samedi 29 février 2020

Inverspace et l'Imaginaire : champ-contrechamp, vis à vis, face à face !

Concert & apéro : Inverspace & l'Imaginaire

29 février à Faubourg 12, Strasbourg

Pour son premier concert de 2020, l’Imaginaire invite l’ensemble bâlois Inverspace. Complices de longue date, les deux ensembles sont de la même génération, et partagent une même identité cosmopolite, ainsi que l’envie de réinventer la musique contemporaine en s'aventurant hors des sentiers battus.
Ce programme, où chaque ensemble se dévoile dans ses singularités, propose des œuvres de compositeurs/compositrices avec lesquels s'est nouée une complicité au long cours :

1ére partie:

Sarah Nemtsov : "void imaginings" (2018) interprété par Inverspace
Un ensemble de percussions insolites pour le quatuor suisse: des bols tibétains caressés par des pinceaux pour créer une atmosphère intime et recueillie de temple, de monastère bouddhiste. De petits souffles en cadence, discrets, ténus face au léger bruissement de la caisse claire, régulier. En contrepoint des autres ustensiles et objets manipulés par les interprètes devant leur instrumentum.
 Ambiance secrète assurée par une minuscule cymbale retentissante, comme une miniature, jouet charmant: les sons amplifiés par des micros suspendus au dessus des établis.Grincements, frottements, bruits et résonance de verre, vibrations de xylophone chaleureux. Le volume sonore s'amplifie dans une méditation spatiale dans un univers froid de sons distincts en alternance, comme des cloches résonantes, concaves, plus métalliques, cinglantes. Les gongs s'affirment en rémanence, du papier de bonbon froissé fait un bruit de marée qui se retire. L'univers demeure très minéral, de grès qui s'effrite, de sable secoué en syncope.Tel un joyeux atelier de production de sons, tel une forge résonante, le morceau, marteau et enclume sur l'établi, résonne de cloches d'alpage ou d'église.Se dessine un paysage multicolore, polyphonique où le son se durcit, se renforce, puissant, sombre, chaotique, tectonique, assourdissant, crissant. Ça fuse et ça vrombit de plus belle, dans des réverbérations et échos, en ricochet, en cascade. Du papier aluminium argenté tressé autour des micros, compacté, froissé détermine des bruits de cailloux, d'avalanche. Une œuvre percutante, riche et inventive à l'envi !


Nicolas Mondon : Trio ( 2016), interprété par l'Imaginaire
Une œuvre plus radicale, le piano au départ, frappé, caressé, flûte et saxophone de concert. Les pieds des interprètes frappent le sol en cadence.Vif, plein d'incidents, de ruptures, de surprises, la pièce frappe et intrigue.Des sifflements, des cassures, fractures, brisures de sons s'associent à des essoufflements. Atmosphère étrange de caverne où l'on pénètre peu à peu, lentement, en suspens, attentif, avec retenue, pas à pas, guidé par les sons.Opacité, trouble lancinant, bizarre... On avance prudemment dans l'obscurité, troublé, incertain. Les vents glissent, le piano au diapason gravissant les marches d'une ascension: passage à franchir, étroitesse de l'espace: on s'y fraie un chemin, à l'écoute
Un solo de piano, notes égrenées, fluides, frappées de curieuses harmoniques. Un flux sonore, mouvement de la flûte et du saxophone en symbiose. Osmose très réussie des trois protagonistes à l'unisson de vagues, d'arabesques ondulantes Puis s'opère une rupture scandée, tonique, en alternance, dans la longévité des sons soutenus dans l'espace.Lenteur, langueur de ce huis clos musical des trois complices qui va en se déplaçant peu à peu, s'ouvrant vers l'extérieur, vers d'autres horizons et perspectives. Des mouvements plus alertes, vifs, affirmés, le piano a les vents en poupe, les dirige, les fait se plier à son jeu: au finale, une belle suspension tient en haleine, en apnée, le public réuni, à l'écoute..

