Un échange fructueux sur la lecture des œuvres littéraire et chorégraphique interpellent l'auteure, écrivaine Virginia Woolf...
Ou comment s'affranchir des injonctions sociales, patriarcales, comment décrire l'essence d'une vocation dans un récit poétique, littéraire et subversif à la façon "Woolf" ?..
Comment dans une nouvelle dramaturgie, le chorégraphe Gil Harusch va-t-il éviter biopic, histoire pour créer un "ballet" revendiqué comme genre, ballet d'aujourd'hui, prise de "parole" qui se libère sur la domination , prise de "gestes" façon Virginia. Le livre a circulé parmi les danseurs du Ballet du Rhin, expose Bruno Bouché en réponse à l'introduction de Emmanuelle Favier: pourquoi Virginia aujourd'hui? Ce "féminisme" jamais revendiqué comme tel par l'écrivaine, cette résurgence de sa figure fait questionnement, interroge: ici pas d'affirmation idéologique mais plutôt pragmatique, dans le concret, comme un modèle, une "grande sœur" fondatrice du genre dégenré qui s'autorise à être artiste femme, à la marge. Transposer la littérature dans le vivant, la danse "ce que lui fait à lui, chorégraphe, Virginia": du vampirisme, de l'irrespect hors norme face à une œuvre intouchable mais accessible à qui veut bien la visiter sans œillères.. Sans idée préconçue, cliché ou autre falsifications douteuses.Du subjectif, pas un "hommage" à l'auteure: il y développe sa singularité, une image genrée qui se représente. Prendre en charge son émancipation, donner fin à sa vie, aussi..Une force psychique que le chorégraphe analyse comme thérapeute très concerné!
Question de "genre" sur les "mots" de Virginia qui se répandent , touchent l'intime: des mots justes pour convoquer le silence, le geste dans la différence."J'ai renoncé à la prise de parole", "c'est écrire qui me donne mes proportions" dans la vie, dans l'espace: crédo commun aux trois auteurs: chorégraphe, écrivaines.
Un travail sur le déséquilibre s'amorce, se ressent: habiter son corps, son lieu à soi, l'endroit du corps où l'on se sent "bien". Correspondance entre psyché et Terpsichore !!
La chorégraphie est "genrée" sur les partitions corporelles et musicales: désir, sensualité, jeux de liberté sur sa propre identité, sa norme en tant qu'individu. Corps respon danse !
On retrouve la "vague" comme motif de l'écriture chorégraphique: l'élément liquide, auditif aussi du son, de la musique, présente, inventée, crée pour l'occasion du ballet.
Les mouvements sont "eau", vague, liquide, vase aussi.Les costumes changent dans une volonté de déconstruction du genre "ballet" mais respectant , infléchissant l'évacuation d'une intrigue, d'une histoire, d'une narration intempestive.
Virginia ne "raconte pas d'histoire"? c'est ce qui se passe dans l'humain qui la questionne, l'intrigue, la tarabuste et taraude. De même pour Gil Harush et sa fabrique de la pensée qui tient l'affectif et l'intellect, soudés.Pensée en marche, en mouvement, comme celle de l'écrivaine, à part.
Même démarche. Le groupe de danseurs y est masse physique, psychique alors que chaque individu y est aussi traité comme un être unique qui s'en détache, s'en extrait.
Vagues à l'âme, vagues alarme qui divaguent. Comme celle de la sculptrice Camille Claudel ou de la danseuse Isadora Duncan.
Une grande osmose avec l'orchestre "vivant" présent, son chef impliqué dans la recherche musicale adéquate est une grande joie pour Bruno Bouché, enthousiaste.Des images lui restent imprimées, travaillant corps et esprit, qui le poursuivent de leur impact, leur résonance: questionner le réel pour le faire"bouger"...
Des "impossibles" s'y expriment, jamais résolus, en suspens, en suspension, en suspens énigmatique..
Chutes, courses et ruptures, empêchements au registre de ce qui n'est jamais "illustration": c'est dense, touffu, multipliant les points de vues, brouillant les pistes de focales, comme l'écriture de Virginia, femme combative, pleine d'humour, de mélancolie aussi.
On se débarrasse ici des clichés sur son personnage, on prend des "états de corps" de lecteur, de spectateur impliqué, concerné.Ce n'est pas une "distraction" ni un divertissement mais une immersion en plongée dans une découverte de soi et de l'autre.On y "considère" le public respectueusement pour qu'il découvre matière et propos pour s'y transformer."Satisfait" d'être ainsi considéré, ouvrant des horizons multiples, des visions sur toutes ses propositions de lecture. Comme Camus, avoue Emmanuelle Favier qui vit à la fois la solitude de l'écrivaine et le désir de partage, d'incarnation de ses œuvres: par la lecture, par le jeu des comédiens ou danseurs qui donnent corps et voix à une œuvre écrite, composée.
Elle a fait elle même feu de tout bois pour son ouvrage sur Virginia: essai, journal intime, critiques, romans: tout ce qui "correspondait" à son désir de traduire, de passer en relais et flambeau, l’œuvre de cette femme en rébellion. En soulèvement.
"Votre" Virginia, bien à vous, de beaucoup de vous, des uns aux autres ..
Une signature, dédicace, correspondance "timbrée", affranchie, libre !
Comme l'angoisse face à la page blanche, comme le plaisir de la savoir remplie, après.
"Le texte me remplit", les acteurs" remplissent les mots de mes pièces de théâtre" pour Emmanuelle Favier.
Et pour Bruno Bouché, "l'endroit" c'est le studio de danse, le lieu où il trouve sa "place" et construit sa sémantique avec ses danseurs.
La "solitude" pour chacun restant nécessaire ou effrayante!
Très belle rencontre, tissée de complicités, de correspondances multiples aux entrées et sorties, cour et jardin, prolixes et prometteuse d'un "ballet" retrouvé sous sa forme complexe d'oeuvre nourricière§
Et buissonnière aussi !
A la Salle Blanche librairie Kléber le 13 Février
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