Un regard ethnographique assez fidèle sur une culture immémoriale. Une civilisation de la danse et de la magie – donc plus proche de l’Afrique que de l’Europe –, où la bravoure consiste à s’approprier l’âme de l’ennemi. Système tribal où l’animalité est synonyme de puissance.
La mise en scène est minimale et fruste. Pas de séquences spectaculaires. Les scènes de danse sont filmées frontalement et les raids guerriers sur un mode elliptique. La fragilité de l’image la rend d’autant plus suggestive ; les manques remplacés par des photos ont des vertus poétiques. Hélas, la musique de Burger, conçue sur un mode ambient/world, mêlant archaïsme et électronique (guitares, synthés, samplers), vient surligner l’action, contredisant la “pureté” ontologique du film et atteignant un paroxysme techno pour les séquences de danse.
Heureusement, le travail génial de Curtis, qui a su faire revivre une culture anéantie avec une acuité fascinante, résiste à cette intrusion.
Danse d'animaux fantastiques: ours et autres bestioles appartenant aux rituels et à la magnifiscence des masques derrière lesquels les hommes incarnent les forces surnaturelles!
C'est grandiose et Rudolphe Burger en souligne l'originalité en collant à la rythmique, en prolongeant l'univers fantastique de ces séquences uniques en leur genre!
Jean Rouch en tremblerait de plaisir!

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