Après une pause apéritive, retour au "chez soi" avec la pièce "Heimat" de Wofgang Heiniger:  (2018)
Le pianiste de l'Imaginaire aux consoles à la rescousse du groupe suisse.
Une vraie platine- tourne- disque s'émeut, faisant écho à une grande diversité sonore commune au quatuor-quintet, fragmentée, rehaussée d'une voix sur la bande magnétique. Des vibrations multiples, un son d'orgue, des sirènes, cornes de brume du saxophone, petite flûte discrète: tout se mêle, se mixte à l'envi. Un vrombissement abyssal de surcroit s'empare de l'espace en abîme. Tel une avalanche déferlante. Dans une amplification sonore grandissante.Un chaos, une dégringolade enregistrée; le piano acoustique doublé par le piano synthétiseur pour une polyphonie éclatante, de sonorités empreintes et reproduites, troublantes, déroutantes.
Une pièce déstructurée, émulsion de sons éruptifs, empilement de timbres, fréquences et strates qui s'accumulent. Virtuel, artifice et acoustique se mêlent, s'enchevêtrent, se marient.
Une chute de tension en sus comme un atterrissage manqué d'un avion de guerre sur le tarmac mal balisé. Moteurs et pression allant vers une accalmie, plus pesante, salvatrice, réparatrice, mesurée en décrescendo. Les lumières s'éteignent sur ce champ de bataille, poubelle de guerre où s'écrasent les avions terrorisés!


Damian Gorandi :"FragiIity’s dementia - Who has the power in contemporary music?" (2019)
Le piano se prépare à vue et l'Imaginaire revient au front.Tempête, tornade, sifflements étranges venus du piano...Le pianiste, chercheur de sons, orpailleur, le corps dans l'instrument immergé!
 Chahut et vacarme assuré, plein de ruptures, d'effondrements fructueux: incroyables possibilités sonores issues, sorties du piano, manipulé, trituré dans le moindre détail de sa carcasse. Les touches comme des parties d'exosquelette parmi la fouille de ses entrailles surmenées.
 Musique viscérale, organique, tripes au poing, souffles des vents en osmose pour attiser le tout.
Etre vivant, monstrueux Quasimodo musical, OVNI, la pièce se déchaine, mailles à retordre le son, apocalypse, drame, embardée violente, accidents multiples et bombardements de mise.
Une accalmie souterraine ou planante, reprise et réveil du son terminent la pièce.

Leo Collin: "Corals", création (2020)
Au tour d' Inverspace de prendre la relève aux commandes d'une installation impressionnante: le pianiste de l'Imaginaire toujours à la rescousse du groupe aux consoles.
"Le vivant est extrêmement riche" murmure une voix off. Percussions corporelles désopilantes: toux, halètements, raclement d'objets hétéroclites: tout est à voir en live tant les sons débordent de sources d'imagination! Comme un jeu d'enfant, un bricolage à vue, inventif, créatif, ludique et très visuel.
De toutes parts fusent les sons brouillés: glissades, frôlements, bizarreries inventives inédites: crécelle, machine à écrire le son pianistique, détournement des instruments, inversion des rôles et grand "dégenrement" à la clef.
Un harmonica, une langue de belle mère, mirliton, un jouet hélicoptère en miniature, hélices au vent.
Affolement du saxophone, mugissements et grand charivari pour cette parade carnavalesque très réussie!
Un concert bariolé,varié, hétéroclite qui réunissait deux formations, fratries complices de musiciens en quête d'auteurs-compositeurs, haute couture de la musique d'aujourd'hui : du sur "mesure", haut de gamme !
Du fait maison de haute voltige, pièces uniques, prêtes à être portées par les protagonistes de l'Imaginaire et d'Inverspace de meilleur cru.

Au Faubourg 12 le 29 Février 






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