Et comme à l'acoutumé, Philippe Manoury, pédagogue de terrain et de talent présente les buts et objectifs de l'Académie et souligne tout l'interet de cette entreprise unique au regard de la composition en musique d'aujourd'hui!
Premier de cordée, Solange Azevedo, portugaise et son "Traum", un opus où les voyelles se chuchotent, les sons se susurrent en demi-teinte comme sur une toile impressionniste, touches de nuances pastel"délicates. Des mots en langue allemande se révèlent, des syllabes et de très beaux aigus étayent la pièce, en texture dense, chamarrée, bel alliance des voix, alliage savant des timbres, hauteurs et tenues des notes vocalisées. Singularité des frottements et vibrations à l'oreille de celui qui écoute ce trio de femmes ou d'hommes aux voix indéfiniment performatives, se jouant des croches-pieds de la mélodie tonale.
On frôle le divin, l’apollinien dans ses entrelacs, tissage des timbres et durées en dissonances imperceptibles.
Des basses au final enrobent le tout: strates, lignes, couches et courbes des sons en autant de signes et plans, chers à la chers aux "compositions" de Kandinsky dans son traité sur la peinture faite musique et architecture!
Pour lui succéder, "Bruisé" de Nicolas Brochec recueil d'onomatopées de chuintements, avec de belles tenues des aigus, des percussions des lèvres et de la langue dans le palais, gymnastique subtile de l'appareil vocal dans tous ses états: une exploration percutante des possibilités infinies des chanteurs, aguerris à la pratique inaccoutumée de l'exercice des facultés de l'émission, phonation et autres miracles de l’émetteur fascinant qu'est la parole, le son, la bouche.
Comme une volière prolixe, assemblée joyeuse, bigarrée d'êtres magnétiques résonnants!
"Song of Magnolia" de Lanqing Ding se révèle charmeur avec ses accents exotiques de culture sonore chinoise: petites percussions en sus , gong où les sons s'enroulent, se cabrent, vif argent, rapide, pressés et précis. En petites séquences rituelles comme au théâtre d'ombres, des personnages se profilent, naissent et se façonnent par les sons évocateurs de formes, de couleurs. La mise en espace des chanteurs, disséminés au centre de l'Eglise, rajoute un côté spatio-temporel insolite, en circulation et panique empressée, divagations et échanges entre les interprètes: une petite agora pour ces voix si fertiles en invention de timbre ou résonances!Force et intensité des solos dans les aigus, infimes émissions vocales pour ces funambules de la voix sur la corde raide de l'émission vocale; des gloussements crescendo, très rythmés se font corps et chair à pétrir le son.
Pour "La décadence des jardins", Nicolas Medero Larrosa propose des sons d'étonnement détonant, du souffle, de l'expira: ça renifle, halète, soupire à l'envi, jamais à bout de souffle Surprises et mystère pour cette oeuvre mijotée à l'étouffé, vapeur et nuages sensuels et évocateurs de vie en huis clos vocal musique de chambre à air.
Unisson au diapason de l'écriture complexe de cet opus qui superpose les textures multiples, simultanément: soupirs de satisfaction bordent expulsion et éruption de sons.
Quelques râles rauques en sus, en extinction des feux au final et le tour est joué.Les sons éjectés atterrissent ou décollent en véritable voyage aérien dans un univers, une atmosphère d'agonie, de châtiment ou de repentir. Un chant d'anges berce et rassure, protecteur, en cascade. Comme un bavardage animé de rucher agité, les mains sur la bouche, source de l'émission, n'entravent en rien ses respirations vitales, organiques, au flux très maîtrisé.
"Pek ti" de Jon Yu" clot le concert, en plaintes gracieuses, distinguées, puis en voix plus profondes et fouillées.Distribution de sons en alternance, choeur composé dans l'espace, avancée sonore au menu, lentes bribes de mots épars. La fusion opère et double l'éparpillement des sonorités émises, des rires esquissés, des alertes données pour diriger ce joli flux de sons. Dans une atmosphère de cour des miracles, les flexions musicales, les sautes d'humeur font mouche en autant de mouvements musicaux et corporels visibles, prégnants. Inspiré de citations sonores, cette pièce est riche et dense, très prometteuse!
Et quelle "chance" bien méritée pour ces jeunes pousses de la composition que d'entendre cette "mise en voix" remarquable de leurs créations: l'Ensemble de Stuttgart excellant dans les expériences insolites et novatrices, toujours à l’affût de sons-frissons, polyphoniques et polissons!
Leurs enseignants peuvent s'en enorgueillir, PhilIppe Manoury et Luca Francesconi infatigables porteurs de projets, Pygmalion des talents émergents de la musique d'aujourd'hui!
A l Eglise du Bouclier ce vendredi 5 Octobre
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