samedi 14 décembre 2013

"Incidents": "Ainsi Dansent" ? ou Co- Incidences?


"Ou début d'un très beau jour d'été".....
Un auteur "inconnu" Daniil Harms, poète et écrivain russe broyé à 36 ans par le régime soviétique, donne l'occasion à Christian Rätz, metteur en scène de la désormais repérée compagnie "Voix Point Comme", de "donner de la voix", de faire naitre le verbe et de l'incarner à travers de sacrées carcasses: celles de comédiens férus de beaux textes, les mots rivés au corps.
C'est tout dire de les voir apparaitre sur scène dans un grand concert de dégueulis. Déverser les maux, les battements de la vie à travers des extraits de courtes scènes, de saynètes, d'histoires courtes qui vont se succéder tambour battant, une heure et demie durant!
Et rien n'est à jeter dans ces prestations vives, menées de main de maitre par notre monsieur Loyal!
Une histoire de dingue, celle des trois naissances entame ce marathon de l'absurde, de l'insolite, de l’inouï!
Racontée par un grand escogriffe qui quelques secondes avant ramenait "sa fraise" dans un fauteuil de roi Ubu, tirait son coup avec un revolver de fortune dans le pantalon, à blanc, pour mieux se tirer ailleurs
Il s'en tire bien Jean Lorrain à travers ses multiples personnages tonitruants, balance de poids sous le bras, chapon-melon sur la tête. Avoir la "raie au milieu" ou au beurre blanc? Ça balance bien, ça roucoule, ça chatoie,ça chaloupe à l'envi ,ça bouge à merveille dans la houle des jeux de mots, de l'Oulipeau quasiment ou du Isidore Isou et son Hourloupe à son corps défendant!Les corps pensant se penchent en roseaux penchants qui s'épanchent joyeusement!
Le"Grand Jeu" n'est pas loin non plus qui veille au grain dans ce monde désuet, surréaliste, déconnecté et pourtant si attachant et proche de nous.« Le Grand Jeu est irrémédiable ; il ne se joue qu'une fois. Nous voulons le jouer à tous les instants de notre vie. » Pataphysique aussi!
Scène croquante où à la table dressée, l'hôte attend sa belle et se fait ravager le paltoquet par un concurrent manifestement démoniaque -toujours Jean Lorrain métamorphosé-qui vient lui démolir sa baraque, lui ravir sa belle et joncher le sol de  salade verte et de sucre offerts à l'occasion. On remet le couvert, on redresse la table après un joli carnage, une joute de mots et de gestes délicatement burlesques.Et on prend la pension complète avec rond de serviette!Sébastien Dubourg en amoureux transit fait mouche et Carole Breyer, seins gonflés à bloc est l'amante à entourlouper sans concession ni modération!
Quel petit peuple animé de bonnes et de mauvaises intentions!
Naïve et sereine Antje Schur en écolière docile et adulescente, puis en ballerine à tutu à col roulé s'en donne à cœur joie pour se mouvoir aisément et tirer son épingle du jeu, parmi ce chaos à la Ionesco ou Feydeau!
Princesse malgré elle, affublée d'un tutu de pacotille, la voici qui disjoncte en chanteuse pop-rock, cagoulée:le rêve de petit rat d'opéra docile et diaphane la quitte rapidement, elle qui est le chantre d'une danse plus que "contemporaine"!
Joli clin d’œil au destin de chacun des comédiens, le metteur en scène se rit des différences et explore les talents de chacun avec bonheur: un pas de deux en gabardine, exécuté par Antje Schur et Jean Lorrain nous rappelle que le danseur qui veille en nous se révèle simplement pour esquisser ce duo mouvant, fluide et bien mené, source et instant de respiration, de souffle dans ce chaos de mots, de verbe, de textes
Corps-texte bien venu dans la tempête de l'écriture si virulente de l'écrivain soviétique.
"Bœuf bouilli" -pot pourri-au menu d'un restaurant où l'on fait fuir le client en l'injuriant...On a aussi envie d'engueuler l'autre alors pourquoi pas officiellement!Sans autre forme de procès.Appelez moi le pal'ron car l'addition est trop salée-sucrée!Il n'y a que le sot qui l'y laisse!
On peut tout se permettre au royaume de Harms et les notes de musique en direct de Vincent Posty sont là pour le rappeler: à l'ordre et à la désobéissance, il est permis de déroger au pays de l'incongru et de l'incorrect."Y-a-t-il quelque chose" derrière tout ce remue méninges? "Ouh! lou lou"! Y-es-tu, entends-tu?
Interdit d'interdire, alors allons y chochotte! La permission de désobéissance est de mise, alors à table pour ce festin de mots iconoclastes et de situations comme des "incidents", accidents de parcours aux incidences imprévues....Ainsi dansent nos comédiens, le flot de la vie!
Rires et larmes de crocodile s'emparent du spectateur déboussolé par tant d'aventures, de rebonds, de tectoniques des plaques du plateau du TAPS Scala à Strasbourg.
Un" Feu d'Artifice" à la Giacomo Balla pour cet "Entr'acte" sans "Relâche" qui fait songer aux plus belles pièces abracadabrantesques d'auteurs à la Maiakovski, à la Queneau, Satie.
Une découverte, une entrée en la matière fort édifiante dans l'univers d'un auteur à découvrir absolument:mais sans la houlette de Christian Rätz qui sait en délivrer la quintessence loufoque et grave à la fois, qu'en advient-il?
Geneviève Charras le 13 Décembre 2013

www.taps.strasbourg.eu

www.voixpointcomme.fr

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